Vous avez signé un accord avec Airbus en février pour les aider dans leur transformation numérique. Comment cela s’est-il mis en place ?
La coopération avec Airbus date depuis plus de 25 ans, mais là nous avons franchi une étape. Nous avons travaillé avec eux sur plusieurs solutions en mode collaboratif et nous les avons emmené voir notre centre d’innovation à Wichita au Kansas en 2016. Pendant 90 jours, nous avons mis au défi de concevoir un prototype d’inverseur de poussée avec nos outils pour montrer la valeur ajoutée de la continuité numérique. A partir de là, ils ont alors décidé d’implémenter la plateforme 3DEXPERIENCE sur leurs nacelles en 2017.
Et en février, nous avons signé un partenariat global, qui concerne Airbus Commercial Aircraft mais aussi Airbus Helicopters et Airbus Defence & Space, et qui couvre tout depuis la conception jusqu’aux opérations et au soutien après-vente. Ils considèrent que cela est l’un des points d’accroche principaux de leur transformation numérique.
Nous voyons bien que nous ne sommes plus dans la simple vente d’outils ou de solutions, mais dans l’accompagnement d’un client dans sa transformation. Notre ambition est de permettre à des OEM comme Airbus et Boeing de travailler davantage de façon collaborative, non seulement sur la partie conception -ce qui se fait depuis une dizaine d’années avec des maquettes numériques collaboratives – mais aussi de l’étendre à la production.
Comment allez-vous concrètement accompagner Airbus dans cette transformation ?
Nous sommes présents sur des équipes en plateau avec eux tous les jours et il y a une relation de gouvernance jusqu’au plus haut de l’entreprise. Nous travaillons sur des sujets qui ont trait à l’amélioration de la productivité dans les usines, à la conception de leurs futures plateformes et essentiellement à la transformation complète de leur entreprise. C’est valable sur Airbus Commercial Aircraft, comme sur Airbus Helicopters et Airbus Defence & Space. Et nous démultiplions nos efforts avec des consultants en informatique.
Nous organisons à travers nos équipes de services énormément de coaching, de formation, de déploiement logiciel directement chez nos clients.
Combien de personnes cela représente-t-il ?
Nous parlons d’une centaine de personnes. La collaboration avec Airbus ne s’est jamais arrêtée, mais elle prend une nouvelle dimension.
Est-ce que cela diffère du travail que vous pouvez mener avec Boeing par exemple ?
Ce ne sont pas les mêmes périmètres d’implémentation exactement. Ensuite, nos plateformes sont paramétrables – et non pas personnalisables. Cela veut dire que les cas d’usages à travers un même logiciel peuvent être différents. Typiquement avec notre plateforme, ces cas sont très différents et c’est en discutant avec nos clients que nous définissons des choix dans nos solutions spécifiques.
Le travail réalisé avec Airbus doit-il mener à une adaptation de leur outil de production ?
Exactement. Justement, le premier défi d’Airbus est d’assurer l’augmentation de sa production. Un monocouloir représente 100 millions d’euros, donc si nous augmentons la production d’un avion par mois, c’est plus d’un milliard d’euros sur l’année. Voilà l’enjeu pour un constructeur de cette taille.
Nous travaillons donc avec eux à des solutions sur l’organisation de la production mais aussi sur l’amélioration de la synchronisation entre leurs différentes usines, afin de pouvoir augmenter les cadences.
Est-ce qu’il existe déjà une continuité numérique entre les différents sites de production d’Airbus ?
Nous voulons aller justement jusqu’à la continuité numérique complète. Nous le réalisons déjà chez Airbus Space, où ce sont nos solutions depuis la conception jusqu’à la production, mais Airbus est tellement grand. Il reste encore des étapes à franchir.
Si l’A350 a déjà consacré l’utilisation de la maquette numérique, Airbus veut désormais aller plus loin avec l’aide de Dassault Systèmes. © Airbus
La principale difficulté n’est elle pas d’arriver à avoir un ensemble de solutions qui se parlent entre elles ?
Non, car nous avons une plateforme depuis 2012 qui utilise le même modèle de données et la même interface clients. La continuité est donc native dans la plateforme et c’est ce qui nous différencie de la concurrence. Ensuite, lorsque nous devons discuter avec d’autres systèmes, nous nous basons sur les standards de l’industrie comme le Step AP242 pour l’échange de fichiers XML par exemple. C’est obligatoire pour nous qui nous voulons complètement agnostiques par rapport à l’aspect matériel.
Beaucoup d’opérateurs sont déjà formés sur différents outils. L’objectif est-il de les faire basculer vers vos propres outils ou alors faire en sorte que ces outils hétérogènes existants puissent discuter entre eux ?
Ce sont les deux. Aujourd’hui nous travaillons beaucoup avec les universités comme Georgia Tech, le MIT et d’autres, qui apprennent déjà aux étudiants à utiliser du CATIA et du SOLIDWORKS qui sont les références dans le domaine du CAD (conception assistée par ordinateur, NDLR).
Maintenant, nous comptons sur des solutions de plus en plus pointues où il faudra toujours un peu de formation. Le fait d’avoir la même interface pour tous nos outils permet d’apprendre beaucoup plus rapidement. Les opérateurs peuvent avoir un langage commun.
Cette politique d’uniformisation se déploie-t-elle aussi chez les fournisseurs ?
Avec Airbus et Boeing, nous travaillons non seulement sur la synchronisation de leur chaine d’approvisionnement, mais aussi sur l’organisation de la filière pour voir comment nous pouvons encore gagner du temps. Et avec Airbus et Boeing, nous touchons déjà environ 80% de la chaîne aéronautique.
Nous travaillons déjà en direct avec les fournisseurs d’Airbus. Par contre les discussions entre Airbus et ses sous-traitants sur les outils à utiliser restent entre les mains du constructeur.
Il est fréquent d’entendre que les petits acteurs de la chaîne d’approvisionnement, qui n’ont pas forcément les capacités de se transformer, sont le principal frein à la continuité numérique. Qu’en est-il ?
Il y a plusieurs domaines d’interaction à ce sujet. Même les start up peuvent utiliser nos solutions sur le Cloud. Nous avons des solutions adaptées aux PME, avec par exemple DELMIA qui offre du CAD de premier accès pour la production et qui est destiné aux fournisseurs de rang 3 et 4. Nous avons une palette qui permet de couvrir les grands OEM, les start up mais aussi les partenaires traditionnels.
Ca prend plus de temps pour faire basculer ces acteurs traditionnels de la chaîne aéronautique. Il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour arriver à se digitaliser et à prendre les bons outils.