Et si Safran Helicopter Engines dérogeait quelque peu à sa ligne originelle. Le constructeur de turbines d’hélicoptères étudie la possibilité de développer un turbopropulseur pour avion à partir de son moteur Ardiden 3 dans les prochaines années. Si cette éventualité avait déjà été envisagée, c’est la première fois qu’elle est revendiquée par le motoriste.
Avec un tel projet, Safran Helicopter Engines sortirait clairement de sa zone de confort. Pour autant, il ne partirait pas complètement dans l’inconnu. En effet, le motoriste travaille déjà sur le sujet depuis plusieurs années par le biais du programme de recherche européen Clean Sky 2. Depuis 2015, il est en charge d’un lot de travail 3 (WP3) pour la mise au point d’un démonstrateur technologique intégré de turbopropulseur pour l’aviation d’affaires et régionale de courte portée.
Baptisé Tech-TP, ce démonstrateur reprend le générateur de gaz de l’Ardiden 3 afin de fournir une puissance de l’ordre de 1800 à 2000 chevaux sur arbre (shp). Les premiers essais d’un moteur complet sont d’ailleurs prévus dans les prochains mois sur le site du constructeur à Tarnos (Nouvelle-Aquitaine).
Projet collaboratif
Outre l’amélioration du générateur de gaz, le projet Tech-TP comprend le développement et l’intégration des plusieurs sous-systèmes comme l’hélice, la boîte de transmission de puissance et d’accessoires (PAGB), la nacelle et l’entrée d’air, ainsi que différents éléments innovants. Si l’ensemble du projet est coordonné par Safran Helicopter Engines, ces éléments sont réalisés par pas moins de vingt-cinq partenaires différents, sélectionnés sur appels d’offres.
Parmi ces collaborations, on retrouve Safran Transmission System qui travaille sur la PAGB avec le consortium NewGenPAGB, composé de DMP, Price Induction et Akira. Le consortium Antares, mené par l’Onera avec le Centre aérospatial des Pays-Bas (NLR) et l’industriel allemand MT-Propeller, est pour sa part en charge de la mise au point de l’hélice heptapale qui équipera le Tech-TP, ainsi que de la nacelle et de l’entrée d’air. Safran Systems Aerostructures participe aussi au projet.
Ces premiers essais du démonstrateur complet consacreront la remontée en puissance du programme. En 2016, celui-ci avait subi des coupes et un report budgétaire de l’ordre de deux ans, qui ont impacté le calendrier. Les premiers allumages du moteur étaient attendu initialement mi-2018.
S’inviter à la table de Pratt et GE
A l’issue de cette phase de démonstration, d’ici l’an prochain, le Tech-TP aura atteint un niveau de maturité de l’ordre du TRL 6. Le concept sera alors prêt à passer en phase d’industrialisation. C’est donc ce que pourrait faire Safran Helicopter Engines, en reprenant tout ou partie des différentes technologies développées précédemment.
Le motoriste français pourrait ainsi s’inviter dans le cercle très fermé des constructeurs de turbopropulseurs, qui plus est dans la gamme des moteurs de moins de 2 000 shp. Celle-ci est largement dominée par le PT6 de Pratt & Whitney Canada (500 à 1 900 shp) – indétronable depuis plus de 50 ans. A l’heure actuelle, seul GE Aviation conteste cette domination. Le motoriste américain entend bien être le premier à casser ce monopole avec son GE Catalyst (850 à 1 650 shp), qui devrait entrer en service l’an prochain sur le Cessna Denali de Textron Aviation.
Safran Helicopter Engines peut pour l’instant faire valoir les bonnes performances de ses Ardiden 3C et 3G, certifiés respectivement en 2018 et 2017 par l’EASA : architecture compacte, rapport poids-puissance, coûts d’utilisation bas, consommation en carburant inférieure de 10 % par rapport à ses concurrents…Mais il va avoir fort à faire pour convaincre un avionneur de sélectionner son futur turbopropulseur plutôt que celui d’un des deux géants nord-américains.