Ce sont des innovations de ruptures qui pourraient bien venir monter à bord d’une future génération de moteurs pour avions monocouloirs moyen ou court-courrier à partir de 2035 et au-delà. Le motoriste allemand MTU Aero Engines vient de dévoiler l’ambitieux projet SWITCH (Sustainable Water-Injecting Turbofan Comprising Hybrid-electrics), un programme de démonstrateur de technologies pour un réacteur de moyenne puissance qui figure parmi les 20 projets menés par l’initiative Clean Aviation de l’Union européenne.
MTU n’est pas seul sur ce programme, mais agira comme coordinateur, en réunissant Pratt & Whitney, Collins Aerospace, GKN Aerospace et Airbus.
Claus Rieger, SVP Technology & Engineering Advanced Programs de MTU, explique que ce programme se basera sur l’architecture du GTF de Pratt & Whitney, la famille de réacteurs à réducteur à succès présente sur l’A320neo, l’A220 ou encore l’E-Jet E2.
Comme son nom l’indique, SWITCH viendra combiner deux sphères d’innovations bien différentes, à savoir l’injection de vapeur d’eau en chambre de combustion (découlant du projet WET – Water-Enhanced Turbofan de MTU) et l’hybridation électrique (découlant de plusieurs projets menés par Pratt & Whitney et Collins Aerospace). « Le but est d’atteindre jusqu’à 25% d’économie de carburant et les émissions de CO2 associés par rapport aux systèmes propulsifs les plus modernes aujourd’hui tout en réduisant les émissions de NOx de 80%, et en réduisant aussi l’apparition des traînées de condensation » a-t-il précisé. Le projet comprend aussi la participation d’université et de centres de recherches présents dans 11 pays, de la Grèce à la Suède en passant évidemment par l’Allemagne (DLR, Université de Stuttgart…). L’enveloppe globale est de l’ordre de 10 millions d’euros.
Injection de vapeur et hybridation en parallèle
Pour Graham Webb, Chief Sustainability Officer chez Pratt & Whitney, l’idée est de combiner les technologies ensemble sur le GTF plutôt que dans différentes étapes, « avec une compatibilité avec les SAF, ce qui est critique pour notre industrie, voire avec l’hydrogène ». L’intégration des deux technologies permet par ailleurs d’avoir un impact environnemental bénéfique sur toutes les phases du vol, l’injection de vapeur d’eau en chambre de combustion contribuant davantage en phase de croisière alors que l’hybridation électrique sera plus bénéfique en montée ou même au sol (e-taxiing).
Le concept d’ingestion d’eau à l’intérieur d’une turbosoufflante n’est pas une idée nouvelle en soi, certains moteurs Pratt & Whitney (JT3 du 707, JT9D du 747) ayant déjà par le passé utilisée cette fonctionnalité, mais pour un regain de puissance passager durant les phases de décollage. Mais cette fois, la technologie WET va permettre une utilisation plus durable de l’ingestion de vapeur directement en chambre de combustion, avec des effets non négligeables aussi au niveau des températures de fonctionnement du moteur. Les injecteurs de vapeur en chambre seront produits par Pratt & Whitney, MTU étant en charge de la turbine à vapeur après l’échappement et de la récupération de la vapeur (Water-Recovery Unit). Collins Aerospace sera quant à lui en charge de la partie condensateur de vapeur et GKN des vaporisateurs en turbine.
L’hybridation électrique des deux arbres du Geared Turbofan sera quant à elle constituée de deux moteurs électriques de Collins (500kW pour la partie haute vitesse et 1 MW pour la partie basse vitesse)., Pratt & Whitney étant quant à lui en charge de l’intégration de cette nouvelle puissance parallèle sur le moteur. S’ajoute évidemment à cela une profonde modification des fonctions avion, avec l’intégration de batteries haute performance et des systèmes électriques associés (Collins), de la distribution électrique en alternatif (GKN), du câblage associé (GKN). Collins Aerospace sera par ailleurs aussi en charge de la nacelle, avec l’intégration de nouvelles fonctionnalités en lien avec les circuits de vapeur.
Claus Rieger concède cependant que si le diamètre du programme SWITCH restera inchangé par rapport à un GTF d’aujourd’hui, la combinaison des technologies liées à la vapeur et à l’hybridation augmentera de 50% la masse totale du système propulsif dans son ensemble pour un avion. De plus, la partie arrière du moteur sera sensiblement allongée, avec une augmentation associée de la traînée. « Mais tout ce poids sera compensé pour atteindre un gain de 25% de consommation de carburant » a-t-il souligné.
Des choix qui dicteront aussi l’architecture des avions commerciaux de demain
La combinaison de deux technologies apportées par SWITCH est vue comme une vraie opportunité par Airbus dans le cadre des objectifs de décarbonation de l’aviation, même s’il n’est pas encore ici question de choisir un successeur au PW1100G-JM. « L’objectif c’est d’explorer et de vérifier si les bénéfices de ces technologies sont là, puis d’arriver à une plateforme de démonstrateur vers 2030-2035 » annonce pour sa part Karim Mokaddem, Directeur en charge de l’Électrification chez Airbus. « C’est un travail d’équipe, avec beaucoup de fonctions avion qui seront impactées » explique-t-il.
Ce qui est sûr c’est que la stratégie menée par MTU, Pratt & Whitney, Collins Aerospace et GKN est bien différente de l’approche menée par GE Aerospace et Safran sur le démonstrateur de l’open fan RISE (Revolutionary Innovation for Sustainable Engine). Et ces choix auront inévitablement un important impact sur l’architecture de la prochaine génération de monocouloirs de l’avionneur européen.