C’était une demande de longue date de la part de la Sécurité civile. Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a annoncé, le 25 juillet, la commande de six nouveaux avions bombardiers d’eau Dash 8-Q400 MR. Ces avions doivent permettre aux soldats du feu de renouveler un parc vieillissant d’appareils.
Cette annonce intervient alors que d’importants incendies frappent le sud de la France dans le Var, le Vaucluse et la Haute-Corse et que la Sécurité civile atteint les limites capacitaires de sa flotte. Cette situation avait d’ailleurs été dénoncée un peu plus tôt dans la journée par le Syndicat national du personnel navigant de l’aéronautique civile, qui révélait l’indisponibilité de quatre Canadair et d’un Tracker pourtant nécessaires pour restreindre les divers incendies.
Pour le ministre de l’Intérieur, ce n’est d’ailleurs pas un problème de taille de la flotte, mais de nombre d’avions disponibles simultanément. Il ainsi déclaré à l’AFP que la flotte « est aujourd’hui suffisante en France », mais doit « faire l’objet à chaque fois d’un entretien quand elle revient à terre ».
La promesse faite par Gérard Collomb ne résout néanmoins pas l’urgence opérationnelle actuelle. Il faudra quelques années pour que les six appareils soient livrés et intégrés. La France fait donc appel à des moyens étrangers et a demandé à l’Union européenne la mise à disposition de deux Canadair. Le premier, italien, est arrivé en Corse le 25 juillet au soir. Ces renforts ne seront pas de trop alors que la Sécurité civile a déjà effectué 4 000 largages d’eau et de retardant depuis le début de la saison, soit le double de l’an dernier à la même époque.
Les origines du mal
Cette importante indisponibilité est largement due aux besoins de maintenance de plus en plus lourds de ses appareils, à commencer par les Tracker S-2FT. Ces appareils ont été achetés par la France dans les années 1980 et accusent plus de trente ans de moyenne d’âge. Basés sur l’avion de surveillance maritime Grumman S-2, qui a volé pour la première fois en 1952, ils devaient initialement être retirés du service en 2008. Un programme de révision technique a été lancé dans les années 2000 pour les maintenir en activité jusqu’en 2020. De même, les premiers Canadairs CL-415 sont en service depuis 1995 et sont soumis à rude épreuve chaque année.
A priori, les nouveaux Dash 8-Q400 MR ne viendront donc pas s’ajouter à la flotte actuelle de 26 appareils – 11 Canadairs CL-415, 10 Tracker S-2FT, 2 Dash 8-Q400 MR et 3 Beechcraft King Air 200. Ils devraient remplacer les Tracker, sans respecter le principe du 1 pour 1. C’était déjà le cas en 2005, où le ministère de l’Intérieur avait décidé de remplacer deux Tracker détruits en opération par un seul Dash 8-Q400 MR. Les capacités du Dash canadien sont néanmoins supérieures à celles de son cousin américain, avec un emport de 10 t de produit retardant – ou bien 64 personnes et 9 t de fret grâce à une reconfiguration – contre seulement 3,2 t pour le Tracker. Son autonomie est également plus importante.
S’il est bien effectif, ce remplacement des Tracker par des Dash pourrait soulever une autre question. Les deux appareils possèdent des qualités différentes et n’assurent pas le même type de missions. Le Tracker assure notamment des missions de guet aérien armé retardant (Gaar) avec pour but de maîtriser au plus vite les départs de feu par des attaques directes. Il peut également servir à circonscrire la propagation de l’incendie et protéger des zones sensibles avec des lignes d’appui de retardant. Sa maniabilité lui permet d’intervenir en milieu accidenté.
S’il peut aussi effectuer du guet aérien en complément des Tracker, ce n’est pas la mission première du Dash. Il est davantage destiné à poser d’importantes lignes de retardant (au vu de sa capacité d’emport) dans l’axe de l’incendie pour couper sa progression. De plus, il est limité en facteur de charge – de 2,1 g à pleine charge à 3 g à vide – et ne peut donc pas opérer au contact de l’incendie ou en milieu accidenté. La Sécurité civile devra donc revoir l’articulation de son dispositif avec les CL-415.
Un Tracker de la Sécurité civile. © Ministère de l’Intérieur
Un appel d’offres qui tombe à l’eau
Reste également à savoir si cette commande promise – en attendant de devenir effective – se substituera à la procédure d’appel d’offres entamée par la Direction générale de l’armement (DGA) en mars 2016. Agissant pour le compte de la Direction générale de la Sécurité civile et de gestion des crises (la DGSCGC, qui dépend du ministère de l’Intérieur), elle avait publié un avis de préinformation (n° 16-45709) pour l’acquisition d’un maximum de 6 « avions multirôles, bombardier d’eau et de transport ».
Celui-ci faisait état d’un besoin pour un biturbopropulseur neuf ou d’occasion, avec une longueur maximale de 44 m et une envergure maximale de 42 m, un rayon d’action de 2 500 km avec une capacité sur zone de 2 h 30, une vitesse de croisière supérieure à 220 noeuds (410 km/h), capable de larguer partiellement ou totalement 9 t d’eau ou de retardant et à même d’être reconfiguré pour transporter des passagers ou du fret. Cela correspond donc peu ou prou au Dash 8-Q400 MR, mis à part pour l’autonomie.
Le véritable appel d’offres avec mise en concurrence n’a pas (encore) été lancé. La commande était pourtant prévue pour 2017. Les livraisons devaient débuter en 2018 à raison d’un appareil par an.