Le développement du Silvercrest n’aura pas été un long fleuve tranquille. Que ce soit pour le Falcon 5X de Dassault Aviation ou le Citation Hemisphere de Cessna (groupe Textron Aviation), le moteur de Safran Aircraft Engines a connu des difficultés récurrentes pour atteindre les performances attendues et a rencontré de nombreux « points durs ». A la clef, des retards en cascade et finalement l’annulation des deux programmes d’avions qu’il devait équiper.
Les problèmes débutent avant même le début des essais en vol en 2014, Safran Aircraft Engines ayant des difficultés à interfacer le moteur avec le Gulfstream GII utilisé comme banc d’essais volant. Le motoriste doit aussi faire face à des défaillances du système de gestion thermique huile-carburant à cause d’une modélisation erronée.
Avec les premiers vols arrive la première difficulté majeure. Les essais montrent rapidement des jeux trop importants entre les éléments du corps du moteur. En conséquence, le Silvercrest a non seulement du mal à tenir ses performances, mais est aussi en proie à un échauffement important qui entraîne une déformation excessive des carters et une usure prématurée. Safran Aircraft Engines intègre un contrôle actif des jeux pour contenir le problème. Face à ces difficultés, Dassault Aviation gèle provisoirement le développement du Falcon 5X – au grand dam des autres équipementiers – et reporte de trois ans la certification du programme, de 2015 à 2018, et l’entrée en service, de 2017 à 2020.
Architecture innovante mais risquée
Certaines voix remettent alors en cause l’architecture même du moteur. Celle-ci s’appuie sur un compresseur axialo-centrifuge, avec une soufflante et quatre étages axiaux pour la partie basse pression (BP), puis quatre disques aubagés monoblocs axiaux et un étage centrifuge pour la partie haute pression (HP). Cet étage centrifuge permet d’améliorer le taux de compression sans augmenter de manière rédhibitoire le nombre d’étages et le poids du moteur. Le Silvercrest vise ainsi un taux de 38,5:1 bien supérieur à la concurrence. Ce ratio doit lui conférer un avantage certain en termes d’efficacité, avec une réduction de la consommation de l’ordre 15% et une maintenance simplifiée.
Le problème est que ce type de conception, développé en partenariat avec Safran Helicopter Engines, est en général utilisé sur des moteurs plus modestes comme des turbines d’hélicoptères comme les Arriel (de 600 à 1 000 chevaux sur arbre selon les versions). Elle semble moins adaptée pour un réacteur capable de générer une poussée maximale de 53,4 kN au décollage. D’où des difficultés pour le compresseur à tenir le taux de compression visé et donc les performances attendues. La pression trop forte pourrait ainsi être à l’origine des difficultés rencontrées en 2015.
Maquette du Silvercrest qui laisse entrevoir les différents étages du compresseur. © Safran / E. Drouin
Nouveau souci de compresseur
Si le report du Falcon 5X laisse du temps au motoriste pour résoudre ces différents soucis, il fait bientôt face à un nouveau « problème sérieux » lors d’essais de performances menés au sol et en vol à San Antonio (Texas, Etats-Unis) en 2017. Le compresseur HP, toujours lui, manque de réactivité dans des conditions opérationnelles spécifiques. A haute altitude ou à basse vitesse, il met plus de temps que voulu pour accélérer ou décélérer.
Le motoriste doit se résoudre à redessiner son compresseur HP. Il commence à établir un nouveau calendrier, mais Dassault Aviation, plus qu’échaudé, met fin au programme Falcon 5X et réclame des compensations. Safran Aircraft Engines doit alors porter l’entière responsabilité de l’échec et s’acquitter d’une indemnité de 280 millions de dollars, en plus des pénalités prévues dans le contrat.
Moins pressé que Dassault Aviation, Cessna maintient de son côté sa confiance dans le moteur français. Un calendrier pour la mise au point du nouveau compresseur HP, les essais spécifiques puis la démonstration de la performance complète du moteur est fixé entre les deux parties en 2018. Mais l’avionneur américain change finalement d’avis en le 17 juillet et finit par suspendre son programme Hemisphere.