C’est une chose qui ne s’était pas produite depuis des années : Cessna n’a plus de jet d’affaires Citation en cours de développement. La filiale de Textron Aviation vient d’annoncer avoir obtenu la certification de type (TC) de la part de l’Administration fédérale américaine de l’aviation (FAA) pour son biréacteur Citation Longitude, le 23 septembre, au terme d’une procédure qu’elle a eu du mal à gérer. Il s’agissait de son dernier programme encore en développement depuis la suspension du développement du Citation Hemisphere en juillet dernier. Cela sonne presque comme la fin d’une époque pour l’avionneur, qui s’est illustré tout au long des années 2010 par sa multitude de projets menée en parallèle – nouveaux avions et modernisations. A moins qu’il ne relance bientôt un nouveau modèle.
Le Longitude touche donc au but. Le biréacteur d’affaires de la gamme des super-moyens est enfin certifié, sept ans après son lancement officiel lors du salon Ebace en 2012. Cessna prévoyait alors un premier vol en 2016 et une homologation dès 2017. Une prévision à laquelle le constructeur s’est accroché jusqu’en mai 2017, avant de devoir se résoudre à annoncer des retards avec un processus de certification plus long que prévu.
Un programme en trois phases
Le développement du Longitude a d’abord commencé dans l’ombre de celui du Latitude, lancé quelques mois auparavant mais prévu pour entrer en service dès 2015 (ce qui a été fait dans les temps). Cessna indiquait alors vouloir d’abord se concentrer sur ce dernier, ainsi que sur les programmes de modernisation M2, X+ et Sovereign+ – ce qui faisait pas moins de cinq projets en parallèle – avant de s’investir plus fortement dans le Longitude.
Le travail sur le Longitude s’est fortement accéléré à partir de la certification du Latitude en juin 2015. Cette nouvelle phase a été marquée par un premier choix fort, dévoilé lors de la convention américaine de la NBAA en novembre 2015 : le renoncement au moteur Silvercrest de Safran Aircraft Engines (alors Snecma), jugé surdimensionné par rapport à l’avion, au profit du HTF7700L d’Honeywell. Ce fut aussi le moment choisi par Cessna pour lancer le programme Hemisphere – avec le Silvercrest – suspendu depuis.
Cette accélération a permis au constructeur de remplir la première partie du contrat avec un premier vol en octobre 2016. Un deuxième prototype est arrivé un mois plus tard, suivi des numéros trois et quatre début 2017 et enfin d’un cinquième appareil d’essais quelques mois après. Le premier exemplaire de série a même fait sa sortie d’usine (« rollout ») dès juin 2017, ce qui ne laissait pas augurer une si longue attente.
Depuis, la date de certification n’a fait que glisser. Cessna avait pourtant mis les petits plats dans les grands pour ce programme avec cinq prototypes, mais s’est heurté à une procédure auprès de la FAA plus compliquée que prévue, avec 11 000 points d’essais à valider. Le constructeur s’est même résolu à annoncer l’obtention d’une certification de type provisoire (PTC) en décembre 2018, afin de pouvoir commencer les vols de formation pour les futurs opérateurs.
Le Citation Longitude pourra accueillir jusqu’à 12 passagers (avec un jump seat). © Textron Aviation
Un fleuron désormais opérationnel
Cessna a donc mis neuf mois de plus pour venir à bout de ce qu’il a qualifié « d’essais de qualification de vol, de structure et de composants les plus exigeants effectués sur un Citation à ce jour ». Il aura eu besoin pour cela de près de 6 000 heures de vol, trois fois plus que pour le Latitude. Ce total comprend néanmoins un marathon de 31 000 nautiques (57 000 km) à travers le monde pour améliorer la maturité de l’appareil.
Cet acharnement à tout de même eu des avantages. Cessna a réussi à certifier des performances supérieures à celles prévues. Le Longitude peut ainsi parcourir 3 500 nautiques, soit 100 de plus que prévu, avec quatre passagers à bord. La charge utile maximale avec le plein de carburant est aussi accrue de 45 kg, à 726 kg.
Avec la suspension de l’Hemisphere, ainsi que la fin de la production du Citation X+ en mars dernier et probablement celle du Sovereign+ incessamment sous peu, il revient désormais au Longitude d’être le navire amiral de la flotte de Cessna. Avec sa cabine de 7,7 m, qui peut accueillir jusqu’à 12 passagers, son avionique Garmin G5000 et son autonomie, il est l’avion le plus gros, le plus moderne et le plus endurant du constructeur américain. A moins que l’avionneur n’annonce bientôt un remplaçant à l’Hemisphere.
Vers un nouveau Citation
Certes, le programme Hemisphere n’est pour l’instant que suspendu, mais il paraît peu probable que l’avion voie finalement le jour. Il semble en revanche beaucoup plus plausible que Cessna s’appuie sur le travail déjà réalisé et lance un nouveau Citation avec un nouveau moteur – à l’image de ce qu’a fait Dassault Aviation en février 2018 en lançant le Falcon 6X à la place du Falcon 5X.
Même si Cessna mène encore le développement des turbopropulseurs Denali et SkyCourier, qui doivent tous deux voler cette année et être certifiés l’an prochain, la certification du Longitude va libérer des ressources humaines et budgétaires pour lancer un nouveau programme rapidement. Ce pourrait être le cas dès la prochaine convention américaine de la NBAA fin octobre. L’avionneur prouverait ainsi encore une fois sa propension à développer de nouveaux avions – à moins que les résultats mitigés du premier semestre, les interrogations persistantes sur la santé du marché des jets d’affaires et les incertitudes autour de l’économie mondiale ne l’incitent comme d’autres à temporiser.