Si l’importance de Boeing pour Safran n’est plus à démontrer, l’année 2019 devrait encore en apporter la preuve. Le groupe va multiplier les efforts, au niveau de la production, du développement et de l’innovation pour répondre aux attentes de son client et désormais partenaire américain. Il s’agira ainsi de rattraper les retards du LEAP-1B, de se positionner sur la motorisation du NMA et de préparer la future génération de groupe auxiliaire de puissance (APU). Autant d’objectifs rappelés par Philippe Petitcolin, directeur général de Safran, lors de la présentation des résultats le 27 février.
Le rattrapage des retards sur LEAP – réalisé conjointement par Safran Aircraft Engines et GE Aviation au travers de la coentreprise CFM International – constitue à n’en pas douter un enjeu majeur. Philippe Petitcolin parle aujourd’hui d’une situation contrastée : « Pour Airbus, nous livrons à l’heure, avec 15 à 17 moteur par semaine sans hausse de cadences à venir. Pour Boeing, nous sommes encore en phase de fort ramp up avec le passage de 20 moteurs par semaine en début d’année à 30 mi-2019. C’est très difficile de continuer à augmenter. »
Les livraisons de LEAP-1B – motorisation exclusive du 737 MAX – comptent ainsi encore du retard. De sept semaines début 2018, le compte était passé à quatre en novembre. Mais comme le concède Philippe Petitcolin, « il y a eu une baisse de pression en décembre » au vu du besoin de vacances des salariés après une année extrêmement chargée (avec la production de 1 118 LEAP contre 459 en 2017). Cela a allongé les délais de 8 à 10 jours supplémentaires. Le directeur général de Safran vise désormais un retour à une situation nominale au deuxième trimestre, dès avril si possible.
Achever la transition
Au total, CFM International prévoit de livrer 1 800 LEAP cette année, ce qui représente une hausse de la production de l’ordre de 30% à chaque trimestre. Et cela ne s’arrêtera pas de suite, avec un objectif de 2 000 moteurs en 2020, puis 2 300 au-delà. Il faut dire qu’avec le 737 MAX et 60% des commandes d’A320neo, le motoriste dispose d’un backlog de 15 600 LEAP. En parallèle, il doit aussi assurer la montée en puissance du soutien pour le LEAP. Safran a d’ailleurs déjà acté une hausse de ses investissements en 2019 pour y faire face.
Presque heureusement pour GE Aviation et Safran Aircraft Engines, le programme C919 du constructeur chinois Comac tarde encore à réellement décoller, avec seulement trois prototypes en vol. Ce qui leur laisse du temps pour se consacrer à Boeing et Airbus.
La tâche devrait aussi être facilitée par le ralentissement progressif de la production de CFM56 entamée l’an dernier. De 1 444 moteurs en 2017, elle est passée à 1 044 en 2018, et ne devrait plus être que de 300 à 350 exemplaires en 2019. La livraison de moteurs de série devrait ainsi s’achever d’ici fin 2020, si ce n’est pour les appareils militarisés.
La production du LEAP-1B est encore en phase d’accélération. © Safran / R. Soret
Embarquer sur le NMA
Toujours dans le cadre de CFM International, Safran entend bien se positionner sur le possible futur programme NMA (New Midsize Airplane). Le groupe devrait même augmenter ses dépenses de R&D dans cette optique, malgré l’absence de certitudes quant à sa sélection. Philippe Petitcolin déclare ainsi que les discussions continuent avec Boeing, mais il semble cette fois que c’est le constructeur qui ne soit pas dans les temps.
« Boeing a pris du retard dans sa séquence qui doit l’amener à décider s’il lance ou non son programme NMA, explique le dirigeant. Nous l’attendons donc dans les mois qui viennent, mais je suis incapable de vous dire si ce sera en avril, en mai, en juin… pour un choix moteur. Cela lui permettra d’obtenir une Authorisation To Offer (ATO) aux compagnies aériennes de la part de son Conseil d’administration qui, en fonction des pré-commandes, prendra la décision de lancer ou non le programme. »
Il s’appuie néanmoins sur les déclarations de Dennis Muilenburg, PDG de Boeing, pour espérer une décision avant juin. Ce qui laisserait très peu de temps au constructeur pour être prêt à lancer le NMA lors du salon du Bourget (du 17 au 23 juin).
La preuve par Initium
Que CFM International soit sélectionné ou non, Safran devrait tout de même embarquer sur le NMA grâce à Initium Aerospace, sa coentreprise avec Boeing dans le domaine des APU. Elle travaille actuellement sur un démonstrateur pour valider les architectures retenues par Boeing et Safran pour une nouvelle génération d’APU. Philippe Petitcolin n’a pas donné de calendrier pour son développement, mais il exprime clairement son envie que sa première application soit sur le NMA. Ce qui signifie qu’Initium Aerospace devra disposer d’un produit opérationnel et industrialisable avant 2025.
En attendant, Philippe Petitcolin a déclaré que Dennis Muilenburg et lui-même étaient ravis de cette entente qui permet à Boeing de prouver qu’il peut construire une véritable relation avec des équipementiers de taille mondiale, et à Safran de monter sur le créneau des APU pour avions commerciaux jusque-là largement dominé par Honeywell et de montrer qu’il peut être un vrai partenaire pour l’avionneur.