A quoi va ressembler le système radar de surveillance spatiale post-Graves ? Quels sont les axes d’amélioration par rapport au système actuel ?
Il y a plusieurs axes de recherche. L’axe principal est l’augmentation de la fréquence, ce qui permet d’identifier des objets de plus petite taille.
Le deuxième axe majeur est la colocalisation de l’émetteur et du récepteur du radar sur le même site, essentiellement pour gagner en efficacité, en opérabilité du système et en qualité de maintenance. L’impact sur les performances est en cours d’évaluation. Il faut vérifier que dans ce système, que nous appelons quasi-monostatique, nous pouvons avoir l’émission et la réception éloignées de quelques kilomètres sans que l’une brouille l’image de l’autre.
Comment appréhendez-vous cette période de militarisation accrue de l’espace et ses effets sur l’ensemble de vos activités spatiales ?
La militarisation de l’espace ne s’est pas encore traduite par un engagement budgétaire significatif. Ces décisions, qui sont à l’initiative de la ministre des Armées ou du Président de la République, pourraient être prises. Dans ce cas, l’Onera serait bien positionné grâce à ses compétences en optique adaptative, en système d’observation, en système radar, en identification des menaces, voire en manoeuvrabilité dans l’espace. Nous avons anticipé et nous sommes potentiellement prêts à nous engager significativement.
Nous avons créé 24 feuilles de route à l’Onera cette année, dont certaines sont dédiées au spatial. L’une d’entre elles s’appelle « Tenue de situation spatiale » et traite de la surveillance de l’espace dont nous avons parlé avec l’évolution de Graves. Une autre s’intitule « Survivabilité des systèmes spatiaux » et regroupe deux aspects : les menaces naturelles et les menaces intentionnelles.
Les menaces naturelles, c’est ce que nous pourrions appeler la météo de l’espace. L’Onera est au coeur de ce sujet depuis longtemps, avec l’ESA et le CNES, à travers l’étude des effets et la modélisation de l’environnement radiatif. Nous voulons y maintenir nos compétences.
Pour les menaces intentionnelles, plusieurs efforts sont nécessaires pour les identifier et les qualifier – que ce soit des menaces agressives, de la cyber-sécurité, une atteinte à la liaison sol-satellite, etc. – puis pour s’en prémunir. Cela peut se faire avec des satellites guetteurs, axe auquel les autorités françaises réfléchissent.
Nous avons donc lancé des projets de nanosatellites capables de manoeuvrer à côté d’autres satellites. Nous travaillons sur des capacités de propulsion électrique innovante et miniaturisée pour donner des capacités de manoeuvre à ces satellites. Nous souhaitons faire des démonstrations simples, en orbite basse.
En mai, vous avez annoncé que l’Onera rejoignait la plateforme ArianeWorks du CNES et ArianeGroup. Qu’est ce que ce type d’initiative peut vous apporter ?
Dans un premier temps, nous y allons à titre de curiosité. Nous avons trouvé que c’était une initiative intéressante, menée par des gens que nous connaissons bien et qui sont tout à fait innovants. Nous souhaitions donc être présents à la genèse du projet et nous avons détaché quelques personnes depuis le mois de mai. Nous tirerons un bilan à la fin de l’année pour voir ce que l’Onera peut retirer et apporter dans un tel exercice.
L’idée est de faire bénéficier le spatial de solutions qui viennent d’autres domaines. A l’Onera, avec nos composantes croisées aéronautique, espace et défense, voire diversification, cette philosophie nous convient bien.
La dimension start up, agile, d’ArianeWorks, n’est pas forcément le cheval de bataille de l’Onera, mais nous pouvons essayer de comprendre comment cela marche et apporter notre pierre à l’édifice. C’est le cas en particulier dans un des domaines importants pour les futurs lanceurs réutilisables : le contrôle santé du lanceur à son retour, qui doit déterminer si celui-ci est en bon état et si nous pouvons le relancer. Cela implique des capteurs intégrés, des capteurs embarqués, de l’intelligence artificielle, etc. Autant d’éléments sur lesquels nous pensons avoir des compétences à apporter.