Elément moteur de la transformation numérique et du développement de l’usine 4.0, Daher ne pouvait pas passer à côté de l’exploration de données, ou data mining. L’ETI française a donc mis en place un premier service en début d’année avec TBM Analytics et son application Me&MyTBM, destinée aux pilotes de TBM. Ce projet constitue la première pierre d’un chantier beaucoup plus large, qui doit déboucher sur la valorisation de données pour l’ensemble des activités de la société à travers la plateforme Daher Analytics lancée l’an dernier.
« Nous avons travaillé en séminaire sur comment mieux utiliser les données, débute Raphaël Maitre, directeur du Soutien client de Daher. Nous sommes ainsi arrivés à ‘qu’est ce que je peux faire avec mon TBM ?’. » Les équipes de l’avionneur se sont donc réunies avec deux groupes de cinq clients, chacun lors d’Oshkosh 2017, l’une des grandes messes de l’aviation aux Etats-Unis.
Ce travail a permis de déterminer un spectre d’informations pertinentes à fournir aux pilotes (souvent propriétaires de leur appareil dans le cas du TBM) à partir des données générées par l’avion et de construire une application pour leur transmettre. Me&MyTBM est ainsi à même d’offrir au pilote une vue générale de l’état de son TBM, avec le fonctionnement de la batterie, la consommation d’huile, ou encore le niveau de kérosène dans les réservoirs.
L’utilisateur a ensuite la possibilité d’aller plus loin avec l’accès au statut de maintenance de l’appareil, via la solution de surveillance de la société américaine CAMP. Il peut aussi consulter l’historique de ses sorties, avec son plan de vol, sa consommation, son temps de roulage, ses paramètres moteurs, vitesse de rotation, torque, etc. Daher met ainsi gratuitement une quarantaine de paramètres à disposition de ses clients.
Construction d’un cadre
Pour récupérer les données en question, Daher s’est rapproché de Pratt & Whitney Canada, qui équipe les TBM avec son turbopropulseur PT6A-66D. Les données de vol et moteurs sont ainsi collectées puis transmises (une fois au sol par connexion 3G) par son boîtier FAST, installé en série sur les TBM depuis le début d’année. Le motoriste canadien les traite avant de les renvoyer à Daher, via CAMP, sous un format exploitable. L’avionneur les met enfin à disposition des pilotes dans les trente minutes qui suivent le vol.
Cela a nécessité de contractualiser la relation avec Pratt & Whitney Canada et CAMP sur la récupération des données, mais aussi sur leur confidentialité (le motoriste doit effacer tout ce qui ne le concerne pas directement après 15 jours), sur le paramétrage du boîtier FAST pour l’utilisation du TBM. Daher a également dû obtenir le consentement de ses clients à partager leurs données, ce qui n’a, a priori, pas posé de soucis.
Si ce projet ne constitue pas encore une réelle exploration de données, il a permis d’en jeter les bases. Raphaël Maitre explique ainsi que Daher a pu avancer sur la courbe d’apprentissage de l’Internet des objets (IoT) et commencer à défricher ce secteur complexe. Pour arriver à Me&MyTBM, l’ETI a pu engranger de l’expérience sur quelles données récupérer, comment, sous quelles conditions, pour quels résultats, où les stocker, à quel prix, etc.
Le directeur du soutien client voit désormais plus loin. Daher n’exploite qu’une part limitée des données à sa disposition. La combinaison entre le boîtier FAST et l’avionique Garmin 1000/3000 des TBM lui permet d’accéder à 418 paramètres. Et ce chiffre pourrait encore augmenter avec l’intégration de capteurs (HUMS) sur certains équipements comme l’hélice.
Un premier pas vers des données intelligentes
Plus qu’accroître le nombre de paramètres, le véritable défi sera « de mettre de l’intelligence dans les données » affirme Raphaël Maitre. L’objectif est ainsi d’aller vers de l’analyse de mégadonnées pour améliorer les opérations – avec par exemple l’introduction de la maintenance prédictive, de la gestion de flotte optimisée, d’une offre de conseil basée sur l’analyse – mais aussi la production et la conception. De premières requêtes de la part du bureau d’études TBM vont d’ailleurs dans ce sens.
Les équipes de Daher vont donc devoir s’attaquer au traitement plus en profondeur des données. Les défis à surmonter seront nombreux, avec l’élaboration de modèles, la conception d’algorithmes, le développement de la capacité d’analyse des résultats, et bien sûr leur exploitation. Il faudra donc recruter en conséquence et trouver les bons partenaires.
Cela devrait aller de pair avec le travail mené par Armstrong, équipe de deux personnes basée dans la Silicon Valley (Californie), avec comme but « de renforcer les interactions avec le monde du numérique », selon Didier Kayat, directeur général de Daher. Elle est notamment chargée d’identifier les nouvelles tendances technologiques, de favoriser leur intégration en collaboration avec le Daher Lab, et de nouer des partenariats avec les acteurs locaux de l’innovation.
Pour Daher, l’enjeu dépasse la construction d’avions. Ce travail réalisé avec TBM Analytics est un cas d’usage qui doit profiter à l’ensemble de la société. De nouveaux projets, basés sur cette première expérience, devraient voir le jour dans les autres secteurs d’activité, qu’il s’agisse de la production d’équipements, de la logistique, du nucléaire, etc., à travers Daher Analytics.