L’épée de Damoclès a fini par tomber. Dassault Aviation vient d’engager avec Safran Aircraft Engines le processus de résiliation du contrat Silvercrest, qui devait équiper le bimoteur d’affaires. Cette décision entraîne de fait l’annulation définitive du programme Falcon 5X. L’annonce a été faite le 13 décembre au soir, après la fermeture des cours de la bourse. C’est un coup dur pour l’avionneur français, qui avait fondé beaucoup d’espoirs dans son avion lors de son lancement en 2013. Un nouveau programme Falcon va en revanche voir le jour, en vue d’une mise en service en 2022.
Si plusieurs observateurs avaient émis la possibilité d’une décision aussi radicale, personne ne voulait vraiment y croire. Les nouveaux problèmes rencontrés par Safran Aircraft Engines dans la mise au point du Silvercrest en ont décidé autrement. Ceux-ci avaient été dévoilés directement par Eric Trappier, P-DG de Dassault Aviation, au cours de la convention américaine de la NBAA en octobre dernier. Il avait alors affirmé qu’il était trop tôt pour décider, mais que toutes les options étaient étudiées.
Le Falcon 5X aura connu des retards à répétition tout au long de son développement, en grande partie à cause des difficultés du Silvercrest. Le calendrier avait ainsi dû être modifié en 2015, puis en 2016. Pour rappel, l’avion devait initialement entrer en service début 2017, cette date ayant progressivement glissé jusqu’en 2020. Dassault Aviation avait alors déploré une douzaine d’annulations de commandes. Les nouvelles difficultés du Silvercrest ont rendu ce dernier échéancier intenable selon Dassault.
Cette annonce d’annulation arrive au moment où le programme d’essais en vol pouvait se targuer de premiers résultats. Entre son vol inaugural, effectué le 5 juillet dernier, et mi-octobre, le premier prototype du Falcon 5X avait accumulé 50 heures de vol. Les premiers retours étaient extrêmement positifs à en croire Eric Trappier, l’avion faisant preuve d’une très bonne manoeuvrabilité dans toutes les conditions de vol et d’un comportement aérodynamique conforme aux simulations.
L’abandon du Falcon 5X laisse la place à un nouveau programme. « Le besoin des clients pour un avion long range et large cabine reste intact, déclare Éric Trappier, et j’ai donc décidé le lancement d’un projet de nouveau Falcon équipé de moteurs Pratt & Whitney Canada, reprenant le diamètre fuselage du Falcon 5X, avec un range de 5 500 nm et prévu pour une entrée en service en 2022 ». Reste à savoir s’il s’agit du futur Falcon déjà évoqué à plusieurs reprises par le patron de Dassault Aviation, mais celui-ci parlait alors d’un avion différent avec un tout nouveau rayon d’action.
Sale temps pour le Silvercrest
Le coup est aussi dur pour Safran Aircraft Engines. Le Silvercrest est le premier moteur civil conçu entièrement par l’entreprise française. Sa conception ambitieuse offrait également de belles promesses en termes de performances. Le motoriste a d’ailleurs affirmé dans un communiqué, également diffusé le 13 décembre, que le « décalage du calendrier de certification du moteur Silvercrest (devait) permettre d’atteindre les performances du moteur dans l’ensemble du domaine de vol. » Une analyse qui n’a pas été partagée par Dassault.
Des négociations vont désormais avoir lieu entre Safran Aircraft Engines et Dassault Aviation pour trouver un terrain d’entente sur la résiliation du contrat Silvercrest. Aucune des parties n’a précisé si le cas était prévu. Safran précise seulement que les « pénalités contractuelles au titre du développement du moteur ont déjà été provisionnées dans ses comptes » et qu’il « confirme ses perspectives pour 2017 ». Selon une source proche du dossier, toutes les clauses de pénalité prévues dans le contrat avaient déjà été exercées par Dassault avant même cette annulation.
Textron Aviation n’a pour l’instant pas encore réagi. Le groupe américain est le second client du Silvercrest, pour son bimoteur d’affaires Cessna Citation Hemisphere. Interrogé en octobre dernier, Brad Thress, vice-président principal chargé de l’ingénierie chez Textron Aviation, avait déclaré être toujours « très confiant » dans le moteur et que cela n’affecterait pas le calendrier de son avion. Il dispose néanmoins d’un peu de temps, le Citation Hemisphere ne devant voler qu’en 2019.
Photo © Le Journal de l’Aviation