ATR n’aura finalement pas reproduit l’Arlésienne du 90 places avec le 42-600S. L’avionneur franco-italien a fini par lancer officiellement la version à décollage et atterrissage courts (STOL) de son biturbopropulseur régional, le 9 octobre. La décision a été validée par son Conseil d’administration, et donc ses deux actionnaires à parité, Airbus et Leonardo. Présenté pour la première fois au salon du Bourget 2017, et ayant enregistré ses premières commandes lors de l’édition 2019, l’ATR 42-600S doit entrer en service au second semestre 2022, dès la certification obtenue.
L’objectif d’ATR avec cette nouvelle version est de réduire la distance de décollage et d’atterrissage de son avion, afin qu’il puisse se positionner sur les terrains courts. Il pourra ainsi opérer à partir de pistes de 800 m de long seulement, contre 1 000 m pour le 42-600 « classique ». Cela imposera néanmoins quelques restrictions opérationnelles : l’appareil sera alors limité à 40 passagers à bord pour une route de 200 NM (370 km), alors qu’ATR propose des configurations de cabine qui vont jusqu’à 48 sièges et annonce une autonomie maximale plus de trois fois supérieure pour le 42-600. Et cette performance ne vaut que dans « des conditions de vol standard », à savoir une piste préparée et sèche, située niveau de la mer, à une température de 15°C.
Malgré ces limitations, le 42-600S ne devrait pas avoir de réel concurrent sur son marché, du moins en ce qui concerne les avions en production. Côté turbopropulseurs, le Dash 8-400 de De Havilland Aircraft of Canada a besoin d’une piste de 1 300 m, tandis que pour les jets, il faut plus de 1 400 m au CRJ550 pour décoller. Seul le D328NEU de DRA (version modernisée du Dornier 328) pourra venir chatouiller la domination d’ATR, mais l’appareil est plus petit (32 sièges), a besoin de plus de piste (1 000 m) et ne devrait pas arriver sur le marché avant 2023.
Pour 500 aéroports de plus
Le 42-600S a donc le champ libre pour s’arroger de nouveaux marchés pendant encore quelques temps, notamment dans des niches comme les aéroports insulaires. Stefano Bortoli, président exécutif d’ATR, estime que le fait de passer des pistes de 800 m va lui ouvrir les portes de près de 500 aéroports supplémentaires à travers le monde. Entre l’ouverture de nouvelles liaisons et le remplacement des appareils actuels de 30 places, le constructeur vise « une expansion du marché potentiel de 25 % » pour le plus petit de ses modèles.
L’avion a en tout cas déjà séduit plusieurs clients, avec des engagements pour 20 exemplaires. Lors du salon du Bourget 2019, le loueur Elix Aviation Capital avait signé une lettre d’intention (LoI) pour dix appareils, avec des livraisons entre 2022 et 2024. Elle devait être confirmée en même temps que le début du programme, la commande ferme ne devrait donc plus tarder. Dans la foulée, c’est Air Tahiti qui avait confirmé une commande de deux appareils, tandis qu’un client resté anonyme s’engageait pour cinq autres exemplaires. A priori, ATR a trouvé preneur pour trois autres avions depuis.
Des essais menés depuis 2018
La première campagne d’essais du 42-600S a eu lieu dès 2018. Il reste néanmoins du travail jusqu’à la certification de l’appareil, qui n’est prévue qu’au second semestre 2022. Il faut dire qu’il a tout de même subi des modifications importantes, qui nécessiteront un lourd travail d’homologation. Il intègre ainsi une gouverne de direction modifiée et élargie, pour « un contrôle accru à basse vitesse ».Et ATR mentionne un système de freinage automatique, « qui assurera une pleine puissance de freinage dès l’atterrissage », mais aussi en cas d’interruption de décollage (RTO).
D’autres modifications logicielles sont prévues. Le moteur PW127M sera détaré pour pouvoir couvrir la gamme de puissance habituellement réservée au 72-600. Les pilotes auront ainsi le choix « entre la puissance de l’ATR 42 et celle du 72, de sorte que l’avion pourra utiliser une puissance accrue pour exécuter des opérations STOL, ou fonctionner plus efficacement avec moins d’énergie sur des pistes plus longues », selon le constructeur. Enfin, les pilotes auront la possibilité de déployer les spoilers symétriquement lors des atterrissages, afin qu’ils fassent office d’aérofreins et réduisent la distance de freinage.
Au travers de ce lancement, ATR espère continuer à redynamiser son 42-600, longtemps resté le parent pauvre du 72-600 avec à peine 10% des ventes en moyenne. 2018 a marqué un premier tournant avec 20 commandes fermes sur un total (relativement faible) de 52 appareils. Avec cette version STOL, l’appareil de 40 à 50 places doit désormais confirmer son regain de forme dès cette année.