La crise touche désormais de plein fouet les motoristes. MTU Aero Engines, particulièrement présent sur la production de la gamme de réacteurs GTF de Pratt & Whitney pour l’aviation commerciale, va supprimer jusqu’à 15% de ses effectifs dans le monde d’ici fin 2021 en raison de la crise liée à la pandémie de coronavirus. Le motoriste allemand précise qu’il évitera les licenciements secs.
« D’ici la fin de 2021, la société vise à réduire la capacité de ses sites allemands et internationaux d’environ 10 à 15% au total » annonce MTU dans un communiqué, citant les conséquences de la pandémie sur l’aviation internationale. « Il faudra des années avant que le trafic aérien – qui est le fondement sur lequel reposent nos activités de production de série et nos activités de maintenance – revienne aux niveaux d’avant la crise », a déclaré le PDG du motoriste, Reiner Winkler.
Le groupe emploie près de 11 000 personnes dans le monde, dont 8 900 en Allemagne. L’activité civile de MTU représente trois quarts de son chiffre d’affaires en tant qu’OEM et pratiquement l’intégralité en tant que fournisseur de services (MRO). Pour rappel, MTU a réalisé un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’euros l’année dernière, dont 2,7 milliards rien que pour ses seules activités MRO (près de 60% du total pour le groupe).
MTU a également indiqué qu’il souhaitait « éviter les licenciements secs et les plans sociaux », pour privilégier les « accords individuels », avec un « recours renforcé aux dispositifs de retraites partielles » ou « anticipées », ou encore des « non-remplacements de postes vacants ». Le plan d’adaptation des capacités du motoriste allemand s’accompagne aussi des mesures déjà annoncées depuis le démarrage de la crise, telles que le gel des embauches et la réduction des heures de travail.
« Nous voulons garder le plus grand nombre possible de nos collègues hautement qualifiés à bord pendant et après la crise. Nous continuerons d’offrir à nos partenaires et clients le haut niveau de qualité et de service auquel ils s’attendent » a également précisé Reiner Winkler.
MTU particulièrement touché par la chute de ses activités après-ventes
MTU Maintenance, la branche dédiée au service de MTU Aero Engines est, elle aussi, fortement impactée par les effets de la pandémie chez les opérateurs, ce qui se traduit d’une part par une importante baisse des ventes de pièces détachées pour les réacteurs sur lesquels le motoriste est présent (GTF, V2500, mais aussi sur les CF6 et GEnX de GE…), mais aussi par une forte réduction des visites d’entretien de réacteurs et de composants dans ses différents ateliers à travers le monde (CFM56, V2500, CF6, GE90, GP7200…).
À lui seul, MTU Maintenance emploie plus de 5000 salariés au niveau mondial et plus de 2400 pour son seul site principal de Langenhagen à Hanovre.
Le motoriste allemand avait déjà averti fin avril, lors de la présentation de ses résultats du premier trimestre, qu’il s’attendait à une demande en forte baisse pour ses activités liées à la maintenance civile au deuxième et troisième trimestre, une situation qui a logiquement empiré depuis.
Ces derniers mois, le groupe devait inaugurer officiellement sa nouvelle joint-venture polonaise EME Aero, le nouveau site de maintenance des réacteurs de la famille Purepower de Pratt & Whitney créé avec Lufthansa Technik et implanté Rzeszow. Ce site, qui a nécessité un investissement de près de 150 millions d’euros devait démarrer son activité en début d’année avec une capacité initiale de l’ordre de 40 visites en atelier annuelles et 300 salariés (objectif de 450 visites annuelles à horizon 2025). L’inauguration qui devait se tenir en mars dernier avait été reportée à cause de la fermeture temporaire de plusieurs sites de MTU en Europe liée à la situation sanitaire alors en vigueur.
MTU prévoyait aussi à plus long terme de créer une activité de réparations de composants moteurs en Serbie pour augmenter ses capacités mondiales, avec un objectif de 400 000 heures de travail annuelles sur place à horizon 2022.
L’ensemble du monde des motoristes en souffrance
Les nouvelles mesures annoncées par le groupe MTU Aero Engines sont hélas en droite ligne avec celles de GE Aviation et Rolls-Royce aux États-Unis et au Royaume-Uni. Le motoriste américain avait annoncé début mai qu’il supprimait 13 000 emplois avant la fin de l’année, soit 25% du total de ses effectifs. Le motoriste britannique avait quant à lui annoncé qu’il allait supprimer au moins 9000 emplois dans sa branche aéronautique civile, dont 3000 au Royaume-Uni (et la moitié pour le seul site de Derby).
Pratt & Whitney (groupe Raytheon Technologies), désormais surtout présent dans les réacteurs neufs pour monocouloirs avec sa gamme PurePower, semble pour l’instant moins durablement impacté par la crise compte tenu des cadences annoncées par Airbus sur sa famille A320neo (40 appareils par mois aujourd’hui, possibilité de reprise à 60 dès 2022-2023, mais motorisation en double source avec CFM). En revanche une baisse d’activité est aussi à attendre au niveau de l’après-vente et en particulier avec une accélération des retraits de PW4000 liée à la crise. Greg Hayes, le PDG de Raytheon Technologies a pour l’instant annoncé des réductions de salaire de 10% à l’ensemble des salariés de Pratt & Whitney entre début juin et la fin de l’année.
Safran, qui subit aussi désormais pleinement les effets de la crise liée à la pandémie sur les compagnies aériennes (diminution de moitié de son chiffre d’affaires depuis le mois d’avril) pourrait prochainement annoncer aussi des mesures de réductions d’effectifs pour l’ensemble de ses activités tournées vers l’aviation civile (moteurs, équipements moteurs, systèmes avions, équipements de cabine…). Le groupe aéronautique français a déjà fortement réduit ses effectifs au Mexique (3000), aux États-Unis (3000) et au Royaume-Uni (1000). Il emploie 45000 personnes en France. Un plan de départs volontaires devrait bientôt être dévoilé, mais le groupe français ne peut évidemment écarter le recours aux licenciements secs à terme, compte tenu des incertitudes qui subsistent quant à la durée de la crise. À suivre…