Cinquante après avoir tout fait pour contrecarrer la carrière du Concorde, les Etats-Unis semblent déterminer à bâtir leur propre programme d’avion commercial supersonique. La NASA vient en effet de notifier un contrat de 247,5 millions de dollars à la branche Skunk Works de Lockheed Martin pour la conception, la construction et les essais d’un démonstrateur, le 3 avril. Le développement de ce futur appareil, baptisé Low-Boom Flight Demonstrator (LBFD), entre dans le cadre du programme QueSST (Quiet Supersonic Technology) qui prépare le retour des vols commerciaux supersoniques grâce à une diminution drastique de leur empreinte sonore. Il doit voler en 2021.
Ce contrat vient confirmer celui signé début 2016 entre la NASA et Lockheed Martin, d’un montant de 20 millions de dollars, pour la conception préliminaire de cet avion expérimental (X-plane). Le LBFD sera de dimensions assez modestes, avec 28,7 m de long pour une envergure de seulement 9 m. Sa masse au décollage sera de 14 650 kg. Il ne pourra accueillir qu’un pilote, dans un poste de pilotage qui reprendra le design de la place arrière des T-38 utilisés par la NASA dans le cadre de l’entraînement des astronautes.
En termes de performances, l’objectif est d’atteindre un régime de croisière de Mach 1,42 à 55 000 ft (16 800 m), soit plus de 1 500 km/h. Son Mach maximal opérationnel sera de Mach 1,5, ce qui lui permettra de tutoyer les 1 600 km/h. Il sera équipé pour cela d’un seul moteur militaire, le General Electric F414 de 13 000 livres de poussée sèche, 22 000 livres avec la postcombustion.
Le bruit sera l’élément le plus regardé
Pour autant, la donnée la plus importante pour ce démonstrateur n’est pas la vitesse mais le bruit. L’avion doit présenter une empreinte sonore de 75 PLdB (niveau de décibel perçu) lors du passage du mur du son, soit un « battement de coeur supersonique au lieu d’un boom sonique » selon la terminologie employée par Lockheed Martin. Le démonstrateur reprendra pour cela les technologies et les configurations développées par la NASA, notamment sur l’efficacité aérodynamique, dans le cadre de son programme QueSST.
Avec ce nouveau contrat, Lockheed Martin va donc se lancer dans le design avancé du LBFD. La revue de conception critique (CDR) est prévue en 2019. Elle ouvrira la construction du démonstrateur dans les installations de Lockheed Martin à Palmdale (Californie). Le site accueillera aussi les premiers vols d’essais – identifiés comme la Phase 1 – qui seront réalisés par le constructeur américain, en 2021.
La Phase 2 s’ouvrira fin 2021, lorsque la NASA prendra livraison de l’avion dans son Centre de recherche en vol d’Armstrong (Californie). Elle mènera alors une campagne d’essais pour s’assurer que les performances sonores sont nominales, mais aussi que le LBFD est à même d’évoluer dans l’espace aérien national américain (NAS).
Vue d’artiste du LBFD devant le hangar des Skunk Works à Palmdale. © Lockheed Martin
Faire évoluer la réglementation
Si toutes les conditions sont remplies, la Phase 3 d’essais s’ouvrira mi-2022. Elle comprend notamment le survol d’agglomérations américaines, afin de collecter des données sur la réaction des populations environnantes. Quatre à six villes réparties à travers le pays devraient être ainsi concernées.
Ces données seront remises en 2025 aux autorités américaines (la FAA, qui interdit le vol supersonique dans le NAS en 1973) et internationales (l’OACI). Elles serviront de base de travail dans le but de faire évoluer la réglementation, afin d’ouvrir la voie au transport commercial supersonique.