Safran Nacelles, comme tous les industriels aéronautiques, doit actuellement faire face à une augmentation considérable de sa charge de travail, tant en production qu’en conception. Le producteur de nacelles doit en effet répondre à la montée des cadences de l’A320neo et travaille en même temps sur un nombre jamais égalé de nouveaux programmes, huit au total (avions commerciaux et avions d’affaires réunis). Pour ne pas se laisser distancer en termes de délais et gagner en compétitivité, l’équipementier a dû réorganiser complètement son site industriel du Havre et s’est appuyé pour cela sur la digitalisation et la robotisation. Désormais, « la digitalisation est une réalité industrialisée », affirme Jean-Paul Alary, le président de Safran Nacelles. C’est cette transformation réussie qu’il a voulu présenter le 10 novembre, en organisant une visite de son usine normande.
Un centre de réalité virtuelle pour concevoir des lignes de production immédiatement optimisées
La digitalisation des moyens de production était essentielle pour trois raisons, explique Jean-Paul Alary. La première concerne la compétitivité, les avionneurs exerçant une pression continue sur les prix. La deuxième est l’exigence de qualité, de plus en plus importante : « le niveau de qualité sur la nacelle de l’A320neo sera le même fin 2018 que celui que nous avons mis trente ans à atteindre sur l’A320ceo ». Le facteur temps a ainsi été divisé par dix. Et c’est la même chose pour la troisième problématique : la pression sur les délais de livraison. « Nous avons mis trente ans pour produire 600 inverseurs de poussée par an pour l’A320ceo et nous en mettrons trois pour atteindre une cadence équivalente sur A320neo. » Cette pression sur le temps se retrouve avant même la production, sur les délais de développement. Ainsi, la nacelle de l’A380 avait demandé 74 mois de développement. Pour l’A320neo, dont l’architecture de la nacelle est inspirée de celle de l’A380 et intègre de nouvelles technologies (composites, revêtement acoustique, accès moteur), ce temps est tombé à 60 mois. Et pour l’A330neo, il atteint 42 mois : « c’est dix-huit mois de moins que ce que nous venons tout juste de réaliser sur l’A320neo ».
Pour y parvenir, Safran Nacelles a imaginé et testé la ligne de production de la nacelle A330neo dès 2015, dans son centre de réalité virtuelle. Grâce à cet équipement, les opérateurs ont pu visualiser très tôt les opérations à venir, ceci à taille réelle. L’avantage est que les techniciens ont pu se familiariser avec la ligne de production en amont et tester son ergonomie, dans l’objectif d’améliorer la productivité et de penser au mieux les conditions de travail. « Faire bon tout de suite », comme aime à le répéter l’équipementier. Malgré tout, différentes équipes travaillent en continu sur la ligne virtuelle pour améliorer sans cesse les processus lorsque c’est possible. Par ailleurs, elle est également utilisée pour établir les processus de maintenabilité sous l’aile et faciliter le travail des techniciens de maintenance des compagnies aériennes.
La ligne de production de la nacelle du Trent 7000 pour l’A330neo a été entièrement conçue avec l’aide du centre de réalité virtuelle © Le Journal de l’Aviation
L’atelier neo ou la mise en pratique de la transformation numérique
Derrière le centre de réalité virtuelle se trouvent les lignes de production des nacelles du LEAP de l’A320neo et du Trent 7000 de l’A330neo, qui ont été conçues dans le centre et représentent deux paliers dans le changement de la philosophie de production de Safran Nacelles.
La ligne A320neo est actuellement en plein ramp-up. Cette année, une centaine de nacelles devraient être produites, un nombre qui passera à 250 en 2017 et pourra atteindre 650 lorsque la chaîne d’assemblage jumelle de Casablanca sera opérationnelle. Pour elle, Safran Nacelles a opté pour une moving line qui est actuellement programmée au plus lent et avance de 8 mm par minute. Elle devrait atteindre 12 mm par minutes courant 2018. L’ergonomie a été optimisée, avec la possibilité d’adapter la position du bras robotisé à la taille de l’opérateur et à la tâche à réaliser (par exemple en faisant pivoter la pièce pour rendre accessible la zone à travailler).
Pour l’A330neo, Safran Nacelles est allé encore plus loin dans la robotisation. Si la ligne n’est pas mobile en raison du poids de la pièce et de la cadence plus faible de la production, elle est dotée d’un robot de perçage, fraisage et rivetage, qui facilite le travail des opérateurs. L’équipementier explique en effet qu’il faut plus d’une centaine de fixation pour lier certains équipement, ce qui demande un effort très dur (perçage de matériaux composites), très répétitif et nécessite l’application simultanée d’un produit d’interposition pour éviter la corrosion. Le robot sera opérationnel début 2017. Par ailleurs, le déplacement des pièces, très encombrantes, se fera par une machine automatique. Enfin, un système RFID a été mis en place pour tagger tous les outillages et éviter qu’un outil ne soit oublié.
Lors de cette visite, Safran Nacelles nous a également fait découvrir la salle blanche composites, où sont produits les panneaux sandwiches des structures fixes internes (IFS) des nacelles d’A320neo. Depuis mi-2014, le processus de drapage sur nid d’abeille en aluminium est réalisé de manière automatique par un robot conçu avec Coriolis Composites. Deux robots sont actuellement opérationnels au Havre, qui permettent de traiter quinze IFS par semaine, et un troisième est en cours d’installation pour une mise en service début 2017. Ils présentent un avantage en termes, d’ergonomie, de qualité, de répétabilité et de coûts. Actuellement, 60% des activités sont automatisées.
Le montage de nid d’abeille © Le Journal de l’Aviation
Enfin, Safran Nacelles dispose d’un centre d’excellence pour les tuyères, qui travaille essentiellement sur des pièces métalliques, et principalement en titane. Une première tuyère destinée à l’A330neo était sur le site, qui doit être livrée à Rolls-Royce dans les prochains jours. Là encore, l’innovation est permanente et l’équipementier travaille à une IFS en titane, qui présenterait l’avantage d’être plus fine que celles actuellement produites en composites. Le projet est encore en phase de développement et d’évaluation. Safran Nacelles se trouve également en phase exploratoire pour recourir à la fabrication additive sur certaines pièces, comme les écopes, par exemple en inconel.
Safran Nacelles a du pain sur la planche. La filiale du groupe Safran travaille actuellement sur les nacelles ou des parties de nacelle pour huit nouveaux programmes : le LEAP-1A de l’A320neo, le LEAP-1C du C919, le Trent 7000 de l’A330neo, le GE9X du 777X (sur lequel il est chargé des tuyères et qui représente son premier contrat avec Boeing), le GE Passport des Global 7000 et 8000, le Silvercrest du Falcon 5X, le HTF 7000 du Citation Longitude (pour l’inverseur de poussée) et le nouveau moteur Rolls-Royce pour l’aviation d’affaires. Si le site du Havre fabrique déjà plus d’un millier de produits par an aujourd’hui, ce nombre ne pourra qu’augmenter dans les prochaines années.