Il ne s’agit pas d’un nouveau parfum ou d’une tendance dans l’aménagement d’intérieur. Black Design est le nouveau concept développé par SKF pour exploiter les propriétés mécaniques des fibres de carbone sur des pièces qui semblaient réservées aux matériaux métalliques. Ce concept, qui se veut « révolutionnaire », était présenté en exclusivité au salon du Bourget.
« Les composites résultent de l’addition de deux matériaux, explique Florent Fauchery, ingénieur de développement chez SKF Aerospace. Ici ce sont des fibres de carbone qui fournissent la performance structurelle et de la résine epoxy qui maintient les fibres entre elles. Cela permet d’avoir un matériau deux fois plus résistant que l’acier et 1,5 fois plus raide. »
Jusqu’ici, ces composites sont surtout utilisés dans les longues pièces élancées comme la voilure, où toutes les fibres de carbone vont travailler dans le même plan. Cela permet d’utiliser les propriétés mécaniques des fibres. Elles offrent une meilleure résistance et rigidité si la sollicitation est dans le même axe que leur disposition.
Ce n’est pas le cas pour les petites pièces, où le plan de sollicitation sera différent du plan de fixation. Comme pour la plupart des matériaux composites, les polymères renforcés de fibres de carbone sont en effet anisotropes : leurs qualités varient en fonction de la direction de la sollicitation, au contraire des métaux.
Travail de conception
Les ingénieurs de SKF Aerospace France, basés sur le site de Valence (Drôme) ont donc travaillé sur la forme des pièces et la disposition des fibres. Ils ont ainsi développé le Black Design à même de préserver leurs propriétés mécaniques face à des efforts exercés dans différentes directions. Une ferrure de 300 g est ainsi à même de supporter une charge de 20 tonnes. « On pourrait soulever un Falcon 8X avec », illustre Florent Fauchery.
L’ingénieur précise qu’avec le Black Design, « la tension porte sur les fibres et non pas sur la résine qui les maintient. C’est le design qui amène la performance et non le matériau. » La qualité de la pièce ne dépend ainsi plus de la qualité de la résine utilisée. Cela permet à SKF de disposer d’un processus beaucoup plus robuste et lui offre la possibilité de travailler avec beaucoup plus de résines différentes. Ce dernier point peut d’ailleurs être un argument commercial face à un client habitué à un polymère plutôt qu’un autre, ou pour des raisons de coût.
Le concept a d’abord été travaillé autour de pièces élémentaires comme des cornières auquel SKF a ajouté un « nez ». Puis il a été étendu sur des éléments plus complexes. Si toutes les pièces n’ont pas la même maturité, certaines d’entre elles ont atteint un TRL 6 et ont été présentées à des avionneurs. Ce qui a permis de valider la technologie. Maintenant SKF travaille en vue d’une première intégration sur avion dans les deux ans.
Plusieurs bénéfices identifiés
Comme pour les éléments de voilure ou de structure, l’utilisation de pièces de fixation en composites permet un gain de poids conséquent. Il peut aller jusqu’à 50% par rapport au titane. Il y a également des gains au niveau de la production, détaille Noémie Péron, également ingénieur chez SKF. Elle évoque ainsi quelques semaines pour le moulage d’une pièce en composite, là ou son équivalent métallique prendrait plusieurs mois à être usiné. Le coût de fabrication variera en fonction de la complexité du design de la pièce.
L’utilisation de ces nouvelles pièces en composites pourrait aussi réduire un certain nombre de problèmes de tolérance entre composites et métal. Les deux cohabitent très mal, en particulier le carbone et l’aluminium, et créent une corrosion galvanique. Cela oblige les avionneurs à utiliser du titane (plus lourd) ou à appliquer du mastic en grande quantité pour limiter les contacts. Autant de contraintes qui compliquent la production ou la maintenance d’un avion.
Si SKF réussit à certifier et industrialiser son Black Design, elle peut espérer convaincre des avionneurs pour de la production de pièces en série. Cela prendra néanmoins du temps au vu du principe de précaution appliqué aux composites, du fait de leur histoire plus récente sur les pièces critiques pour le vol.