C’est dans une ambiance bon enfant que Nicolas Orance, vice-président principal de la division Aéronautique et Défense de Daher, Stéphane Cueille, directeur de la R&T et de l’Innovation du groupe Safran et Jean-Brice Dumont, vice-président exécutif en charge de l’Ingénierie d’Airbus, ont dévoilé la maquette de leur projet EcoPulse, le 17 juin sur le salon du Bourget.
« Nous avons décidé il y a dix-huit mois de faire une application de propulsion hybride électrique distribuée avec l’expertise moteur de Safran, celle avion d’Airbus et la notre », débute ainsi Nicolas Orance. « L’objectif est de diminuer l’empreinte carbone et d’ouvrir de nouveaux champs d’application avec l’électrique », poursuit Stéphane Cueille. Et Jean-Brice Dumont de compléter : « Il s’agit de voir comment explorer ces solutions. »
Turbogénérateur et batteries
L’EcoPulse sera développé à partir d’un TBM assemblé par Daher à Tarbes, avec l’adjonction d’un Système de propulsion hybride électrique (SPHE, voir encadré) développé par Safran Helicopter Engines en sus du traditionnel moteur thermique PT6. Il permettra l’alimentation de six propulseurs contrarotatifs (pour limiter l’empreinte sonore) répartis le long de la voilure de l’appareil. Chacun d’entre eux est composé d’un moteur électrique ENGINeUS 45 de 45 kW et d’une hélice. De son côté, Airbus devrait apporter son savoir-faire sur la conception des hélices, ainsi que sur les batteries développées à partir de la technologie lithium-ion.
Les six propulseurs posséderont des fonctions différentes comme l’explique Philippe Lagarde, responsable R&T hybridation chez Safran Helicopter Engines. Les deux systèmes extérieurs, avec des hélices tripales, seront alimentées par le turbogénérateur afin d’atténuer les tourbillons marginaux en bouts d’ailes. Les quatre propulseurs intérieurs, avec des hélices pentapales, doivent amener une amélioration de la sustentation à basse vitesse qui permettrait de diminuer la surface alaire. L’objectif final dans les deux cas est de réduire la trainée.
La configuration distribuée doit permettre de réduire la trainée à basse vitesse. © L. Barnier / Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
A plus long terme, les trois partenaires envisagent déjà des évolutions telles que l’utilisation des propulseurs internes au décollage pour limiter les nuisances sonores ou encore la possibilité d’en masquer les hélices une fois l’avion en phase de croisière pour réduire leur impact sur la trainée. A terme, l’objectif est même de pouvoir se passer du moteur thermique central, qui reste indispensable aujourd’hui pour des raisons de sécurité.
En attendant, Airbus, Daher et Safran n’ont pas encore chiffré précisément les avantages de cette configuration initiale en termes de gain de consommation et de réduction de l’empreinte sonore. C’est justement le démonstrateur qui doit leur permettre de construire leurs modèles et de définir l’équilibre et les performances de la propulsion distribuée, comme l’explique Jean-Brice Dumont. Il faudra notamment intégrer dans ces calculs l’alourdissement de l’avion et la trainée supplémentaire induite par les propulseurs eux-mêmes.
Stéphane Cueille se risque tout de même à avancer quelques estimations devant l’insistance de l’assistance. Il table ainsi sur l’utilisation de 30 à 40% d’énergie électrique sur un vol de courte distance (300 à 800 km) et sur une réduction d’émissions de CO2 d’au moins 15% sur un vol plus long grâce à l’amélioration aérodynamique.
Un projet industrialisable
Si EcoPulse répond aux attentes des trois partenaires, le démonstrateur devrait déboucher sur un véritable programme industriel. « Il y a une véritable logique de produit, affirme ainsi Nicolas Orance. Nous avons la volonté de développer une nouvelle gamme TBM. » Cela demandera un intense travail pour certifier l’appareil, rappelle Jean-Brice Dumont : « Un nouveau produit signifie qu’il faut construire une nouvelle méthode de certification avec les autorités de sécurité. »
La classification CS-23 du TBM offrira plus de souplesse que la CS-25, mais du côté d’Airbus comme de Safran, on affirme vouloir franchir le pas et peut-être aller jusqu’à l’avion régional. Et pourquoi pas au-delà.
Schéma du Système de propulsion hybride électrique (SPHE). © Safran