Que s’est-il passé en six mois ? En octobre 2017, au sortir de la NBAA, une certaine morosité plane sur l’aviation d’affaires. Malgré plusieurs signes positifs – croissance économique, hausse du trafic, désengorgement du marché de seconde main et remontée des prix – la reprise des ventes d’avions neufs tarde toujours à se faire sentir. Cette tendance se confirme quelques mois plus tard avec les chiffres publiés par l’Association des constructeurs de l’aviation générale (Gama) pour l’année 2017, avec une baisse de 1 % des livraisons par rapport à 2016.
Six mois plus tard, à Ebace, la situation est tout autre. Pour la première fois depuis longtemps, l’ensemble des avionneurs s’accorde à dire que la reprise tant attendue est là. Eric Trappier, P-DG de Dassault Aviation, note ainsi que le climat du marché lors du lancement du Falcon 6X, en février 2018, « est extrêmement différent des conditions qui prévalaient l’an dernier. Avant tout, nous avons constaté une pleine reprise du marché d’occasion, indicateur de la santé du marché de notre industrie […] Et la demande pour les nouveaux avions commence aussi à se renforcer. »
De même, Michael Amalfitano, P-DG d’Embraer Executive Jets estime que plusieurs indicateurs traditionnels sont au vert. Il note que les avions disponibles sur le marché de seconde main ne représentent plus que 9 % de la flotte mondiale en service. C’est deux points de moins qu’il y a trois ans. Il ajoute qu’en ce début d’année, le trafic a retrouvé son niveau de 2007, celui d’avant la crise. L’Europe, entre autres, connaît une très forte recrudescence de la demande.
Eric Trappier n’hésite donc pas à déclarer que : « Après un long ralentissement, nous voyons enfin la lumière au bout du tunnel. » Et les chiffres de la Gama semblent lui donner raison : l’association enregistre une hausse des livraisons de 1,5 % pour les jets et de 13 % pour les turbopropulseurs au premier trimestre 2018 par rapport à la même période un an auparavant. Il s’agit d’ailleurs du meilleur démarrage depuis 2015, époque où certains constructeurs maintenaient encore un fort volume de livraisons quoiqu’il en coûte.
Qu’est-ce qui a changé ?
Pour autant, ces facteurs ont déjà été observés épisodiquement ces dernières années. Alors comment expliquer ce regain d’optimisme qui ferait presque penser que la crise de 2008-2009, renforcée en 2011, est finie ?
Sur le plan conjoncturel, il faut tout d’abord noter la simultanéité de ces facteurs. La reprise du trafic en 2016 ne s’est pas conjuguée avec la fluidification du marché de l’occasion à partir de 2017. C’est aujourd’hui chose faite. Les entreprises, dont les capacités d’investissement ont été durablement affectées par les crises successives, semblent aussi avoir retrouvé la solidité et la confiance nécessaires pour acheter à nouveau des avions à plusieurs millions, voire dizaines de millions, d’euros. C’est d’autant plus vrai aux Etats-Unis, où elles commencent à bénéficier des retombées de la réforme fiscale.
Sur le plan structurel, le marché a été largement bouleversé. Pour Eric Trappier, « la crise de 2009 a changé la façon d’acheter un avion d’affaires ». Il a notamment noté une détérioration de l’image de cette industrie auprès du public. Souvent associé à l’opulence, l’avion d’affaires a mauvaise presse dans un contexte de crise économique globale. Plusieurs entreprises ont ainsi vendu leur flotte ou renoncé à un achat par peur d’un impact négatif sur leur notoriété. Cette situation semble aujourd’hui moins prégnante et l’aviation d’affaires redevient un symbole de réussite économique.
Enfin de nouveaux marchés s’ouvrent. C’est le cas de la Chine, jusqu’ici très hermétique à l’aviation d’affaires notamment pour des raisons réglementaires. L’assouplissement de la législation en la matière et la libéralisation progressive du ciel par les militaires chinois permettent enfin aux constructeurs de toucher du doigt les immenses perspectives qu’offre le pays.
Cette reprise doit désormais se confirmer dans le temps. Le passé a montré que les rebonds pouvaient être de courte durée, comme ce fut le cas en 2013-2014. Et comme l’a déclaré Eric Trappier : « Le marché semble aller mieux pour nous comme pour nos concurrents, même si le business nous dit que ne rien n’est jamais sûr. »