Les drones sont amenés à prendre une place grandissante dans notre quotidien. Il est donc logique de voir les différentes autorités de régulation se saisir du dossier pour tenter d’encadrer ce développement. Deux initiatives ont ainsi été dévoilées : tout d’abord, début mai, l’Agence européenne de la sécurité aérienne (Easa) a émis un avis de proposition de modification (NPA) de son règlement pour intégrer la régulation des opérations de drones. Le 16 juin, la Commission européenne et l’entreprise commune Sesar ont présenté le schéma directeur pour U-Space, concept de gestion de l’espace aérien (ATM) présenté un peu plus tôt dans l’année. Ces textes complémentaires doivent ainsi donner un cadre et des moyens pour garantir un haut niveau de sécurité dans les opérations de drones. Une grande partie de l’enjeu sera d’y arriver sans brider trop fortement le développement de cette industrie, qui est encore très loin de la maturité.
Le U-Space pour la gestion du ciel
Le concept de U-Space consiste en un ensemble de « nouvelles mesures et de procédures spécifiques destinées à soutenir un accès sûr, efficace et sécurisé à l’espace aérien pour un grand nombre de drones ». Il doit surtout permettre aux drones, professionnels et de loisir, d’évoluer dans n’importe quelle zone et non dans un espace aérien ségrégé qui serait réservé à leur seul usage. Même si la plupart des opérations se déroulent actuellement à un niveau inférieur à 150 mètres d’altitude, il s’agit d’anticiper les évolutions possibles et l’insertion des drones dans le milieu urbain, comme dans le trafic aérien.
Comme pour l’ATM classique, Sesar va passer des appels d’offres auprès des industriels et financer les projets de R&D retenus pour développer des solutions techniques et des procédures. Elles s’appuieront sur les moyens et technologies existants pour éviter des coûts de mises en oeuvre prohibitifs, notamment pour la myriade d’opérateurs de petite taille ou les particuliers. De même, elles devront être spécifiques aux drones et ne pas se contenter de reproduire ce qui se fait pour le trafic aérien classique, dont les impératifs comme le modèle économique ne sont pas exportable tels quels.
Certaines de ces solutions seront destinées, par exemple, à aider les opérateurs à préparer leurs missions en conformité avec la réglementation : identification des zones interdites de vol, vérification de la configuration du drone par rapport à l’environnement de la mission, etc. D’autres seront destinées à de l’échange de données : transmission des informations météorologiques, validation des plans de vol par les autorités si nécessaire (comme lors d’une évolution dans une zone contrôlée)… Enfin, il s’agira de donner aux drones les moyens d’effectuer des missions complexes dans un environnement dense : détection et évitement des obstacles ou des autres véhicules aériens, reconnaissance des vols prioritaires et adaptation de la trajectoire en temps réel, modification imprévue du plan de vol, etc.
Calendrier progressif
Un premier socle de « services fondateurs » (U1) doit être opérationnel en 2019. La Commission souhaite ainsi pouvoir enregistrer les drones, ainsi que leurs utilisateurs, leur identification électronique et leur géorepérage. La suite du calendrier n’est pas connue mais elle comprend encore trois étapes. Des services initiaux (U2) seront d’abord mis en place pour démontrer la viabilité du système. On devrait y trouver la préparation, l’approbation et le suivi des vols, la transmission d’informations sur un espace aérien dynamique, et le développement des premières interfaces pour interagir avec les moyens de contrôle aérien (ATC). L’implémentation de services avancés (U3), comme la détection et l’évitement ou la gestion des conflits automatisés, va permettre d’accroître la complexité des missions dans un grand nombre d’environnements. Enfin les services complets (U4) marqueront l’intégration totale des drones au trafic aérien classique, ce qui signifie que tous les moyens d’interaction nécessaires auront été mis en place.
Réglementation européenne
De son côté, le NPA de l’Easa doit conduire à l’harmonisation des règles d’utilisation des drones au niveau européen. Cette proposition est issue des différentes discussions menées par l’Agence et la Commission européenne depuis 2015, qui avaient déjà abouti à un prototype de règlementation en août 2016. Elle s’appuie aussi sur le travail fait au niveau de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et des Autorités communes pour la régulation des drones (Jarus), ainsi que celui réalisé par l’Administration fédérale américaine de l’aviation (FAA).
Ce texte reprend le principe d’une catégorie ouverte pour les drones de moins de 250 grammes, avec une combinaison de règles, de limitations et d’exigence pour la machine comme le pilote. Au-dessus de ce seuil, les drones et les opérateurs seront enregistrés. Chaque vol devra alors correspondre à un certain nombre de critères en fonction de la classe du drone (C0 à C4) et du type de mission.
L’Easa est désormais dans une phase de consultation sur son texte. Une présentation publique aura d’ailleurs lieu le 5 juillet à Cologne (Allemagne). Le texte sera ensuite présenté à la Commission à la fin de l’année, en vue d’une adoption en 2018.