Petit à petit, les industriels détaillent leurs plans d’action pour faire face à la crise sans précédent du coronavirus. Airbus avait inauguré le bal des annonces lundi, avant que Safran ne le conclue ce vendredi 27 mars. Sans surprise, le groupe français s’est concentré sur la mise en place de mesures sanitaires pour permettre la reprise du travail et sur le dégagement de liquidités supplémentaires. Si ces mesures avaient été dévoilées par voie de communiqué pendant la nuit, Philippe Petitcolin, directeur général du groupe, les a détaillées en fin de matinée.
« Nous sommes dans une crise qui n’a jamais existé dans le domaine de l’aéronautique. Nous apprenons en marchant, jour après jour, pour continuer d’avancer et préparer l’avenir, a succinctement déclaré en introduction Philippe Petitcolin. Comme les autres industriels, nous remettons en cause nos prévisions pour 2020. Les hypothèses d’activité, que ce soit avec les maîtres d’oeuvre ou avec les compagnies aériennes pour les services après-vente, ne sont plus celles anticipées il y a quelques mois. »
Pour faire face à l’importante baisse des recettes qui se profile tout au long des prochains mois, Safran s’est attaché à dégager des liquidités comme l’explique Bernard Delpit, son directeur financier. Il négocie actuellement trois milliards de lignes de crédit supplémentaires, afin de préserver la trésorerie du groupe. Elles viendront s’ajouter à une facilité existante de 2,5 milliards d’euros. Avec l’apport de sa trésorerie, Safran dispose d’environ 8 milliards d’euros de liquidités.
Mesures d’économies
Comme chez Airbus ou Boeing, le Conseil d’administration de Safran a décidé de ne pas proposer de versement de dividendes lors de l’assemblée générale annuelle prévue fin mai. Cela devrait permettre une économie de l’ordre du milliard d’euros selon Philippe Petitcolin.
Safran va aussi renforcer ses mesures d’économie. Le groupe avait décidé en début d’année de réduire ses coûts de 300 millions d’euros pour faire face à l’arrêt temporaire de la production du 737 MAX, avec une baisse de cadence des livraisons de moteurs en accord avec Boeing. Cet objectif a été confirmé par Philippe Petitcolin, qui explique qu’il s’agit désormais d’aller au-delà avec de nouvelles dispositions. Cela passera notamment par une baisse des dépenses de R&D, avec le report ou l’étalement dans le temps de certains objectifs, et une diminution des coûts directs et indirects.
Cette recherche d’économies ne devrait pas se répercuter sur les emplois directs du groupe en France. Le directeur général s’est ainsi dit satisfait des mesures de chômage partiel mises en place par le gouvernement, et qu’il ne serait pas question de licenciements tant qu’elles seront en place. Il admet en revanche que la situation est toute autre dans les pays qui n’appliquent aucun dispositif de ce type, à commencer par les Etats-Unis. Des licenciements ont ainsi rapidement eu lieu dans plusieurs états.
Reprise du travail
Safran s’est aussi attaché à remettre en route son outil de production. Le processus est en cours, même si 25 sites sont encore fermés à travers le monde notamment en Inde et aux Etats-Unis. En France, Philippe Petitcolin assure que toutes les conditions nécessaires à la reprise du travail sont en train d’être mises en place, même s’il reste encore des points d’amélioration. Après avoir vu son stock de 60 000 masques réquisitionné par l’Etat, le groupe a l’autorisation d’en importer depuis dimanche pour équiper ses salariés.
Pour l’instant seuls 10% des effectifs français sont sur site et 30% en télétravail. S’il affirme comprendre la peur des gens de revenir travailler, notamment dans certaines régions très touchées, le directeur général espère que ce taux de présence grimpera encore un peu dans les prochains jours afin de faire remonter la production en puissance.
Philippe Petitcolin espère qu’il en sera de même du côté de sa chaîne d’approvisionnement, déjà tendue et où la situation se complique encore avec plusieurs petits fournisseurs complètement à l’arrêt. Les entités du groupe, à commencer par Safran Aircraft Engines, possèdent deux à trois semaines de stock de pièces. Au-delà, la production risque d’être pénalisée.
Pour l’instant, le groupe continue à livrer ses clients dans les temps, en piochant quelque peu dans les stocks tampons (« buffer »). C’est le cas pour Safran Aircraft Engines sur le moteur LEAP-1A destiné à l’A320neo d’Airbus.