Le groupe Safran a incontestablement fait coup double le 27 novembre à Herstal, près de Liège (Belgique), en inaugurant le centre d’essais BeCOVER ainsi que le premier prototype taille réelle du compresseur basse pression de l’Open Fan RISE.
Le programme de démonstration du moteur non caréné de CFM International, la coentreprise de Safran Aircraft Engines et de GE Aerospace, est en effet devenu bien plus tangible sur la longue route qui doit le conduire vers une solide proposition technologique qui viendra accompagner la future génération de monocouloirs attendue à partir du milieu de la prochaine décennie. L’Open Fan RISE promet en effet une réduction de la consommation de 20% par rapport aux moteurs les plus récents de sa catégorie, en particulier pour les moteurs LEAP introduits il y a seulement quelques années pour les familles A320neo et 737 MAX.
RISE, une nouvelle architecture et des nouvelles contraintes
Le groupe Safran peut ici s’appuyer sur Safran Aero Boosters, sa filiale belge (à 67%, le reste étant détenu par la région Wallonne et la SFPI), véritable centre d’excellence mondial pour ce qui est des compresseurs basse pression pour toute l’aviation commerciale. La société liégeoise fournit en effet une grande partie des « boosters » des avions commerciaux mondiaux depuis des décennies, en particulier pour tous les moteurs CFM et GE. Safran Aero Boosters a ainsi produit un compresseur basse pression complet à l’échelle 1 qui servira de prototype pour RISE, un module qui sera d’ailleurs testé directement au nouveau centre d’essais BeCOVER dans les prochains mois pour valider son architecture.
Développé en à peine deux ans et conçu en titane, ce module fait partie des principales briques technologiques qui constitueront le moteur non caréné, avec bien sûr aussi les aubes de soufflante caractéristiques qui permettront d’atteindre un taux de dilution de l’ordre de 70 (sans commune mesure avec ce qui se fait de mieux pour un moteur avec un carter), mais aussi son réducteur de puissance et son hybridation électrique pour certaines phases du vol. Aussi, pour que le moteur reste dans des dimensions raisonnables et pour réduire sa masse, Safran Aircraft Engines a choisi de rendre le compresseur basse pression du RISE le plus compact possible, avec moins d’étages que pour un compresseur plus classique.
Et les lois de la physique sont têtues. Le compresseur devra tourner bien plus vite et donc à des températures plus importantes pour fournir la puissance nécessaire au module FAN, avec toute la problématique liée au phénomène de pompage dans certaines phases critiques du vol ou avec des ailettes qui flirteront avec des vitesses transsoniques. Le compresseur devra donc être très performant et c’est là que Safran Aero Boosters apporte tout son savoir-faire, avec par exemple l’utilisation de disques aubagés pour la partie rotorique et l’introduction d’ailettes à pas variable pour la partie statorique.
« Vous voyez que RISE c’est devenu une réalité, vous voyez les pièces, ce n’est pas juste de la communication » annonce Olivier Andriès, le Directeur Général du groupe Safran en marge de l’inauguration du centre d’essais. « La partie basse pression et le compresseur basse pression, c’est au coeur de la révolution technologique et architecturale du moteur RISE » poursuit-il, rappelant que des essais en vol du démonstrateur technologique seront réalisés dans quelques années avec Airbus.
En attendant, le compresseur basse pression du démonstrateur de l’Open Fan a été bardé de capteurs en vue d’une première campagne d’essais de 6 mois qui démarrera au début de l’année prochaine à Herstal pour recueillir un maximum de données. 1200 paramètres seront ainsi surveillés à tous les niveaux du compresseur, que ce soit pour les pressions, les températures, les vitesses de fluides…
« Ralenti sol, croisière, régime de décollage, nous allons tester le compresseur dans toutes les conditions de façon à vérifier que tout ce que l’on a calculé est bien correct, puis corréler nos méthodes de calculs » explique François Lepot, le Directeur Général de Safran Aero Boosters. Cette étape servira à valider les choix technologiques du compresseur, quitte à les corriger en cas de problème avant la mise en place d’un prototype de moteur complet.
BeCOVER, un nouveau centre d’essais unique au coeur de l’Europe
Pour cela, Safran Aero Boosters s’est véritablement donné les moyens avec ce nouveau centre d’essais de 3000 m2. Fruit d’un investissement de 60 millions d’euros répartis entre Wallonie Entreprendre (50%), la SFPI (25%) et Safran Aero Boosters (25%), BeCOVER a été conçu et construit par Safran. Il capitalise d’ailleurs sur le savoir-faire de Safran Test Cells, filiale spécialisée de Safran Aero Boosters dans les installations d’essais pour les moteurs aéronautiques et qui a déjà fourni un banc d’essai moteurs sur trois dans le monde, notamment pour les besoins de la MRO.
Unique en Europe, ce nouveau centre d’essais aérodynamique dispose d’un moteur électrique de 30 MW, près du double de ce qui se fait de mieux aujourd’hui, pour venir faire tourner les compresseurs. Mieux, l’installation a été pensée pour accueillir prochainement une boucle fermée pour pouvoir tester les compresseurs dans des conditions d’altitude représentatives. Il pourra même accueillir un deuxième moteur ainsi que d’autres équipements.
Et si Safran Aero Boosters et de fait le premier utilisateur de BeCOVER pour les essais du compresseur basse pression du RISE, les moyens du centre d’essais seront aussi ouverts à tous les motoristes européens dans une logique de souveraineté de l’industrie aéronautique pour le continent.
Mais Olivier Andriès n’a pas caché non plus les avantages que pourrait apporter la nouvelle installation d’essais pour des applications militaires, BeCOVER ayant été également conçu pour tester des compresseurs haute pression, avec une évacuation spécifique pour les gaz chauds.
« BeCOVER a été conçu pour accueillir des moteurs militaires et je rappelle que Safran est très favorable au fait que la Belgique puisse rejoindre le SCAF » a-t-il annoncé, précisant qu’il serait souhaitable que son rôle d’observateur aujourd’hui puisse se transformer un rôle industriel dans le programme du système de combat aérien du futur, aux côtés de la France de l’Allemagne et de l’Espagne. « Et sur les moteurs, la Belgique a tout ce qu’il faut ».

