Continuer la transformation du groupe en capitalisant sur ses points forts. C’est la ligne générale du plan stratégique « Succeed Together » qui doit mener Daher vers 2022. Il a été dévoilé à l’occasion de la présentation des résultats du groupe, le 24 janvier, par Didier Kayat, directeur général de Daher, et Patrick Daher, son président. Ce nouveau plan doit faire de l’entreprise de taille intermédiaire (ETI) française un acteur incontournable sur ses marchés de référence et lui permettre d’avoir « un coup d’avance » sur la concurrence.
Succeed Together succède ainsi à plusieurs plans quinquennaux, qui ont permis à Daher de devenir une société industrielle (2003-2007), de croître et d’atteindre une taille critique (Ambition 2012) et de s’imposer comme « un champion robuste et innovant » (Performance 2017). Il s’appuiera sur trois piliers, présentés par Didier Kayat. Le premier sera d’accroître la valeur ajoutée de ses produits et services, ainsi que leur rentabilité. Le deuxième sera de poursuivre son développement sur le marché américain – qui vient de s’accélérer à la faveur d’un premier contrat avec Boeing. Le dernier sera de s’imposer comme un acteur de référence sur le numérique et l’innovation.
La valeur ajoutée comme leitmotiv
« L’augmentation de notre valeur ajoutée est déjà engagée, commence Didier Kayat. Nous avons une longueur d’avance sur les thermoplastiques, qui s’imposent de plus en plus dans l’industrie. Nous travaillons aussi beaucoup sur la supply chain et nous sommes désormais capables de faire tout l’aménagement intérieur d’un avion, depuis l’intégration de l’activité Floor Covering et aménagement intérieur d’Indraero Siren (rachetée au groupe LISI en 2016, NDLR). »
Cela passe notamment par le développement de produits propriétaires. L’exemple le plus prégnant est la gamme TBM, véritable façade pour le groupe. Elle devrait continuer à s’étoffer dans les prochaines années, d’autant plus qu’elle sert de véritable banc d’expérimentation pour Daher, afin de tester ses innovations.
Daher travaille aussi sur les aérostructures de nouvelle génération. Il peut ainsi mettre à son actif un longeron de voilure thermoplastique, présenté au salon du Bourget 2017. Il suscite beaucoup d’intérêt dans l’industrie à en croire Nicolas Orance, vice-président principal, en charge de la branche Aerospace & Defense : « Nous sommes sur un TRL 4 et nous avons encore deux ans de travail pour l’amener au TRL 6, vers fin 2019. Il est possible de l’intégrer sur TBM, mais certains de nos clients veulent aller plus vite que nous. Il y a une véritable appétence pour le projet. » Daher travaille ainsi sur la maîtrise de la conception de sa pièce pour pouvoir l’adapter à tout type d’avions, avec toujours une optique « design to industry » pour optimiser les performances industrielles et les coûts d’un tel projet.
L’Amérique du Nord avant l’Asie
Concernant le développement nord-américain, Didier Kayat veut là aussi « capitaliser sur la présence déjà actée ». Il fait notamment référence au contrat avec Gulfstream sur les G500 et G600 – le premier en tant qu’équipementier de Rang 1 aux États-Unis – avec l’ouverture d’un site en 2017 à Savannah (Géorgie). L’ETI s’est également implantée à Querétaro au Mexique où sont déjà positionnés nombre d’équipementiers majeurs et de constructeurs.
Le groupe peut d’ailleurs se targuer d’un nouveau succès de poids avec cette signature d’un premier contrat avec Boeing. Annoncé le 24 janvier, il porte sur la livraison et l’installation de pièces structurelles élémentaires en composites thermoplastiques pour le 787. Elles remplaceront les sous-ensembles actuels faits en matériaux métalliques et thermodurcissables à partir de cette année. Le détail des pièces remplacées n’a pas été dévoilé pour l’instant.
Cette présence doit continuer à s’accroître dans les prochaines années, avec la constitution d’une équipe américaine dédiée. L’objectif est de passer d’un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros aujourd’hui, à 500 millions d’euros en 2022. Cela pourra notamment passer par de la croissance externe afin de développer les parts de marché locales de Daher.
La prochaine étape sera sûrement le renforcement de la présence de Daher en Asie. Déjà implanté dans le nucléaire, Daher a profité de l’ouverture du centre de complétion A330 d’Airbus à Tianjin (Chine) pour faire de même dans le secteur aéronautique. La chaîne d’approvisionnement « très asiatique » de Boeing devrait offrir de nouvelles opportunités, selon Didier Kayat.
Cette nervure en thermoplastiques illustre la volonté de Daher de développer en propre des aérostructures de nouvelle génération. © Daher / Augure
Une transformation numérique incontournable
Déjà très présent sur la transformation numérique et l’Usine 4.0, Daher fait donc du renforcement de ses capacités en la matière le troisième pilier de Succeed Together. « Ce n’est pas seulement un voeu pieux, déclare Didier Kayat. Nous voulons créer de la valeur avec le numérique, même tous les projets ne se concrétisent pas. »
Un des gros chantiers est l’exploitation de la donnée. Avec le lancement de son activité Daher Analytics, l’ETI veut s’en servir pour améliorer ses produits et services. C’est par exemple le cas pour le TBM, où Daher maîtrise l’ensemble de la chaine de valeur, depuis la conception jusqu’à la MRO. Elle proposera également une application « Me & MyTBM » aux pilotes de TBM à partir de février, pour leur permettre d’analyser et optimiser leurs opérations, et mettre en place de la maintenance préventive.
Pour y arriver, le groupe travaille notamment à établir une véritable continuité numérique avec ses différents partenaires, en amont comme en aval. Il devrait aussi continuer les partenariats avec des start-ups, comme celui signé début janvier avec l’éditeur de logiciels français Contextor pour la numérisation de la supply chain. Daher devrait aussi développer ses propres outils numériques avec la commercialisation de logiciels dédiés à la supply chain, développés en interne.
Enfin, une initiative a vu le jour en début d’année avec le lancement d’Armstrong, qui doit permettre au groupe d’acquérir ce fameux « coup d’avance » dans le numérique (voir encadré).
Résultats et objectifs
Avec ces trois piliers, Daher entend passer d’un chiffre d’affaires d’environ 1,1 milliard d’euros en 2017 (+3,7 %) – soit le troisième exercice de rang au-delà du milliard d’euros – à 1,5 milliard en 2022. Comme à l’heure actuelle, les revenus du groupe devraient rester équilibrer entre l’industrie et les services. L’aéronautique devrait garder sa prédominance avec 80 % de l’activité, voire accroître encore un peu plus ses parts dans l’attente d’un véritable redémarrage du marché du nucléaire.
Au vu des développements actuels, et du carnet de commandes de plus de trois milliards d’euros, l’atteinte de cet objectif de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2022 ne fait pas doute pour Didier Kayat et Patrick Daher. Ils voient d’ailleurs plus loin et estiment pouvoir atteindre deux milliards d’euros dans les mêmes délais si des opportunités de croissance externes se présentent, notamment en Amérique du Nord. Comme l’explique le président du groupe, Daher entend ainsi tracer sa propre voie entre les mouvements d’intégration horizontale des grands équipementiers comme UTC et Safran, et ceux d’intégration verticale des avionneurs.
Outre le chiffre d’affaires, Daher a obtenu un niveau record de prises de commandes en 2017, à hauteur de 1,3 milliard d’euros (+ 56 %). L’ETI a notamment obtenu la gestion de la logistique pour l’ensemble des sites français d’Airbus Avions commerciaux en septembre 2017, ou encore la construction d’une plateforme logistique à Roissy pour les activités de soutien de Dassault, en décembre. Le TBM s’est également très bien porté avec 57 commandes sur l’année, soit sa deuxième meilleure performance après 2008 (60 appareils).
Aucun chiffre de rentabilité n’a été communiqué, mais Didier Kayat a affirmé que le groupe était solide. Il en veut pour preuve le prêt accordé par la Banque européenne d’investissements, très regardante, de 60 millions d’euros pour renforcer son outil industriel. Par ailleurs, la famille Daher a racheté une partie du capital du groupe, afin de pouvoir l’ouvrir à nouveau si des liquidités sont nécessaires pour des investissements lourds. Elle en détient ainsi 87,5 %, le reste étant possédé par Bpifrance.
Les effectifs étaient de 8 500 personnes au 31 décembre, mais viennent de passer à 10 000 avec le début du contrat de logistique pour l’ensemble des sites français d’Airbus Avions commerciaux, signé en septembre 2017.
En sus de l’approvisionnement des usines Airbus Avions commerciaux en France, Daher a obtenu en 2017 la construction d’une plateforme logistique pour les activités de soutien de Dassault. © Daher