Deux ans et demi après la dernière mouture de l’exercice, Safran s’est de nouveau plié au petit jeu de la Journée investisseurs (Capital Market Day). L’occasion pour son directeur général, Philippe Petitcolin, d’affirmer que les ambitions fixées en mars 2016 avaient été atteintes ou même dépassées et de définir les nouveaux objectifs pour la période 2018-2022.
Philippe Petitcolin définit cette réussite selon trois axes : le recentrage autour des activités d’aéronautique et de défense, le renforcement de sa position sur le secteur des équipementiers, et l’amélioration des performances financières.
Sur ce premier axe, le directeur général du groupe salue ainsi la vente de sa filiale Morpho – d’abord Morpho Detection, puis Safran Identity & Security – et la montée en puissance du LEAP de CFM International. Les cessions successives ont ainsi été menées sans difficulté apparente, malgré près d’un an pour les finaliser, et ont rapporté environ trois milliards d’euros.
Le LEAP, pierre angulaire de la réussite de Safran
En ce qui concerne le LEAP, le programme est en passe de réussir une montée en cadence sans précédent : 77 moteurs livrés en 2016, 459 l’an dernier et probablement plus de 1 100 cette année, tout en maintenant la production du CFM56 au-dessus des 1 000 exemplaires annuels. Celle-ci ne s’est pas pour autant déroulée sans heurts, le moteur ayant connu quelques soucis techniques – notamment un problème de qualité sur un disque de turbine pour le LEAP-1B – et des retards de production.
Ces retards ont pu atteindre jusqu’à sept semaines en début d’année, ce qui a pénalisé Airbus puis Boeing pour leurs propres délais de livraison, respectivement sur les A320neo et les 737 MAX. Ils se résorbent peu à peu, mais l’accélération reste progressive. Le curseur des 1 100 livraisons en fin d’année sera un bon indicatif pour savoir si le programme est à nouveau dans les temps, sachant que 741 moteurs avaient été livrés au cours des neuf premiers mois de l’année, dont 303 au seul troisième trimestre.
Safran respecterait alors son plan de marche tel que défini en 2016, et qui doit l’amener à livrer plus de 1 800 LEAP l’an prochain et plus de 2 000 en 2020, tout en faisant passer les cadences du CFM56 au ralenti. Ces chiffres pourraient évoluer au gré des augmentations de cadences des A320neo et 737 MAX.
Toute nouvelle accélération sera néanmoins conditionnée par la capacité de Safran Aircraft Engines et de GE Aviation à déployer une offre de soutien efficace et bien dimensionnée pour la flotte en service. Celle-ci monte d’ailleurs en puissance, et Safran table sur une croissance annuelle moyenne de 7 à 9% entre 2018 et 2022 pour les activités de services sur ses moteurs civils.
La situation est naturellement moins reluisante pour le Silvercrest qui a subi l’abandon du programme Falcon 5X par Dassault Aviation. L’objectif est désormais d’être prêt pour l’Hemisphere de Textron Aviation. Bien qu’il ait mis le développement de l’avion en pause, le constructeur américain a affirmé en septembre que le programme était toujours d’actualité et qu’il gardait confiance dans le moteur.
L’apport de Zodiac va se concrétiser
Sur le second axe, la principale accélération a été apportée avec le rachat de Zodiac Aerospace, qui s’est achevé en mars dernier. Cette acquisition a permis à Safran de revendiquer le deuxième rang mondial des équipementiers. L’intégration se déroule bien à en croire le groupe, et le projet de « fusion-absorption » vient d’être plébiscité par l’assemblée générale des actionnaires de Safran. Elle sera effective le 1er décembre 2018. Ce sera l’occasion de présenter le nouveau nom de Zodiac Aerospace.
Il reste néanmoins du travail avant une intégration complète. Cela passe par l’accélération du redressement opérationnel de Zodiac Aerospace, notamment pour la branche Aircraft Interiors. Safran table toujours sur 200 millions d’euros de synergies de coûts avant impôt par an à horizon 2022, comme annoncé au moment du rachat.
Et le groupe n’entend pas en rester là. Il ambitionne ainsi de devenir le n°1 mondial au cours des quinze ans à venir. Il compte pour cela sur le développement de l’« avion plus électrique », marché sur lequel il est bien positionné à travers ses filiales Safran Electronics & Defense et Electrical & Power, renforcées par la branche Aerosystems de Zodiac Aerospace. Le groupe va aussi travailler à l’amélioration de sa compétitivité, avec notamment la poursuite de ses efforts avec les fournisseurs pour réduire les coûts de production du LEAP.
Croissance stable mais plus rentable
Safran table ainsi sur une croissance organique de son chiffe d’affaires de 4 à 6 % par an entre 2019 et 2022, tirée notamment par la montée en puissance du LEAP, des services et des activités héritées de la branche Aircraft Interiors de Zodiac Aerospace. Le groupe conserverait à peu près le rythme de ces trois dernières années (de l’ordre de 5 % en moyenne par an).
Il veut en revanche accroître sa marge opérationnelle. L’objectif défini en 2016 était de 15 % en 2020, il se situe désormais entre 16 % et 18 % en 2022. Il dépendra des synergies trouvées avec Zodiac Aerospace, du redressement de ses activités Aircraft Interiors et du bon déroulé de la transition entre le CFM56 et le LEAP. Autant de défis qui ne connaîtront leur dénouement que dans quelques années.
Enfin, Safran a annoncé le lancement d’un nouveau cycle de dépenses de R&D. Elles étaient en baisse continue depuis 2014, ce qui correspond à la fin du développement du LEAP et de ses moyens de production. La R&D autofinancée représentera 6 à 7 % du chiffre d’affaires entre 2018 et 2022, passant ainsi de 460 à 600 millions d’euros. Ces investissements seront ciblés sur Zodiac, ainsi que sur un éventuel nouveau moteur en cas de lancement du programme NMA par Boeing. Les dépenses de R&T doivent quant à elles croître de 30 %.
Le groupe entend néanmoins continuer à améliorer son résultat opérationnel (Ebitda), de l’ordre de 50 % d’ici 2022 et à augmenter son niveau de liquidités disponibles.