Présenté au salon du Bourget en juin dernier, « Ambition PME-ETI » rentre dans le vif du sujet. La première promotion de cet accélérateur d’entreprises dédié à l’aéronautique a été officiellement lancée le 21 septembre, par Bpifrance et le GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales). Le coup d’envoi a été donné au Hub de Bpifrance à Paris, au cours d’un événement qui a réuni Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Eric Trappier, président du GIFAS et de Dassault Aviation, Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, ainsi que Patrick Daher, président du GEAD (Groupe des équipements du GIFAS) et du groupe Daher, qui est au coeur du projet.
Cette première promotion compte 60 entreprises, PME et ETI, venues de toute la France et issues de domaines qui recoupent l’ensemble de la chaîne industrielle aéronautique : usinage, électronique, chimie, ingénierie, matériaux, moyens d’essais, aérostructures, équipements, maintenance, etc. On pourra citer quelques noms connus comme Potez Aéronautique, Sabena Technics ou encore Ametra (ex-groupe Deroure).
Objectifs à un an et demi
Au cours des 18 prochains mois, ces entreprises seront accompagnées collectivement et individuellement, comme l’explique Nicolas Dufourcq, à travers de la formation, du conseil et de la mise en réseau. Avec l’aide de référents, elles devront établir un diagnostic stratégique et d’identifier des priorités de croissance, suivre des formations thématiques en conséquence et enfin dresser un plan stratégique à cinq ans pour « sortir le nez du guidon » et se projeter à plus long terme. L’objectif est ainsi d’accélérer leur croissance, de les aider à changer d’échelle et de leur permettre d’atteindre la taille critique pour se projeter à l’international.
Ambition PME-ETI vient s’ajouter aux plans triennaux « Performances industrielles » phase 1 (2014-2016) et phase 2 (2017-2019) du GIFAS, destinés à renforcer la solidité et la performance opérationnelle de la chaîne de sous-traitance aéronautique. Pour Patrick Daher, cette première promotion doit en appeler d’autres, « avec une deuxième, puis une troisième promotion ». Pour l’instant, le dispositif de Bpifrance et du GIFAS est prévu pour intégrer 100 entreprises. D’autres accélérateurs pourraient aussi voir le jour dans les différents secteurs industriels.
Des attentes importantes
Nicolas Dufourcq met en avant l’efficacité des accélérateurs en s’appuyant sur l’expérience accumulée avec un dispositif similaire, mais multisectoriel, mis en place en 2015 avec la Direction générale des entreprises (DGE) : « Sur les 60 PME de la première promotion, 20 sont devenus des ETI en deux ans. » Deux ans après son lancement, celui-ci accueille sa cinquième promotion. Le directeur général de Bpifrance cite aussi l’exemple de Daher qui, en 2009, fut le premier dossier du Fonds stratégique d’investissement (FSI, intégré dans Bpifrance en 2013). Depuis la PME spécialisée dans la logistique est devenue une ETI diversifiée et présente à l’international.
Eric Trappier se réjouit également d’une telle initiative. Tout en saluant la compétence des 400 PME et ETI du GIFAS, il explique que celles-ci ont besoin de s’adapter à un monde qui change rapidement, sous le coup de la révolution numérique et d’une compétition internationale accrue. « Ce dispositif va permettre de mieux structurer notre futur avec la création d’une boîte à outils pour nos entreprises », conclut-il.
Patrick Daher estime aussi qu’il s’agit d’un atout alors même que l’industrie aéronautique est à la croisée des chemins : « Nous faisons face à deux mouvements. Il y a une intégration horizontale de tous les éléments d’un avion avec de grands groupes comme UTC ou Thales. Et dans le même temps, il y a une intégration horizontale de la part des avionneurs : Boeing avec l’avionique, Airbus avec les nacelles et les cabines. Toutes les cartes vont être rebattues et beaucoup de places seront à prendre. Nous allons pouvoir transformer notre filière. »
Il appelle donc les patrons des PME et ETI de cette première promotion à faire fi de leurs ego et à absorber le maximum d’idées et de connaissance au cours des prochains mois. « Vous devez vous ouvrir à tout ce qui peut arriver », prévient-il. Cela pourra passer par de la diversification, de l’internationalisation, voire de la concentration avec des fusions et acquisitions, ajoute Bertrand Lucereau, président du Comité Aéro-PME du GIFAS.
Volontés politiques
Bruno Le Maire semble tout aussi convaincu de la nécessité de favoriser le développement des PME et ETI. Il n’hésite d’ailleurs pas à revoir à la hausse ses ambitions pour Bpifrance, en lui fixant un objectif de 4 000 entreprises « accélérées » en quatre ans, contre 2 000 auparavant.
Le ministre ne compte pas uniquement sur ce type de dispositif pour aider les PME françaises à grandir. Il exhorte ainsi les entreprises à raisonner en termes de filières, avec de grands groupes solidaires de leurs sous-traitants, avec un accompagnement dans les financements, la réglementation, la gestion du chômage technique, etc. « Je propose un changement de culture dans les cinq années qui viennent, déclare-t-il ainsi. Cela va demander de la communication et du rassemblement. »
Bruno Le Maire affirme enfin l’importance de l’innovation pour conserver, voire améliorer la compétitivité de filière aéronautique française. Il désire donc sanctuariser le crédit d’impôt recherche (CIR), et éventuellement le déplafonner. De même, il souhaite que le futur fonds de 10 MdEUR pour l’innovation permette de dégager 200 MEUR annuels pour financer le développement de technologies de rupture et « forcer les portes de l’avenir ».
Cette volonté affichée devrait aussi s’accompagner de mesures fiscales en faveur des entreprises. Bruno Le Maire a ainsi annoncé qu’il présenterait, la semaine prochaine, un projet de loi en ce sens avec Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Celui-ci comprendra des mesures de visibilité et d’allègement comme un impôt sur les sociétés plafonné à 25 % ou le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital (à hauteur de 30 %).
Reste à savoir si de telles mesures seront suffisantes ou même pertinentes alors que les PME aéronautiques françaises restent trop petites (60 % des entreprises du GIFAS ont moins de 100 salariés) et souvent fragiles avec des signes de décrochage de plus en plus importants. Leur croissance tend ainsi à ralentir, qu’il s’agisse de résultats ou d’emplois.