L’année 2019 s’annonce sportive pour les aéroports français. Brexit et Grand débat national viennent menacer l’activité alors que les Assises du transport aérien se sont soldées par des conclusions plutôt timides. Pourtant, la tendance est bonne. En 2018, la France a pour la première fois accueilli plus de 200 millions de passagers (un nombre en croissance de 4,8%), avec une stabilité du nombre de mouvements. Une croissance toujours emmenée par le low-cost et l’international et toujours inférieure à celle des aéroports de l’Union européenne (qui a atteint 5,4%).
L’Union des aéroports français (UAF) rappelle que la croissance du groupe ADP a atteint 3,8%. Les autres aéroports métropolitains ont connu un fort dynamisme (+6%) qui ne se dément pas depuis dix ans, porté par les grands régionaux (plus d’un million de passagers annuels) et les aéroports régionaux (avec un trafic de plus de 200 000 passagers). Ils ont toutefois une faiblesse, leur dépendance au trafic low-cost.
Si ce dynamisme est une tendance à long terme, plusieurs épées de Damoclès menacent le secteur en 2018.
Le Brexit, très fort enjeu d’attractivité
Si les conséquences du référendum britannique sur sa participation à l’Union européenne sont toujours aussi floues à quinze jours de la date fatidique de sortie, certaines sont déjà très présentes dans les esprits des directeurs d’aéroports. Les passagers britanniques sont la première clientèle étrangère en régions ; ils représentent 15% du trafic sur les grands régionaux et dépassent parfois les 80% sur les aéroports de proximité.
La première préoccupation est fiscale. Si le Royaume-Uni redevient un pays tiers, la fiscalité sera plus lourde sur les billets pour des vols à destination de l’île et augmentera les taxes d’environ sept euros par billet, ce qui crée un surcoût équivalent à la taxe d’aéroport. L’UAF a alerté le ministère des Transports sur cette conséquence et prévient que si rien n’est fait, des lignes disparaîtront. « Ce serait un retour en arrière très dommageable », juge Thomas Juin, son président.
L’accord proposé par la Commission européenne sur le transport aérien pour maintenir les liaisons après le 29 mars en cas de Brexit sans accord ne satisfait pas non plus l’UAF, dans la mesure où il prévoit un gel des fréquences au niveau de celles de 2018. Or, aéroports et compagnies avaient prévu des augmentations sur la saison été.
Sans compter que certains aéroports ne sont pas équipés pour prendre en charge les vols vers des pays tiers.
La taxe sur le kérosène parmi les revendications du grand débat national
Si la crise des gilets jaunes n’a pas eu d’impact sur l’activité des aéroports hormis à La Réunion, le grand débat national qu’elle a entraîné brandit une réelle menace. « Le secteur du transport aérien est particulièrement visé, notamment avec la taxe kérosène », affirme Thomas Juin. Une telle taxe ne pouvant être appliquée que sur les vols intérieurs, elle n’aurait aucun impact sur les vols franchissant les frontières mais « aurait un effet dévastateur sur les transversales », avec les conséquences néfastes que l’on peut imaginer sur la connectivité des territoires.
Selon Thomas Juin, cette demande est l’illustration éclatante de « la méconnaissance totale du secteur » par le grand public et par certains politiques, qui imaginent toujours que l’avion est un moyen de transport de riches et que le secteur n’est pas taxé. Il rappelle au contraire que la moitié du prix du billet est représentée par les taxes et que le transport aérien finance tous ses coûts, par exemple d’administration (taxe aviation civile) ou de sûreté (taxe aéroport), et qu’à cela s’ajoutent des taxes supplémentaires qui ne s’appliquent qu’à lui, comme celle de solidarité.
« Et l’on nie complètement la réalité de ce qu’apporte le transport aérien », désormais un moyen de se déplacer comme les autres pour beaucoup de Français, et plus seulement pour des voyages d’affaires.
Le bilan mitigé des Assises du transport aérien
L’UAF n’est pas catégorique sur la vanité des Assises du transport aérien et relève des sujets de satisfaction. Par exemple, la reconnaissance du rôle fondamental du transport aérien et de l’utilité économique et sociétale des aéroports (qui se traduit sur le revirement sur les lignes d’aménagement du territoire), ou la mise en place d’une plus grande interaction entre les ministères (Intérieur et Finances).
Autrement, l’union juge que « les mesures de compétitivité ne sont pas à la hauteur de [ses] attentes. » Les baisses de taxes annoncées sont davantage perçues comme un effort des aéroports (notamment sur la taxe sûreté assurée à hauteur de 6% par le groupe ADP et celle des passagers en correspondance).
L’UAF va également être particulièrement vigilant à pouvoir profiter de sa part du fonds de sécurité intérieure pour avoir les moyens de moderniser ses systèmes de contrôle aux frontières en vue du durcissement attendu en 2021.