Largement en difficulté ces dernières années, Bombardier a signé une performance financière encourageante en 2018. Le 14 février, le constructeur canadien a ainsi présenté des résultats en amélioration par rapport à 2017. Cette réussite ne cache pas pour autant les déboires de l’activité Avions commerciaux, en partie sacrifiée sur l’autel de la rentabilité, ni la restructuration qui doit amener à la suppression de 5 000 emplois dans les dix à seize prochains mois.
Bombardier affiche un chiffre d’affaires global de 16,2 milliards de dollars américains (USD), à l’équilibre par rapport à 2017. Le constructeur améliore en revanche sa marge opérationnelle de 4,4 points à 6,2%. Il fait ainsi plus que tripler son résultat d’exploitation (EBIT) pour atteindre le milliard de dollars. Pour le résultat net, le constructeur repasse dans le vert, avec 318 millions de dollars engrangés en 2018, contre une perte de 525 millions l’année précédente.
L’adieu au CSeries
Dans le détail, les résultats de l’aviation commerciale contraste largement avec le reste de la copie. L’année 2018 a consacré la reprise du programme CSeries par Airbus, à travers sa prise de participation majoritaire dans la Société en commandite Avions C Series (SCACS) finalisée le 1er juillet. A partir de cette date Bombardier, qui ne détient que 31% du capital, n’a donc plus pu revendiquer les résultats du désormais A220 qu’à hauteur de sa quote-part. Il n’a pas pu non plus inscrire les 30 ventes de CSeries enregistrées au premier semestre 2018 dans son carnet de commandes, tout comme les 13 livraisons.
Malgré cette situation, le CSeries/A220 représente encore la majeure partie des déficits de cette activité. La finalisation de la transaction a entraîné une charge comptable exceptionnelle de 616 millions de dollars, qui plombe lourdement les résultats des avions commerciaux. La perte d’exploitation est ainsi de 755 millions de dollars, soit le double de celle de 2017.
Même en dehors de cet élément non-récurrent, Bombardier aurait enregistré un déficit opérationnel de 157 millions de dollars. Celui-ci aurait été largement imputable aux pertes du programme CSeries/A220, assumées entièrement par le constructeur au premier semestre, puis à hauteur de sa quote-part par la suite (-40 millions de dollars).
CRJ et Q400 en berne
Le tableau n’est guère plus reluisant pour les autres familles d’avions commerciaux. Les commandes nettes font pale figure avec 23 CRJ et 24 Q400 en 2018, contre un total de 58 appareils en 2017. Bombardier a notamment dû faire face à l’annulation des six derniers CRJ700 et des cinq derniers CRJ1000.
En parallèle, le constructeur n’a livré que 20 CRJ et 15 Q400, contre un total de 56 appareils en 2017. Ce n’est qu’au prix de cette énième baisse de cadences qu’il a pu préserver ses réserves de commandes, soit 45 CRJ900 et 52 Q400 au 31 décembre 2018.
De fait, le chiffre d’affaires de l’activité Avions commerciaux a chuté de 24%, à 1,8 milliard de dollars (résultats du CSeries puis quote-part dans SCACS compris). Et il va encore baisser après la vente du programme Q400 à Longview Aircraft Company (maison-mère de Viking), qui doit être finalisée au deuxième semestre 2019, même cela doit à terme améliorer la rentabilité globale.
Le constructeur devrait donc porter ses efforts essentiellement vers le CRJ en 2019, notamment le CRJ900 et le nouveau CRJ550 tout juste lancé. Il veut ainsi se concentrer « sur la réduction des coûts et l’accroissement des volumes, tout en optimisant le service après-vente pour la vaste flotte actuellement en service dans le monde. » Pour autant, le retour à la rentabilité reste la priorité, et Bombardier a rappelé avoir déclaré en 2018 qu’il évaluait les options stratégiques pour le programme.
Calme dans les avions d’affaires
Du côté des avions d’affaires, la situation est plus apaisée. Les livraisons (137 appareils) et le chiffre d’affaires (5 milliards de dollars) n’ont quasiment pas varié. La rentabilité s’est en revanche accrue, avec une hausse de 9% du résultat d’exploitation, à 430 millions de dollars. Une performance notamment due à la croissance des revenus issus des services après-vente (+14%). Comme il est de coutume, aucun chiffre de commandes n’a été communiqué.
L’année 2019 pourrait être dopée par la montée en puissance du Global 7500, après sa longuement attendue mise en service en décembre dernier. Il sera rejoint à la fin de l’année par les Global 5500 et 6500, évolutions des Global 5000 et 6000 actuels.
Les aérostructures se portent bien
L’activité Aérostructures et Services d’ingénierie signe la plus belle croissance du groupe, avec des revenus en hausse de 21%, à 2 milliards de dollars. Cela compense en partie la chute du chiffre d’affaires des avions commerciaux. La rentabilité est aussi au rendez vous avec un résultat d’exploitation qui double presque, à 146 millions de dollars.
Cette branche compte s’appuyer sur sa participation dans les programmes A220 et Global 7500 pour poursuivre sa croissance dans les prochaines années. Elle vient d’ailleurs de récupérer la fabrication des ailes du Global 7500 avec le rachat des activités et des actifs de Triumph Group qui y étaient consacrés.
Malgré cette réussite apparente, les salariés du site de Belfast (Irlande du Nord) – qui comprend une usine et des bureaux d’ingénierie consacrés aux aérostructures – ont été les premiers à subir les conséquences du plan de restructuration, annoncé en novembre lors de la vente du programme Q400.
Le reste des résultats est porté par l’activité Transport, consacrée à l’industrie ferroviaire. Ses revenus sont en hausse de 4%, à 8,9 milliards de dollars, tandis que son résultat d’exploitation bondit à 774 millions de dollars (+75 %).
Perspectives
Pour l’année qui débute, Bombardier table sur une amélioration de ses résultats par rapport à 2018. Il vise ainsi un chiffre d’affaires d’au moins 18 milliards de dollars (+11%), avec un résultat d’exploitation avant éléments spéciaux compris entre 1,15 et 1,25 milliards. Ce qui donnerait une marge opérationnelle en légère progression, sous réserve qu’aucune charge supplémentaire conséquente ne vienne amoindrir ces résultats.
Outre le Transport, cette croissance du chiffre d’affaires doit être portée par les activités Avions d’affaires – 6,25 milliards de dollars (+25%), avec 150 à 155 livraisons prévues – et Aérostructures – entre 2,25 et 2,50 milliards (+15 à +25%). En revanche, malgré la restructuration en cours, elles devraient affichaient une marge opérationnelle (avant éléments spéciaux) en baisse, à 7,5% chacun.
Reste les avions commerciaux, qui va voir encore près d’un quart de son chiffre d’affaires disparaître, pour se situer autour de 1,4 milliards de dollars. Bombardier espère néanmoins réduire quelque peu la perte opérationnelle (avant éléments spéciaux), à -125 millions de dollars.