Dans l’ombre du programme Future vertical lift (FVL) pour le renouvellement de ses différentes flottes d’hélicoptères, l’US Army mène un programme de remotorisation de ses Boeing AH-64 Apache et Sikorsky UH-60 Black Hawk. Lancé il y a dix ans sous le nom d’Improved Turbine Engine Program (ITEP), il voyait s’affronter depuis ATEC (coentreprise entre Honeywell et Pratt & Whitney) et GE Aviation. Et c’est le T901-GE-900 de ce dernier qui vient de remporter la compétition le 1er février.
Cette décision de la part de l’US Army ouvre donc la prochaine étape du programme pour GE Aviation, à savoir la phase de développement de l’ingénierie et de la fabrication (EMD). Elle a donc accordé un contrat de 517 millions de dollars au motoriste américain sur cinq ans, qui doit aboutir à la mise en production du T900 à partir de l’été 2024. De premières commandes devraient être passées d’ici cette date.
Fortes demandes
La phase d’industrialisation du projet sera scrutée de près par l’US Army au vu de l’urgence et de l’importance des besoins. Comme dit précédemment, il s’agit de remplacer les T700-GE-701 des hélicoptères bimoteurs Apache et des Black Hawk, dont la conception date de la fin des années 1960. De plus, le Pentagone voudra sans doute aller vite pour remotoriser un maximum d’appareils et les exploiter avant leur remplacement, qui doit s’engager au début des années 2030 selon le programme FVL.
Les flottes d’Apache et de Black Hawk représentent respectivement 1 000 et 2 000 appareils environ. La cible de production devrait donc s’approcher des 10 000 T901, moteurs de rechange compris. Elle pourrait augmenter par la suite, le T901 étant aussi considéré pour équiper le Futur aéronef de reconnaissance et d’attaque (FARA), pour lequel un premier appel d’offres a été lancé en octobre 2018 dans le cadre du programme FVL.
Un besoin identifié de longue date
Le programme ITEP est dérivé d’une précédente initiative, lancée au milieu des années 2000 sous le nom d’Advanced Affordable Turbine Engine (AATE). Elle avait déjà pour but de développer une nouvelle motorisation d’une puissance de 3 000 chevaux sur arbre (shp), qui présenterait une réduction de 25 % de la consommation spécifique de carburant (SFC), une amélioration de 65 % du rapport entre la puissance sur l’arbre et le poids, une amélioration de 20 % de la durée de vie nominale de la turbine, ainsi qu’une réduction de 35 % des coûts de production et de maintenance et de 15 % des coûts de développement par rapport au T700.
Avec le passage au programme ITEP en 2009, l’US Army a revu ses exigences à la hausse avec une demande d’amélioration des capacités d’emport en conditions « haut & chaud » (Hot & High) pour le Black Hawk et un rayon d’action accru jusqu’à 500 km pour les deux hélicoptères.
Ce programme a donné lieu à plusieurs contrats de R&T, dont les fonds furent à chaque fois partagés entre le T901 de GE Aviation et son concurrent, le T900 d’ATEC. La dernière double attribution a eu lieu en septembre 2016, avec la phase de maturation technologique et de réduction de risques (TMRR) de 24 mois. Les deux motoristes ont ainsi reçu plus de 100 millions de dollars chacun pour emmener leurs turbines respectives jusqu’à la revue de conception préliminaire (PDR) au premier semestre 2018, puis préparer leurs propositions en vue de la sélection finale.
Le T901 présente des similarités avec le T700. © GE Aviation
GE Aviation a voulu faire simple
A ce petit jeu, c’est donc GE Aviation qui a gagné. Il revendique ainsi pour le Black Hawk équipé de T901 une autonomie de 261 km avec neuf soldats équipés à bord (+161 % par rapport au T700) ou l’emport de 2,7 tonnes de charge utile (+150 %) sur 55 km. Et pour l’Apache, le motoriste estime qu’un appareil motorisé par ses turbines pourra franchir 215 km et rester 46 minutes sur zone (+115 %), ou alors rester près de 2h20 sur zone (+133 %) après avoir franchi 100 km.
Pour remporter la mise, GE Aviation a pu s’appuyer sur l’expérience accumulée depuis 40 ans avec son T700. Il a ainsi repris une architecture avec un attelage compresseur-turbine (ou corps) simple pour son T901, face à la configuration double proposée par ATEC qu’il juge efficace mais plus lourde, plus complexe à maintenir et moins fiable.
Le motoriste y a intégré de nouvelles technologies dans la conception de sa turbine, notamment grâce à des outils 3D pour définir la configuration aérodynamique ou la fabrication additive. Il a aussi travaillé sur les matériaux avec l’utilisation des composites à matrice céramique (CMC) et sur des « technologies de refroidissement avancées ».
Enfin, GE Aviation annonce avoir étudié la question des conditions d’opérations éprouvantes auxquelles sont soumis les Apache et les Black Hawk. Il a par exemple mis au point d’un séparateur de particules au niveau des entrées d’air (IPS), pour réduire l’impact des ingestions de sable par le moteur.
Nul doute néanmoins que la question du prix a également due être déterminante dans le choix de l’US Army.