Rolls-Royce l’affirme, il y a des « progrès dans la résolution des problèmes de Trent 1000 avec un seul correctif de conception majeur restant ». Le problème c’est que la mise en place de ce correctif – c’est-à-dire l’intégration d’aubes de turbine haute pression (HP) améliorées pour le Trent 1000 TEN – a été repoussée au mieux au premier semestre 2021 et n’atteindra pas pour autant le niveau de performances attendu. Cette nouvelle déconvenue oblige le motoriste britannique à provisionner une nouvelle charge exceptionnelle de 1,4 milliard de livres sterling (1,6 milliard d’euros) en 2019.
Pour les trois défauts qui affectaient chacun les trois versions du Trent 1000 (package B et C et TEN), soit neuf problèmes à traiter, Rolls-Royce annonce avoir élaboré huit correctifs et certifié sept, désormais intégrés aux moteurs opérationnels. Le motoriste bute donc encore sur la conception de nouvelles aubes de turbine HP pour le Trent 1000 TEN, victimes d’une dégradation accélérée en opération. Et ce malgré la mise en service d’une installation dédiée dans son fief de Derby, au Royaume-Uni, qui doit « permettre d’accélérer les tests et la validation des nouvelles conceptions de composants ».
Une évaluation technique détaillée du nouveau design proposé, qui devait être mis en place début 2020, a montré que celui-ci ne présentait toujours pas un niveau de durabilité suffisant. Le problème semble plus complexe que prévu, Rolls-Royce ayant été obligé de repousser d’au moins un an l’arrivée des nouvelles aubes. « Bien que nous regrettions que l’aube ne soit pas prête quand nous l’avions initialement prévue, notre compréhension des problèmes techniques s’est considérablement améliorée », a tenté de justifier Warren East, son PDG.
Une durabilité limitée
Surtout, le dirigeant a admis que le design final à venir n’atteindrait par le niveau de performances attendu initialement. Il va donc devoir « redéfinir (ses) attentes financières et opérationnelles pour le moteur » en se basant sur une estimation plus prudente de la durabilité des aubes. Face à cette nouvelle déconvenue, Rolls-Royce peine à rassurer : « Cette estimation est inférieure à notre objectif initial, mais suffisante pour répondre aux besoins de nos clients, et nous permet de mettre à jour nos prévisions de visites en atelier et de coûts de maintenance futurs. Ces travaux permettront aux clients d’avoir une vision plus claire des besoins d’entretien de leur flotte et aux investisseurs d’avoir une vision plus claire des coûts futurs. »
Rolls-Royce va donc devoir mettre les petits plats dans les grands au niveau du soutien de ces moteurs. Tout d’abord pour réduire le nombre d’avions cloués au sol (AOG) à un niveau plus acceptable – moins de dix appareils en simultané d’ici la fin du deuxième trimestre 2020 – mais aussi pour anticiper les besoins croissants de maintenance dus au déficit d’endurance des futures aubes. Cela passera par une augmentation du stock de moteurs de rechange – avec tous les coûts que cela représente – et un renforcement du réseau MRO et des capacités de révision.
Des coûts en cascade
L’addition va être donc salée pour Rolls-Royce. Rien que pour 2019 donc, il faudra compter une charge exceptionnelle de 1,4 milliard de livres sterling. Cela comprend les coûts supplémentaires liés à la perturbation pour les compagnies clientes et aux visites en atelier pour intégrer les correctifs, mais aussi l’impact d’éventuelles pertes de contrats futurs. Pour 2017-2023 – ce qui correspond à la période de mise en service du Trent 1000 TEN – la facture se chiffre à 2,4 milliards de livres sterling. Cela comprend 1,6 milliard déjà annoncé aux résultats semestriel, auxquels s’ajoutent 400 millions de coûts de développement supplémentaires pour toutes les variantes du Trent 1000, ainsi que les 400 millions prévus initialement pour la mise au point du Trent 1000 TEN.
Rolls-Royce, qui avait perdu plus de 900 millions de livres sterling au premier semestre, revoit donc ses prévisions annuelles à la baisse. Son bénéfice opérationnel devrait donc se situer dans le bas de la fourchette de 600 à 800 millions de livres sterling précédemment communiquée. Le motoriste devrait néanmoins disposer d’un flux de trésorerie disponible d’au moins 1 milliard de livres en 2020.