A l’occasion des résultats d’ATR, le Journal de l’Aviation a rencontré Tom Anderson, vice-président principal chargé des Programmes et des Services clients. Il évoque la stratégie d’innovation incrémentale du constructeur franco-italien et les chantiers en cours.
Après la certification de votre avionique Standard 3 en juillet 2017 par l’EASA, où en est sa mise en service ?
Le Standard 3 est un équipement de série sur les nouveaux avions. Grâce aux accords bilatéraux entre les autorités de certification, notre Standard 3 peut être utilisé n’importe où dans le monde.
Nous sommes très occupés à parler à nos clients des possibilités de rétrofit du Standard 3 sur les appareils déjà en service. Il y a beaucoup d’intérêt, car il offre des capacités additionnelles pour la navigation et des fonctionnalités supplémentaires dans le cockpit, qu’évidemment les clients désirent tous. Nous n’avons pas encore de client de lancement pour ce rétrofit. Nous travaillons actuellement avec Air New Zealand pour améliorer leurs anciens appareils avec un RNP 0.3/0.3 (Required Navigation Performance) et nous parlons avec d’autres.
Quelle est la prochaine grande étape de votre stratégie d’innovation incrémentale ? Un Standard 4 ?
Nous avons déjà commencé à travailler sur le Standard 4 et à déterminer ce qui y sera intégré. En ce moment, nous travaillons sur des sièges plus larges et plus légers. Nos sièges sont aujourd’hui de 17,2 pouces, ce qui est standard. Beaucoup de nos clients ont fait la demande de sièges plus larges, ce que peut accueillir l’avion. Nous avons fait des démonstrations de différentes configurations de sièges à nos clients, avec différents poids, et les retours sont très positifs pour des sièges plus larges.
Nous allons proposer des sièges avec une largeur de 18 pouces (les sièges Neo Classic et Neo Prestige de Geven entreront en service cet été et deviendront standards d’ici la fin de l’année, NDLR). Ils vont accroître l’aspect premium de la cabine. Ils seront plus légers (130 à 160 kilos de moins pour une cabine de 72 sièges, NDLR), ce qui pourrait permettre de mettre plus de sièges à bord et générer plus de revenus pour les compagnies.
Qu’en est-il du moteur ?
Nous continuons de travailler avec Pratt & Whitney pour introduire des améliorations incrémentales sur les moteurs, notamment pour réduire les coûts de maintenance. Par exemple, nous avons introduit quelques changements sur les injecteurs de carburant. Plutôt que d’avoir certaines opérations de maintenance périodique pendant les phases de maintenance en ligne, elles peuvent désormais juste être réalisées pendant les révisions. Cela réduit le fardeau de la maintenance pour les clients.
Pratt & Whitney connaît du succès en la matière avec une part de plus en plus large de clients qui choisissent un contrat à l’heure de vol. Ils ont peut-être désormais 25 % de leur flotte couverte par un accord de ce type, ce qui donne aux clients des coûts mesurés et stables. Cela améliore la satisfaction des clients avec le moteur, ce qui est absolument positif pour ATR.
Souhaitez-vous obtenir de meilleures performances de votre moteur ? Quitte à changer de motoriste ?
La plus grande plus-value de l’ATR est sa basse consommation. Il n’y a pas de demande de la part des clients pour avoir un moteur plus puissant. Ils peuvent choisir dans notre catalogue pour une option appelée Superboost, développée pour Avianca, qui donne un surplus de puissance en montée dans les environnements haut et chaud.
Il y a peut-être quelques opportunités de faire quelques améliorations mineures sur la consommation de carburant, mais avec l’architecture existante c’est très incrémental. Les gains sont vraiment sur la réduction des coûts et de la charge de maintenance.
Si vous êtes un constructeur d’avions, vous gardez toujours votre esprit ouvert aux nouvelles technologies et parlez avec différents équipementiers et comparez leurs performances. C’est votre responsabilité d’avoir cet esprit ouvert pour agir dans le meilleur intérêt de vos compagnies clientes.
Êtes-vous toujours dans les temps pour introduire le Wi-Fi bord-bord dans vos avions en juin 2018 ?
Oui, nous y travaillons avec une société néozélandaise, appelée Phitek. Il s’agit d’un boîtier disposé dans un coffre à bagage, qui opère de façon autonome par rapport aux systèmes de l’avion. Si vous vous y connectez avec votre téléphone, vous pourrez recevoir différents contenus. Le système pourra être interrompu par un personnel de cabine lors des annonces à bord. C’est léger et simple.
Ce boîtier est développé en propre par Phitek. ATR travaille de son côté à certifier que cet équipement n’interfère pas avec les systèmes de l’avion, ce qui est exigé par les autorités aériennes. Ce sera fait en ce début d’année.
Où en est le développement de ClearVision ? Avez-vous un client de lancement ?
Si vous allez dans notre centre d’essais en vol à Toulouse-Francazal, vous verrez un avion opérant avec le système ClearVision et faisant des vols d’essais pour le certifier. Nous travaillons avec Elbit pour y arriver cette année.
Nous sommes en discussions avec Aurigny, la compagnie aérienne de Guernesey. Nous sommes allés faire une démonstration de ClearVision par un jour de mauvais temps. Il aussi est intéressant dans d’autres parties du monde comme l’Indonésie, où les infrastructures aéroportuaires sont minimes.
Nous regardons aussi les possibilités de rétrofit, mais seulement pour les avions de la série -600. Cela fait partie des avantages de notre suite avionique Thales, qui est modulaire. Il est facile d’y brancher de nouveaux équipements.
Avez-vous d’autres projets majeurs en cours ?
Notre plus gros projet actuel est l’ATR 72-600F avec FedEx. Ce n’est pas un avion de passagers converti en avion-cargo, c’est un avion-cargo dès l’origine. Nous avons établi un plateau à Francazal avec des équipes des programmes, de l’ingénierie, des achats et d’autres départements colocalisées et entremêlées.
La version de fret aura un gros impact sur le fuselage. Il y a beaucoup de travail pour enlever les hublots, adapter l’intérieur, renforcer les planchers, installer les larges portes-cargo. Nous n’allons pas convertir un vieux fuselage, mais aller directement au véritable avion. La masse maximale au décollage ne devrait pas trop évoluer. Il n’y a pas de besoins de le faire.
La première livraison est contractuellement prévue au troisième trimestre 2020, ce qui signifie que nous allons faire voler l’avion pour la première fois en 2019.
Les ATR 72-600F de FedEx seront-ils uniquement basés aux Etats-Unis ?
FedEx n’opère pas directement les ATR. Ils ont des partenaires qui les opèrent pour eux aux États-Unis, au Canada et en Europe. Le point de départ sera de les voir opérer l’ATR 72-600F aux États-Unis, mais nous souhaitons bien sûr voir FedEx déployer l’avion tout autour du monde. Nous allons d’abord le certifier aux États-Unis, mais aussi dans n’importe quel pays où FedEx souhaite l’opérer.
C’est un signal très puissant lorsqu’une compagnie comme FedEx choisit votre avion. Nous avons plein de personnes qui nous ont appelés à propos de l’avion. Je suspecte que nous n’allons pas seulement construire un avion-cargo pour FedEx, mais pour des clients dans beaucoup d’endroits à travers le monde.
Travaillez-vous sur une version équivalente pour l’ATR 42-600 ?
Le développement d’un ATR 42-600F n’est pas en vue pour l’instant. Quand vous voyez le grand nombre d’ATR 42 convertis en avions de fret dans la flotte de FedEx aujourd’hui, cela pourrait être fait dans le futur. Nous répondrons aux besoins du marché, mais je suspecte qu’il soit vraiment orienté vers l’ATR 72.