La co-localisation (pour la dernière fois) des salons Helitech et MRO Europe, à Amsterdam en octobre, était l’occasion parfaite pour rencontrer Olivier Le Merrer, le directeur Support et Services de Safran Helicopter Engines. Nommé en début d’année, après plus de vingt-cinq ans de carrière à travers les différentes entités du groupe Safran, il fait le point sur les nouveaux services offerts par le motoriste et leur acceptation par un marché encore fragile.
Comment se passe la mise en place du service Health Monitoring, qui a fêté son premier anniversaire à Helitech 2018 ?
Cela se passe bien. Trois cents clients utilisent déjà ce service de Health Monitoring, pour environ 1 700 moteurs couverts. Nous le proposons dans différentes versions : une de base qui s’appelle Essential, et une dite Premium avec un service étendu. Ce n’est que le début d’une aventure, mais c’est un très bon début en termes de dynamique et d’intérêts manifestés.
Êtes-vous conformes à votre plan de marche ?
Nous pensions qu’il y aurait du succès dès le départ, car cela répondait à une attente du marché. Après, c’est aux clients de décider du plan de marche. Il y aura probablement un effet boule de neige au fur et à mesure de l’expérience acquise par les clients et de la valeur qu’ils verront dans la capacité du service à adapter les pratiques de maintenance à leurs usages. Il faudra probablement encore deux ans pour que les premiers retours entraînent cet effet boule de neige. C’est ce que nous en attendons.
Sur quelle taille de marché tablez-vous ?
Aujourd’hui nous avons à peu près 18 000 moteurs installés. Cela va prendre du temps avant de les avoir tous couverts. Je pense que le rythme de déploiement pendant les deux premières années va être celui que nous avons eu jusque-là. Viser 5 000 moteurs couverts d’ici deux ou trois ans paraît accessible.
Et d’ici ces deux ans, aurez-vous les premiers effets opérationnels grâce à l’accumulation de données ?
Nous les avons déjà, mais la majorité de nos clients est encore sous la formule Essential. Je pense que le bénéfice maximal sera atteint avec le déploiement de la version Premium. Là effectivement, les effets attendus arriveront probablement d’ici deux ans. C’est pour cela que je parlais de cet effet boule de neige.
Du coup, cette version Premium qui se caractérise par un service d’analyses et de recommandations est encore en cours de mise en place ?
Non, elle l’est déjà mais c’est un service pour lequel nous avons une politique commerciale différente. Il apporte plus de valeur ajoutée à nos clients, mais cela nous demande davantage d’analyses et de travail en back office. Clairement, nous tirerons les pleins bénéfices de cette version dans deux ans.
Est-ce que vous avez déjà chiffré ce que pourraient être les bénéfices opérationnels pour un exploitant, en termes d’augmentation de la disponibilité, réduction des interruptions, élimination des AOG, etc. ?
Nous ne les avons pas chiffrés, mais nous en avons une idée qualitative. Cela va beaucoup dépendre des opérateurs, qui ont des missions assez différentes. Par conséquent, les bénéfices attendus du service vont aussi résulter des conditions d’opérations.
Avec ce type de solution, visez-vous tous les opérateurs ou seulement les flottes les plus importantes ?
Nous visons tous types d’opérateurs, il n’y a pas d’exclusion a priori. Après, il est certain qu’il y a un appétit plus grand de la part des opérateurs avec un certain volume et une certaine maturité. Ce furent les premiers à réagir au lancement de cette offre.
Vous venez de segmenter votre offre SBH (Support-By-the-Hour) entre petits et grands opérateurs et clients militaires. A quelle logique cela répond-il ?
C’est une logique de flexibilité. Nous avions déjà une segmentation pour les contrats militaires, sur lesquels nous promouvons beaucoup les GSP (Global Support Package) qui sont des contrats de disponibilité. Tous les opérateurs militaires n’ont pas besoin de s’engager sur des contrats de ce type, nous avons donc créé les SBH M qui sont customisés pour leurs besoins et permettent le contrôle des coûts.
Ensuite, nous nous sommes rendu compte que sur la partie civile, les formules de SBH que nous proposions jusqu’à présent avaient un certain mal à pénétrer chez les petits opérateurs. Là aussi, nous avons apporté plus de flexibilité à ces contrats en lançant notre offre SBH 5Star, à destination de ce que l’on appelle les « Small Fleet Operators », qui constituent l’essentiel de nos clients, même si ce n’est pas le cas en nombre de moteurs.
L’idée est de pouvoir offrir ce service de manière plus accessible à de plus petits opérateurs. Nous les avons écoutés, nous avons essayé de comprendre les raisons pour lesquelles ils avaient des réticences ou des difficultés à adopter nos contrats SBH, qui sont un système extrêmement vertueux dont chacun tire un bénéfice – les opérateurs comme nous.
Safran Helicopter Engines a segmenté son offre SBH pour accroître son taux de pénétration chez les petits opérateurs. © A. Pecchi / Safran
Sur cette offre SBH 5Star, qui se destine aux opérateurs ayant jusqu’à cinq hélicoptères, êtes-vous beaucoup plus dans de la personnalisation que pour l’offre SBH Classic ?
Ce n’est pas une personnalisation au cas par cas : il y a 5 niveaux de services, avec des degrés de couverture différents et progressifs. Des options spécifiques aux Small Fleet Operators ont été créées, et chaque service est proposé « clé en main » c’est-à-dire comme un package adapté.
Vous annonciez qu’environ 40 % de vos heures de vol étaient couverts par ces services SBH. Avez-vous des objectifs de croissance grâce à cette segmentation de l’offre ?
Oui, nous avons des objectifs de croissance. Un des leviers en particulier pour atteindre cette croissance est d’avoir un taux de pénétration des SBH plus important chez nos Small Fleet Operators. C’est donc aussi à ce besoin-là que répond l’extension de notre offre SBH.
Après, nous considérons que c’est une formule « gagnant-gagnant » qui tire les uns et les autres vers le haut, puisque cela permet d’atteindre un excellent contrôle des coûts pour le client et aussi faire prendre sa part de risques à l’OEM. Aller vers de plus en plus de contrats SBH fait clairement partie de notre stratégie, sans que nous ayons des objectifs chiffrés et des échéances en tête car cela dépend beaucoup de l’acceptation du marché. Nous avançons de manière pragmatique.
Est-ce que la contraction de l’activité des hélicoptères ces dernières années, avec la baisse du nombre d’heures de vol, a eu un impact sur votre offre SBH ? L’avez-vous ressenti et a-t-il constitué un manque à gagner ?
Dans la mesure où nous avons un service rétribué à l’heure de vol, bien évidemment qu’une baisse de l’activité a un impact sur nos revenus. Des contrats SBH arrivent à leur terme et des flottes sortent aujourd’hui du service. C’est la réalité du marché actuel. Nous voyons un secteur offshore qui peine à reprendre, avec quelques signes épars qui restent fragiles. C’est un segment de marché qui peine à retrouver ses équilibres après la grosse crise qui a eu lieu et qui reste très tiré par les prix avec une surcapacité de machines très marquée. Ces équilibres vont probablement mettre encore deux ans avant de se rétablir.
Pour autant, cet impact a été contenu car nous avons continué à augmenter le taux de pénétration de notre offre SBH dans le même temps. Nous avons donc montré une certaine résilience.
En dehors de ces flottes, le taux de renouvellement des SBH est-il positif ?
Ce taux est positif. Nous continuons à accroître notre couverture par des contrats SBH. L’an dernier ce sont plus de 100 contrats qui ont été signés. Les opérateurs sont très satisfaits et, dès lors qu’ils continuent de voler avec nos moteurs, ils renouvellent tous leur contrat. Je n’ai pas en tête d’opérateur passé d’un SBH à un contrat « time & material ».
Vous avez annoncé en juin un partenariat avec Airbus Helicopters sur la famille Écureuil pour accroître les intervalles entre deux révisions (TBO) de 4 000 à 5 000 heures, et les périodes de garantie de 2 à 3 ans. Où en êtes-vous de sa mise en place ?
Nous avons bien progressé. Nous avons étendu le TBO sur cette famille de moteurs (les Arriel 2D, NDLR) pour répondre aux besoins de réduction du DMC (coût direct de maintenance, NDLR). C’est un pas dont nous sommes tout à fait contents et qui contribue à la compétitivité de nos moteurs et de l’offre Airbus Helicopters. Pour autant, nous n’avons jamais fini de progresser. Les réflexions continuent, dans le cadre d’une analyse plus fine des données d’opérations, pour aller vers de la maintenance prédictive, voire des extensions au cas par cas en fonction de l’utilisation des moteurs.
Les ventes de la famille Écureuil redémarrent depuis deux ans, après des plus bas historiques. Est-ce que vous voyez un impact de ses mesures sur les commandes ?
Je ne sais pas si nous pouvons lier les succès de la famille Écureuil à ce point particulier. C’est une démarche de compétitivité plus générale. Nous souhaitons avoir des relations partenariales avec nos clients quels qu’ils soient, que ce soit Airbus Helicopters ou les autres grands intégrateurs, et nous les accompagnons par des actions communes d’amélioration de la compétitivité. C’est ce que nous avions déjà fait dans le passé et que nous démontrons encore aujourd’hui.