Si l’E195-E2 tient le haut de l’affiche en ce mois d’avril, le flou règne autour de l’E175-E2. Depuis le troisième trimestre 2018, le plus petit modèle de la famille d’E-Jets de deuxième génération n’apparaît plus dans le carnet de commandes d’Embraer, pour des raisons de modifications des normes comptables IFRS. Le constructeur a expliqué avoir agi ainsi en raison « de l’incertitude actuelle quant à l’échéancier des modifications de la scope clause sur le marché américain ».
Cette mesure syndicale limite en effet la capacité et la masse maximale au décollage des appareils utilisés par les opérateurs régionaux américains dans le cadre des contrats d’achat de capacité (CPA), passés avec les compagnies aériennes principales (American Airlines, Delta Air Lines and United Airlines). Ils ne peuvent ainsi dépasser 76 sièges et 39 tonnes. Or l’E175-E2 est conçu pour accueillir entre 80 et 90 passagers, respectivement en configuration triclasse et monoclasse, avec une MTOW de 44 tonnes.
S’il peut toujours proposer une cabine de 76 sièges – ce qui nuirait fortement à la rentabilité de l’appareil – Embraer compte donc sur une modification des règles pour faire accepter la masse de son E175-E2, sous peine de se voir refuser l’accès au marché régional américain, l’un des principaux débouchés pour les jets de moins de 90 sièges. Mitsubishi Aircraft Corporation (Mitac) est confronté au même problème avec son MRJ90 (alors que le MRJ70 est taillé pour ces limites).
Un avenir en pointillé
Embraer a affirmé que cela ne remettait pas en cause son unique commande pour 100 appareils fermes et 100 options de la part de la compagnie américaine SkyWest, mais cela crée tout de même une incertitude forte pour les compagnies américaines.
Ainsi, Republic Airways, principal opérateur d’E-Jets avec près de 200 E170/175 (dont les trois quart en propriété), ne s’est toujours pas engagé fermement pour l’E175-E2. L’an dernier, il a même préféré commander à nouveau 100 E175 de première génération avec des droits d’achat pour 100 avions supplémentaires, se contentant d’ajouter une option pour pouvoir les convertir en E175-E2. Le pas est donc encore loin d’être franchi.
De même, « la commande conditionnelle » passée par Trans States Holdings au salon de Farnborough 2014 n’a jamais été confirmée, ni même indiquée dans les comptes d’Embraer. Celle-ci portait sur l’achat de 50 avions fermes et autant en options.
Fin 2016, Embraer avait d’ailleurs décidé de repousser la date de mise en service de son appareil d’un an, de 2020 à 2021. L’avionneur brésilien avait alors indiqué vouloir profiter du succès de l’E175 actuel après des opérateurs américains, en attendant une hypothétique modification de la scope clause. Deux ans et demi plus tard, il n’est donc pas beaucoup plus avancé. La question de la poursuite du programme pourrait donc bientôt se poser, alors que le premier vol est censé avoir lieu cette année.
Embraer se montre plus que discret quant à son avancement. Le dernier communiqué à son sujet date d’août 2018, avec l’achèvement du premier empennage horizontal. L’E175-E2 nécessite pourtant des développements importants, notamment en raison d’une voilure différente de celle des E190/195-E2. Le constructeur prévoyait d’ailleurs d’utiliser trois prototypes contre deux pour l’E195-E2, qui a plus largement profité du développement de l’E190-E2 en raison de leur forte communalité.
Enfin, l’avenir de l’E175-E2 dépend désormais du bon vouloir de Boeing, dans le cadre de la future coentreprise entre constructeur brésilien et le géant américain. Actuellement en cours de finalisation – ce qui devrait être effectif d’ici la fin de l’année – elle englobera les activités Aviation commerciale et les services d’Embraer, mais sera détenue à 80% par Boeing. Et il n’est pas sûr que ce dernier est beaucoup d’intérêt pour l’E175-E2.