Le Falcon est mort, vive le Falcon. Alors qu’il annonçait la fin du programme Falcon 5X le 13 décembre, Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, s’est empressé d’ajouter qu’un nouvel avion était lancé pour le remplacer. S’il n’a laissé filtrer que peu de détails, plusieurs éléments permettent de dresser un premier portrait du futur appareil. Celui-ci doit entrer en service en 2022, soit deux ans après la dernière date prévue pour le Falcon 5X avant son annulation.
Malgré l’échec du programme, Dassault Aviation n’entend pas faire table rase du passé. Le nouveau Falcon devrait s’apparenter à un Falcon 5X survitaminé. Il s’agit donc d’un programme différent de celui évoqué à plusieurs reprises par Eric Trappier cette année, sur lequel le constructeur mène des études préliminaires depuis plusieurs mois.
Un nouveau moteur éprouvé
La modification essentielle avec le Falcon 5X va naturellement se situer au niveau du changement des moteurs. Le Silvercrest de Safran Aircraft Engines – identifié par Dassault comme la source de tous ses maux – sera remplacé par le PW800 de Pratt & Whitney Canada (PWC). Le motoriste canadien s’est empressé d’annoncer la nouvelle, dès le 13 décembre.
PWC signe ainsi un retour retentissant auprès de Dassault, après avoir été délaissé au profit de Safran Aircraft Engines. Il devient quasiment le motoriste attitré du constructeur français en équipant désormais l’ensemble de sa gamme d’avions d’affaires en production, à l’exception du Falcon 900. Ce succès vient s’ajouter à celui remporté avec Gulfstream. En effet, le PW800 motorise déjà les G500 et G600. Le premier est en passe d’être certifié avec des performances revues à la hausse, tandis que le second le sera normalement en fin d’année prochaine.
Dassault fait donc le choix d’un moteur nouveau mais, au contraire du Silvercrest, il a laissé le soin à un autre avionneur « d’essuyer les plâtres » avant lui. Le PW800 a ainsi déjà été certifié par les autorités américaine (FAA) et européenne (EASA), respectivement en février et en août dernier.
Le PW800 équipera le futur Falcon. © Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Un nouveau couple doit se former
Il ne suffira pas pour autant à Dassault de « coller » le PW800 sur la cellule du Falcon 5X. Non seulement la bonne tenue du couple moteur/avion est déterminante et nécessite un lourd travail d’intégration, mais surtout le moteur canadien n’a pas les mêmes caractéristiques que le Silvercrest. Il est plus grand, plus lourd et plus puissant. Le PW800 – dans ses versions certifiées PW814GA et PW815GA – mesure 2,69 m de long (hors nacelle) pour un diamètre de soufflante de 1,27 m. Son concurrent français ne mesure que 1,89 m pour une soufflante de 1,08 m. Cet écart de taille se ressent aussi sur la masse : là où le PW800 pèse 1 423 kg, le Silvercrest affiche seulement une tonne sur la balance.
Cet écart vient tout simplement du fait que les deux moteurs ne sont pas conçus pour la même gamme de puissance. Le PW800 délivre une poussée maximale au décollage comprise entre 15 000 et 16 000 livres selon les versions (68 à 71 kN), tandis que le Silvercrest (dans sa version 2D) devait fournir 11 450 livres (50,93 kN) de poussée au Falcon 5X et à peine plus au Cessna Citation Hemisphere (version 2C).
PWC n’a pas donné de spécifications techniques sur ce que sera la version du PW800 pour le futur Falcon. Dassault pourrait opter pour une version détarée moins puissante, et donc moins énergivore. Pour autant, le constructeur, qui a été échaudé par les problèmes à répétition du Silvercrest, devrait limiter au maximum les modifications du moteur pour disposer d’un équipement mature le plus vite possible. Quoi qu’il en soit, le PW800 restera surdimensionné pour un avion de la gamme du Falcon 5X. Il est donc plus que probable que son remplaçant soit relativement plus grand et plus lourd.
La cabine du Falcon 5X comme étalon
Comme annoncé par Eric Trappier, le futur Falcon sera « un avion long range et large cabine ». Il devrait reprendre le diamètre du fuselage du Falcon 5X. Celui-ci offrait une hauteur maximale de 1,98 m pour une largeur maximale de 2,58 m. Ces dimensions le plaçaient à la hauteur des meilleurs standards mondiaux. Elles devraient donc devenir la norme pour tous les prochains Falcon – pour le remplaçant du Falcon 5X, mais aussi l’autre programme Falcon actuellement en développement. Cela doit permettre à Dassault de franchir un cap par rapport à la section de fuselage des Falcon 2000/900/7X/8X (1,88 m x 2,34 m), qui souffrait de la comparaison avec Gulfstream ou Bombardier.
Le futur Falcon sera vraisemblablement plus long. Le Falcon 5X mesurait 25,2 m pour une cabine de 11,8 m. A titre de comparaison, le Gulfstream G500 (qui apparaissait comme son principal concurrent) offre une longueur de 27,8 m pour une cabine de 12,7 m. Il est donc fort probable que Dassault cherche à s’approcher de ces dimensions en ajoutant des tronçons de fuselage.
Le futur Falcon devrait concurrencer directement le G500. © Gulfstream
Trouver un équilibre dans les performances
Naturellement, l’avion devrait prendre en masse. Le Falcon 5X affichait une masse maximale au décollage de 31 570 kg. C’est environ 4 500 kg de moins que le G500. Cet écart devrait donc se réduire, voire s’inverser, avec le futur Falcon. Dassault devra néanmoins trouver le bon compromis pour conserver les qualités de décollage et d’atterrissage relativement courts du Falcon 5X.
De même, il faudra jongler avec l’autonomie. Eric Trappier a annoncé que le nouvel appareil pourrait franchir une distance de 5 500 nm (10 200 km). C’est 300 nm de plus que le Falcon 5X ou le G500 (qui était initialement prévu pour ne parcourir que 5 000 nm). Il faudra donc emporter probablement près de quatorze tonnes de carburant (13,7 t pour le G500). Reste à savoir si cela ne nuira pas à la capacité de l’avion à enchaîner un vol court puis un vol long sans ravitaillement, ce qui devait être une des grandes qualités du Falcon 5X.
Quels que soient les caractéristiques techniques et les objectifs de performances du nouvel appareil par rapport au Falcon 5X, Dassault pourra s’appuyer sur l’expérience déjà acquise en la matière avec le passage du Falcon 7X au Falcon 8X. Pour autant le futur avion s’appellera-t-il Falcon 6X ?