La tendance est définitivement à la consolidation chez les avionneurs. Daher vient ainsi d’annoncer le lancement de l’acquisition du constructeur américain Quest Aircraft Company, le 13 juin, en préambule du salon du Bourget 2019. Avec cette opération, le constructeur du racé TBM mettrait la main sur le robuste Kodiak 100, monoturbopropulseur utilitaire adapté aux terrains courts et aux pistes non préparées. La finalisation de la transaction avec le groupe japonais Tsuneishi – propriétaire de Quest depuis 2015, via sa filiale Setouchi Holdings – est attendue pour la fin de l’année.
« Nous n’aurions pas pu trouver une cible plus idéale », se réjouit Didier Kayat. Pour le directeur général de Daher, l’acquisition de Quest remplit plusieurs cases identifiées dans le plan stratégique Succeed Together lancé l’an dernier. Elle répond tout d’abord à la volonté de croissance externe de l’ETI française, qui avait été réaffirmée lors de sa conférence pré-Bourget. Elle entend ainsi développer son portefeuille de produits, principalement afin d’améliorer sa rentabilité. Une première étape avait d’ailleurs déjà été franchie avec le rachat de la petite société néerlandaise KVE Composites, spécialisée dans la recherche sur les thermoplastiques.
Changement d’échelle
Cette deuxième acquisition consécutive est d’une autre ampleur avec l’intégration de 240 employés, d’un programme complet d’avion et d’équipements industriels aux États-Unis, à Sandpoint (Idaho). Elle va aussi permettre à Daher de retrouver une compétence sur les aérostructures métalliques, externalisée depuis longtemps pour le TBM. Quest réalise en effet une grande partie du fuselage du Kodiak 100 en interne.
Didier Kayat n’a pas révélé le montant de l’opération. Il s’est néanmoins félicité de la rapidité avec laquelle celle-ci s’est déroulée. Les premiers contacts ont ainsi été noués en décembre 2018 et le protocole d’achat a été signé le 11 juin au soir. Il doit maintenant être validé par les autorités de la concurrence, ainsi que par le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis (CFIUS). Didier Kayat ne s’inquiète pas outre mesure de ces formalités, le Cessna Caravan possédant 70 % du marché sur lequel s’aligne le Kodiak 100 et Quest étant déjà détenu par des étrangers.
Le rachat de Quest doit permettre à Daher d’avancer sur un autre axe stratégique, à savoir se renforcer en Amérique du Nord. Pour Didier Kayat, « c’est le point de départ pour devenir un industriel américain ». La localisation de Quest dans l’Idaho permettra à Daher de renforcer sa visibilité auprès de Boeing à Seattle (Washington), tout comme son implantation mexicaine de Nogales lui permet d’être proche d’Airbus à Mobile (Alabama) et de Gulfstream à Savannah (Géorgie).
Cette ambition américaine devrait passer par le développement de l’activité d’aérostructures métalliques à Sandpoint, en complément de celles en composites à Nogales. Elle devrait d’ailleurs passer rapidement sous la marque Daher, Quest Aircraft Company ayant vocation à disparaître (comme Socata en son temps).
Didier Kayat n’entend pas pour autant faire disparaître le Kodiak 100, bien au contraire. Il devrait suivre la même destinée que le TBM, intégré avec l’acquisition de Socata il y a dix ans. D’autant que le directeur général insiste toujours sur « la légitimité » offerte par le fait d’être un avionneur auprès des grands donneurs d’ordres aéronautiques. Devenir « un constructeur franco-américain » devrait encore renforcer cet effet auprès de ses partenaires outre-Atlantique.
Un complément au TBM
Avec le Kodiak 100, Daher met donc la main sur un avion rustique de dix places, non pressurisé, déclinable en hydravion, afin de renforcer ses capacités d’accès aux populations isolées. Mis en service fin 2007, le monoturbopropulseur est donc loin d’adresser les mêmes marchés que les TBM. Il est d’ailleurs vendu autour de 2,5 millions de dollars quand l’avion français est estimé entre 4 et 4,4 millions. Le Kodiak 100 a tout de même connu une modernisation conséquente avec le lancement du Kodiak 100 Series II en 2018, qui a vu l’introduction de la suite avionique Garmin G1000 NXi.
Une fois l’intégration réalisée, Daher devrait continuer à faire évoluer le Kodiak 100 selon les principes d’amélioration incrémentale et de développement de gamme déjà appliqués pour les TBM. Plusieurs synergies sont d’ailleurs possibles. Le Kodiak 100 possède le même moteur Pratt & Whitney Canada PT6A (dans une version différente) et les mêmes hélices Hartzell Propeller que les TBM, ainsi que la même avionique que le TBM 910. Cela pourrait aussi concerner les services associés à l’avion, à l’image de l’application Me & My TBM destinée à optimiser les opérations.
Aujourd’hui, le Kodiak 100 représente 270 appareils en service dans le monde, dont plus de la moitié en Amérique du Nord. Le reste de la flotte se répartit principalement entre une cinquantaine d’avions en Asie, et plus d’une dizaine en Afrique ainsi qu’en Amérique du Sud. Autant de marchés que le TBM peine à toucher pour le moment. Le rythme des livraisons fluctue autour d’une trentaine d’avions par an. Quest a néanmoins connu un coup de mou l’an dernier, avec seulement 23 Kodiak 100 livrés selon les chiffres de la GAMA.