Les sorties, c’est mieux en famille. A l’occasion du salon Helitech, qui se tient à Londres du 3 au 5 octobre, Safran Helicopter Engines lance un nouveau moteur baptisé Aneto (du nom du plus haut sommet de la chaîne des Pyrénées). Il doit ouvrir la voie à une gamme complète de moteurs à forte puissance. Le motoriste français entend ainsi couvrir le spectre des turbines de 2 000 à 3 000 chevaux sur arbre (SHP), et au-delà. Cette première variante présentée à Helitech s’appelle Aneto-1K. Elle a été conçue pour équiper la nouvelle version de l’hélicoptère moyen biturbine AW189K du constructeur italo-britannique Leonardo (ex-AgustaWestland). Au moins deux autres modèles de l’Aneto devraient suivre dans les prochaines années.
A la faveur d’une coopération menée dans le plus grand secret avec Leonardo, le travail de développement du couple hélicoptère-moteur est déjà bien avancé. Les deux volent ensemble depuis mars 2017, révèle ainsi Florent Chauvancy, directeur du programme et vice-président chargé des Moteurs à forte puissance (MFP). L’Aneto-1K doit ainsi être certifié dès l’an prochain, aux alentours du troisième trimestre, et entrer en service au quatrième. Safran Helicopter Engines vient ainsi supplanter General Electric qui motorisait les précédentes versions de l’AW189 avec son CT7-2E1.
Entrée dans un nouveau monde
Ce premier modèle de l’Aneto doit développer une puissance maximale au décollage de 2 544 SHP, avec une possibilité de surpuissance à 2 977 SHP, limitée dans le temps, en cas d’arrêt d’un des moteurs (OEI – One engine inoperative). C’est la première fois que Safran Helicopter Engines s’aventurera seul dans une telle gamme de puissance, sachant que les modèles suivants iront probablement plus loin.
Jusqu’ici, le motoriste ne l’avait approché qu’avec le RTM 322 (de 2 100 à 2 600 SHP), développé en partenariat avec son homologue britannique Rolls-Royce il y a près de trente ans. Le motoriste français avait racheté l’ensemble du programme en 2013 avec comme objectif, selon Florent Chauvancy, de gagner en autonomie sur ce marché et développer un moteur en propre.
Architecture classique et innovations technologiques
Pour l’instant, l’Aneto-1K se présente avec une architecture à huit étages, identique à celle du RTM 322. Le compresseur comprend trois étages axiaux et un autre centrifuge. Il est suivi de la turbine haute pression (HP) à deux étages, et enfin de la turbine de puissance, elle aussi à deux étages. Cette configuration pourra évoluer dans les futures variantes. L’Aneto sera géré par une régulation électronique pleine autorité (FADEC) à double canal, devenue habituelle pour les moteurs de cette puissance comme le RTM 322 ou les dernières versions du Makila.
Si Florent Chauvancy reconnaît ces parentés avec le RTM 322, il insiste sur le fait que l’Aneto est un nouveau moteur : « Ce n’est clairement pas une variante du RTM 322. Les deux moteurs n’auront pas d’éléments communs et l’Aneto aura son propre certificat de type. » Pour étayer son propos, le directeur du programme évoque plusieurs nouvelles technologies intégrées sur le nouveau moteur.
L’Aneto dispose d’une nouvelle chambre de combustion giratoire. Cette innovation, qui avait été récompensée en interne par le groupe Safran en 2016, a été permise par l’intégration d’injecteurs avec un design inédit permis par l’impression 3D. L’efficacité énergétique de la turbine HP a également été améliorée grâce au design, ainsi que par l’intégration de nouveaux matériaux qui autorisent des températures de combustion supérieures. Florent Chauvancy refuse d’en dire plus sur la nature de ces matériaux, si ce n’est qu’ils pourront évoluer en fonction des modèles avec différentes combinaisons possibles.
Les avancées de la fabrication additive ont été aussi utilisées pour les aubes directrices d’entrée et les diffuseurs aubés. Une grande partie de ces nouvelles technologies a été développée et validée à partir du démonstrateur intégré Tech 3000, lancé en 2015 en vue d’un futur programme MFP.
Vue d’artiste de l’Aneto © Safran
Esprit de famille
Comme susdit, l’Aneto-1K devrait être le modèle le moins puissant de la famille. Les spécifications des futures variantes – qui ne devraient pas arriver avant 2020 – n’ont pas encore été définies, mais Safran Helicopter Engines entend bien être le seul à s’adresser à l’ensemble des hélicoptères de 8 à 15 tonnes. Concernant la puissance maximale envisagée, « ce sera au-delà des 3 000 SHP, affirme Florent Chauvancy. Nous ne voulons pas dévoiler les limites de l’éventail de puissance. Elles dépendront des demandes des constructeurs. »
Ces limites dépendront également des performances en matière de coûts. « Il faut faire un compromis entre la puissance et les coûts bas d’opérations et d’acquisition, ainsi que les critères maintenance pour accroître la durée de vie du produit, explique Florent Chauvancy. Nous avons développé des procédés spéciaux pour définir le bon compromis pour nous adresser au marché. »
Safran Helicopter Engines entend ainsi proposer un ratio poids/puissance (ou volume/puissance selon les applications) 25 % plus important que celui offert par ses moteurs actuels. Florent Chauvancy estime que l’Aneto disposera ainsi de capacités accrues, et qu’il devrait se montrer à son avantage en conditions « hot & high » (forte température et haute altitude) ou dans des environnements difficiles.
La traque des coûts
Dans le même temps, le motoriste affirme que les coûts d’exploitation de l’Aneto seront 25 % inférieurs grâce à la diminution de la consommation de carburant ainsi que l’optimisation de la maintenance. Les tâches et le temps d’entretien nécessaires ont été réduits autant que faire se peut selon Florent Chauvancy : « nous avons un peu tordu le bras aux ingénieurs, car avoir le meilleur moteur n’est pas suffisant, il faut avoir les meilleures conditions de maintenance. »
L’Aneto intègre également la connectivité pour aider à sa maintenance et devrait se montrer parfaitement compatible avec BOOST (Bank Of Online Services & Technologies), l’offre de services en ligne de Safran Helicopter Engines axée notamment sur la gestion de la maintenance.