Avec un doublement de sa flotte d’avions commerciaux d’ici seulement dix ans, l’Inde se voit promettre un bel avenir dans le secteur de la maintenance. Mais si l’Inde reste un marché complexe pour les différents opérateurs du pays, il l’est incontestablement encore plus au niveau de la MRO. Plus de 90% de la maintenance de la flotte indienne est effectuée à l’étranger, principalement en Asie du Sud-Est (à Singapour en particulier) et au Moyen-Orient. Il faut dire que de bonnes raisons s’y prêtent, avec une taxation encore défavorable est un secteur de la maintenance encore en devenir.
Le marché de la MRO en Inde a historiquement été porté par les besoins des compagnies publiques Air India et Indian Airlines, aujourd’hui fusionnée. Air India Engineering Service Limited (AIESL) reste ainsi encore de très loin le principal acteur du marché avec ses six principaux centres de maintenance en base repartis dans tout le pays (Bombay, Calcutta, Delhi, Hyderabad, Nagpur et Trivandrum).
Pourtant les choses ont commencé à bouger ces derniers mois, avec par exemple l’agrément FAA décroché en mai par GMR Aero Technic pour son centre de maintenance d’Hyderabad et concernant les Boeing 737NG et Airbus A320. De même, un peu plus tôt dans l’année, la société américaine AAR s’est également associé à Indamer Aviation pour crée un nouveau centre de maintenance à Nagpur, en Joint Venture. Ce centre, désormais en construction, disposera de 6 baies pour monocouloirs (en incluant une baie de mise en peinture), avec la possibilité de l’étendre à 16 baies et à des ateliers de réparation d’équipements. Ce centre sera agréé DGCA, FAA et EASA.
Même AIESL, qui était jusqu’à présent entièrement dédiée aux besoins d’Air India et de ses filiales, est en train d’évoluer en souhaitant désormais attirer des opérateurs d’Asie et du Moyen-Orient. C’est d’ailleurs dans cette logique que la filiale maintenance d’Air India a récemment investi à l’étranger pour proposer des services de maintenance en ligne sur différents aéroports de la région du Golfe (Manama, Mascate…).
Selon une étude de la société de conseil en stratégie Oliver Wyman présentée lors du salon MRO Asia-Pacific, la flotte des compagnies aériennes indiennes passera de 511 appareils aujourd’hui à 1175 en 2028 (en progression annuelle moyenne de 8,7%, du même ordre que celle de la Chine). Cette croissance de la flotte sera évidemment portée par l’arrivée de nombreux monocouloirs (+5,7% par an). Les dépenses de MRO induites connaitront quant à elles une progression annuelle moyenne de 5,6% sur la période pour atteindre les 3 milliards de dollars en 2028 (maintenance en ligne comprise).
On comprend alors que l’Inde possède un important potentiel de croissance, sans oublier que le pays dispose aujourd’hui du coût de main-d’oeuvre le plus bas de toutes les autres régions du monde, avec un salaire moyen estimé à 43 dollars de l’heure pour des travaux de maintenance cellule alors que le personnel y est hautement qualifié et nombreux.
C’est d’ailleurs pour cela que le gouvernement indien a placé le secteur de la MRO en tant qu’axe de développement prioritaire ces dernières années, faisant d’ailleurs partie intégrante de l’initiative « Make in India ». L’Inde souhaite logiquement favoriser les investissements étrangers (FDI à 100% pour le secteur de la MRO, TVA à taux zéro, mesures de simplification d’usages des pièces détachées hors taxe, fiscalité nulle sur l’importation d’outillages dédiés à la maintenance…). Le but est en particulier d’attirer un certain nombre d’équipementiers stratégiques, à l’instar de ce qui s’est produit ces dernières années en Asie du Sud-Est ou en Chine. Incontestablement, l’Inde réussira à créer nouveau hub mondial dédié à la maintenance. La seule inconnue, et pas de moindre : à quelle échéance ?