« Thales a réalisé une très belle année 2018. » Patrice Caine, PDG du groupe français, et Pascal Bouchiat, son directeur financier, se sont accordés lors de la présentation de résultats annuels pour saluer la belle performance réalisée l’année passée. Il faut dire que tous les indicateurs sont au vert, et ce dans l’ensemble de ses trois secteurs opérationnels : Aérospatial, Défense & Sécurité, Transport. Les résultats sont mêmes au-dessus des objectifs annoncés en 2017. Pourtant, certains signes révèlent un ralentissement de la croissance, même si celle-ci reste élevée.
Thales a présenté un chiffre d’affaires 2018 de 15,9 milliards d’euros, en hausse de 4,1% par rapport à l’année précédente grâce en particulier au Transport et à la Défense & Sécurité. Et la croissance organique (à périmètre constant) est encore plus marquée, à 5,3%. Le groupe affiche ainsi une progression continue depuis 2013 et le lancement de son plan stratégique Ambition 10, qui doit l’emmener jusqu’en 2021.
Les prises de commandes globales sont reparties à la hausse, après le recul enregistré en 2017. Elles ont ainsi progressé de 7% – et de 9% à périmètre constant – pour atteindre 16 milliards d’euros. Le ratio entre les commandes et le chiffre d’affaires (book-to-bill) est repassé au-dessus de 1, et le carnet de commandes s’est donc renforcé (+1% à 32,3 milliards).
Rentabilité affirmée
Surtout Thales a continué de s’améliorer fortement sur le plan de la rentabilité. La progression du résultat opérationnel du groupe (EBIT) est impressionnante. Déjà à deux chiffres lors des années précédentes, il a crû de 23% entre 20178 et 2018 pour atteindre 1,7 milliard d’euros. Et la marge opérationnelle dépasse la barre des 10%.
Le résultat net ajusté du groupe dépasse quant à lui celle pour la première fois du milliard d’euros, pour se situer à près de 1,2 milliard. C’est une progression de 40% par rapport à 2017. Sur un plan comptable, le résultat net ajusté augmente dans les mêmes proportions à 982 millions d’euros.
Thales ne cesse donc de renforcer sa performance financière. Patrice Caine et Pascal Bouchiat y voient les effets du travail sur les principaux secteurs de coûts. L’organisation des achats a ainsi été remise à plat depuis 2017, tandis que les plans d’actions se sont multipliés pour diminuer le poids des fonctions supports par rapport au chiffre d’affaires. Le groupe s’est aussi attelé à améliorer la compétitivité de ses activités d’ingénierie.
Cette solidité financière permet à Thales de poursuivre la hausse de ses dépenses de R&D autofinancée, qui ont atteint 879 millions d’euros en 2018 (5,5% du chiffre d’affaires). L’objectif est d’atteindre le milliard en 2021 et ainsi de bâtir des relais de croissance pour l’avenir.
Une croissance forte qui ralentit
Ces investissements lourds ne devraient pas être superflus car le groupe pourrait faire face à un ralentissement de certains marchés. La croissance du chiffre d’affaires a été divisée par deux entre 2015 et 2018, passant de 8 à 4%. Certes ce chiffre est soumis aux variations des cessions et acquisitions – comme l’intégration de Gemalto qui doit être finalisée en mars – mais d’autres éléments sont perceptibles.
Une tendance commence ainsi à se dessiner pour la croissance organique (à périmètre constant). Après avoir atteint environ 7% en 2016 et 2017, elle a ralenti à 5% en 2018. En 2019, Patrice Caine estime qu’elle se situera entre 3 et 4%. Et pour les prises de commandes, la tendance est même à la stabilité avec 16 milliards d’euros attendus sur l’année.
D’ici la fin d’Ambition 10, en 2021, Thales table sur 3 à 5% de croissance organique. Si ces chiffres sont largement positifs, ils dénotent tout de même d’un ralentissement relatif du développement des activités actuelles du groupe.
Les marchés émergents gagnent en maturité
Ce ralentissement se fait notamment sentir dans les marchés émergents. Après plusieurs années à deux chiffres, la croissance du chiffre d’affaires dans ces pays a perdu 10 points en trois ans, pour se situer à 6,5% en 2018. Une tendance somme toute normale après plusieurs années de dynamisme.
Le phénomène devrait se prolonger dans les prochaines années. Thales a même connu une baisse de plus de 20% des prises de commandes dans ces marchés émergents en 2018. Patrice Caine se refuse néanmoins à toute « sur-interprétation » et d’y voir déjà une véritable tendance.
En attendant, le groupe français peut compter sur le dynamisme retrouvé depuis deux ans sur les marchés matures, qui représentent plus de deux tiers du chiffre d’affaires et trois quarts des commandes en 2018. Son PDG souligne par exemple les hausses de dépenses de pays comme la France, l’Allemagne, l’Australie ou le Canada dans le domaine de la défense. Il s’appuie d’ailleurs sur la diversité des activités et des marchés du groupe pour afficher une belle confiance en sa résilience.
Le spatial revient épauler l’aéronautique
Dans le détail, le secteur Aérospatial affiche une croissance limitée et confirme un certain ralentissement depuis l’an dernier. Son chiffre d’affaires progresse de moins de 1%, pour se situer à 5,8 milliards d’euros, essentiellement grâce à l’aéronautique. Patrice Caine a d’ailleurs réaffirmé sa confiance dans les perspectives de croissance pour ce domaine en 2019. Il estime qu’il est en revanche trop tôt pour se prononcer dans les activités spatiales.
La bonne nouvelle vient des prises de commandes avec un retour dans le vert après deux années de baisse consécutive. Elles se sont situées à 5,3 milliards d’euros (+2% par rapport à 2017). Pascal Bouchiat souligne d’ailleurs « le redressement » du spatial, avec « une augmentation sensible » des commandes après une année 2017 difficile. A l’inverse, il note que l’aéronautique sortait d’une année « très élevée » et que la croissance est donc plus modérée.
Une année satisfaisante pour la Défense
« C’est une très très belle satisfaction sur ce pôle en 2018 », a déclaré Pascal Bouchiat à propos de la branche Défense & sécurité. Avec un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros pour l’année 2018, la division affiche une hausse de 4,3% par rapport à 2017. Les prises de commandes ont crû de 12% entre 2017 et 2018 et atteignent à présent les 8,8 milliards d’euros. Quant au carnet de commandes, il franchit le cap « pour la première fois » des 20 milliards d’euros, représentant 2 ans et demi de chiffre d’affaires, « renforçant ainsi la visibilité sur l’activité des années à venir ».
En 2018, l’activité aéronautique de défense a représenté trois des 19 « grandes commandes » de Thales, dépassant les 100 millions d’euros : en tant que membre de la « Team Rafale », l’équipementier a logiquement bénéficié de la levée d’option pour 12 Rafale supplémentaires pour le Qatar et a également profité du contrat de développement de 1,9 milliard d’euros alloué aux travaux pour le standard F4 du Rafale. Les missiles MICA NG qui y seront intégrés font également l’objet d’un contrat pour Thales, impliqué dans ce programme mené par MBDA.