Vous avez présenté lors d’Ebace l’utilisation d’un drone pour l’inspection visuelle autour de vos avions, en partenariat avec la start-up Donecle. Depuis quand l’avez-vous mise en place ?
Pour l’instant, c’est en place côté militaire, notamment sur Rafale. Sur la partie avions civils, cela fait quelques mois que nous évaluons la solution pour visualiser les défauts mais aussi les caractériser grâce à l’intelligence artificielle. Nous ne sommes pas encore prêts, mais il y a des avancées relativement intéressantes. Nous allons faire une preuve de concept cette année dans l’environnement Falcon, en partenariat avec Dassault Falcon Service, notre filiale MRO.
Nous pensons que la valeur ajoutée se fera sur de gros chantiers de maintenance, avec le remplacement de l’inspection visuelle détaillée, ou lors de phases d’inspections pré-achat où il est nécessaire de faire rapidement un tour exhaustif de l’avion.
Si la mise en oeuvre du drone s’avère suffisamment simple, nous pouvons aussi imaginer une utilisation quasi-systématique en phase d’entrée de chantier. Cela permettrait, lorsqu’un avion avec un défaut, de vérifier s’il est techniquement hors tolérance et sinon de bien l’identifier vis-à-vis du client.
Vous avez aussi évoqué l’analyse de données et la maintenance prédictive, qui apparaissent de plus en plus comme des éléments clefs de la MRO. De quelle manière les abordez-vous et avec quels objectifs ?
C’est un gros enjeu, mais il est important de le replacer dans le contexte particulier de l’aviation d’affaires. Les opérateurs ne disposent pas en général de flottes importantes. Ensuite, faire de la prévision est une chose, mais il faut savoir ce que nous faisons après et qui décide. Nos clients conservent ainsi leur autonomie de décision, notamment sur la dépose d’équipements.
Notre réflexion se concentre donc beaucoup plus autour du diagnostic de pannes. Nous sommes rendus compte qu’en analysant les séquences de messages de pannes enregistrées dans le FHDB (historique des pannes, NDLR), nous allions identifier un certain nombre de signatures de pannes. Et si nous sommes capables de le faire a posteriori, nous pouvons peut-être le faire un petit peu plus a priori en repérant en amont certaines signatures de pannes déjà identifiées auparavant.
Nous réfléchissons aussi à la fiabilité des équipements. Nous avons une quantité de données importante que nous pourrions utiliser et recouper davantage. Cela ne dit pas tout, mais nous avons tout de même beaucoup d’éléments pour faire de l’identification de pannes récurrentes et renforcer la surveillance sur certains équipements.
L’objectif ultime est d’éviter une panne qui immobilise l’avion, mais nous pouvons aussi avoir une véritable valeur ajoutée en ciblant davantage les pannes. Cela nous permet par exemple de nous assurer que notre avion d’assistance, FalconResponse, part avec la bonne pièce et les bons outillages.
Ce sont des axes de progrès sur lesquels nous travaillons activement.
Allez-vous franchir un cap avec les nouvelles générations de Falcon ?
Nous travaillons actuellement sur les Falcon 7X et 8X, mais la réflexion commence à s’étendre au 6X dont l’entrée en service est prévue en 2022. Nous sommes très ambitieux sur ce programme en matière d’études sur la convergence des systèmes, les niveaux d’enregistrement, les modes de traitement des données, etc.
Le volume de données devrait aussi augmenter de façon significative. Il faut faire attention à la pertinence des données pour ne pas trop en prendre non plus. Plus nous allons enregistrer de choses, plus ce sera difficile à traiter dans un facteur temps limité.
Travaillez-vous déjà avec votre réseau sur cette approche ?
Pour l’instant nous sommes en train de définir ce qui va venir au-dessus de l’analyse de panne définie dans la documentation. C’est le coeur de métier du soutien technique et de l’analyse de défauts. C’est certain que Dassault Falcon Service ou Dassault Falcon Jet aux Etats-Unis ont l’habitude de traiter un certain nombre de choses, mais là nous sommes en train de définir le coeur des équipes de soutien systèmes par systèmes.
© Dassault Aviation
Concernant TAG Maintenance Services et ExecuJet, pourquoi Dassault Aviation a-t-il décidé d’acheter ces deux entités ?
La stratégie est que le constructeur soit plus impliqué dans l’activité MRO pour mieux gérer son expérience client, et moins la laisser à des tiers. La compétition entre avionneurs est de plus en plus dure et se joue de plus en plus sur le soutien technique, les rechanges et maintenant sur la maintenance.
C’est une problématique mondiale, avec deux axes. Il y a la région Asie-Pacifique où la flotte Falcon est en croissance constante depuis une dizaine d’années et où nous souhaitons nous renforcer. C’est l’empreinte d’ExecuJet dans la zone, en Malaisie ou en Australie, qui nous a vraiment poussé à en faire l’acquisition, au-delà de leur présence très intéressante au Moyen-Orient et en Afrique.
Avec TAG Maintenance Services, il s’agissait de mieux contrôler nos capacités en Europe. Nous avons des capacités importantes avec Dassault Falcon Service, mais il y a une part non négligeable qui nous échappait. Nous ne voulons pas être exclusifs, mais si nous voulons être maîtres de notre destin à moyen terme, il faut que nous renforcions nos capacités.
Y aura-t-il des zones réservées Falcon dans les centres TAG Maintenance Services et ExecuJet ?
Nous sommes pragmatiques. Un de nos principaux axes est de développer la Malaisie avec Execujet. Ils ne s’occupaient pas de Falcon et désormais ils commencent déjà à en faire. Nous sommes en train de qualifier des gens sur place et nous avons déjà dépanné un avion avec leur concours..
Nous allons bien sûr développer ou renforcer l’activité Falcon, mais celle-ci ne sera pas exclusive et nous poursuivrons notre activité multi-marques.
Avez-vous la volonté de continuer à agrandir ce réseau et de créer une véritable division de services ?
Comme l’a dit Eric Trappier, nous nous évaluons en permanence les opportunités du marché. L’objectif n’est pas de capter 90% des capacités ou de viser l’amélioration de la profitabilité. Notre objectif est de sécuriser la part de maintenance Falcon et de coordonner nos différentes entités pour améliorer le service. La qualité du service client est évidemment devenue un argument critique dans la vente d’avion qui demeure notre principal métier.
L’organisation a aussi évolué, avec le regroupement de la MRO, du soutien technique et opérationnel. On y retrouve tout ce qui touche à la relation client après la livraison de l’avion. C’est ce que nous appelons l’expérience client.