S’il y a un constat clair qui se dégage des 13e Rencontres aviation civile aviation militaire, qui se sont tenues le 21 novembre, c’est que l’exploitation de données sera au coeur du maintien en condition opérationnelle (MCO) des flottes militaires françaises dans les prochaines années. Le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air en a fait l’un des trois axes majeurs de sa stratégie de modernisation, avec la logistique 4.0 et la robotisation des opérations de maintenance. Cette transformation pose, comme dans le monde civil, la question de la propriété des données. Et celle-ci, là encore comme dans le monde civil, n’est pas encore réglée.
Le volume de données collectées par les aéronefs militaires devrait croître fortement au cours de la prochaine décennie. « En 2027, 60% de la flotte disposera d’une capacité totale de collecte de données, contre 30% aujourd’hui », détaille le général Lavigne. Cette transformation va s’accompagner « d’évolutions normatives et législatives » et « va obliger à une réorganisation avec de nouvelles innovations d’ingénierie contractuelles », note de son côté le général (2S) Jean-Marc Laurent, titulaire de la chaire Défense et aérospatial à Sciences Po Bordeaux. Cela devrait être le cas pour les questions ayant trait à la propriété et les conditions d’utilisation de ces données.
L’ingénieur général de l’armement (IGA) Eric Estève, en charge de la transformation à la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé), admet volontiers qu’il s’agit d’une « question complexe », notamment en fonction du type de données traitées. En ce qui concerne les données générées par les flottes d’aéronefs militaires, il estime néanmoins que des dispositions sont déjà prises à ce sujet et que « l’Etat en conserve la propriété ». Ensuite, libre à lui d’en concéder l’usage aux différents acteurs (constructeurs, équipementiers, sociétés de MRO, Service industriel de l’aéronautique…).
La recherche d’une véritable continuité numérique pose néanmoins la question du partage des informations entre ces acteurs eux-mêmes, avec les problèmes de confidentialité que cela engendre. Cela s’avère d’autant plus important que les nouveaux contrats de maintenance verticalisés désignent un industriel comme maître d’oeuvre unique ayant pour mission d’organiser l’ensemble de la chaîne de soutien avec les autres acteurs. L’IGA Estève se montre tout de même confiant : « La propriété intellectuelle reste un sujet très compliqué juridiquement, notamment avec le développement du numérique. Nous l’avons pris en compte dans nos nouveaux contrats ».
Tout ne semble pas réglé pour autant, comme c’est le cas pour les données de maintenance. Le plus gros pavé dans la mare à ce sujet est jeté par Gilles Foultier, vice-président en charge des activités militaires chez Sabena Technics. « Dans le monde civil, nous n’avons aucun état d’âme à envoyer nos données vers Airbus. Cela nous permet de nous benchmarker (sic.) Nos données sont parfaitement bien protégées. Dans le militaire, ces données peuvent nous faire perdre ou gagner un contrat. Nous ne savons pas ce qu’en fait la DMAé. Nous ne les communiquons donc pas. »
Il reste donc encore quelques étapes à franchir avant que mutualisation des données soit la règle absolue du MCO.