Après une « annus horibilis » en 2019, Boeing entend bien ne pas laisser passer l’occasion. L’occasion ? C’est le débouché créé par la signature de l’accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine qui acte la vente de 200 milliards de dollars de produits américains supplémentaires à l’Empire du Milieu au cours des deux prochaines années afin de rééquilibrer la balance commerciale entre les deux pays et mettre fin à la guerre commerciale qui les oppose. David Calhoun, nouveau PDG de Boeing, n’aura d’ailleurs mis que quelques heures à réagir avec la publication d’une déclaration certes laconique mais sans équivoque sur ses intentions.
« Boeing a un partenariat de longue date avec la Chine, qui s’étend sur près de 50 ans. Nous sommes fiers que les avions Boeing continuent de faire partie de cette précieuse relation, qui a alimenté l’innovation aérospatiale et soutenu les emplois dans le secteur manufacturier », a ainsi exposé David Calhoun avant de poursuivre : « Boeing applaudit les présidents Trump et Xi […] pour le rôle de premier plan qu’ils ont joué dans l’établissement de relations commerciales équitables et mutuellement bénéfiques entre les États-Unis et la Chine. »
Un débouché 78 milliards supplémentaires sur deux ans
Si Boeing entrevoit ici une opportunité, c’est que l’accord prévoit que sur le total de 200 milliards de dollars d’exportations américaines supplémentaires – par rapport à 2017 – un montant de 77,7 milliards soit issu des biens manufacturés (32,9 milliards en 2020 et 44,8 milliards en 2021). Ces biens sont répartis en huit catégories dont une intitulée « aéronefs (commandes et livraisons) ». Elle comprend les avions et les hélicoptères, ainsi que divers engins spatiaux : vaisseaux, satellites, lanceurs, véhicules suborbitaux.
Ce sont autant de machines dont la Chine a besoin et qu’elle peine à produire elle-même, du moins pour la partie aéronautique. L’équation semble moins exacte pour d’autres catégories comme les équipements industriels ou les véhicules. Un gros contrat aéronautique permettrait de remplir rapidement une partie de la jauge des 77,7 milliards. Et le fait que les commandes soient comptabilisées offre une certaine souplesse, avec un étalement des décaissements.
Cet accord pourrait donc relancer Boeing commercialement en Chine. L’avionneur y tourne au ralenti depuis son accord géant signé en novembre 2017 avec China Aviation Suppliers Holding Company (CASC) pour 300 appareils et 37 milliards de dollars. Depuis le flou règne autour de la confirmation de cette commande, d’autant que CASC a signé un accord similaire avec Airbus en mars dernier. Plus concrètement, Boeing n’a placé que 27 appareils directement auprès des compagnies locales ces deux dernières années, même s’il faut aussi comptabiliser les 90 737 MAX vendus aux loueurs hongkongais.
Le 737 MAX, bénéficiaire collatéral
Le rapprochement sino-américain pourrait aussi permettre de débloquer plus rapidement la situation du 737 MAX. Sur fond de guerre commerciale, l’Administration de l’aviation civile de Chine (CAAC) avait été la première à clouer l’avion au sol en mars 2019, créant une réaction en chaîne à travers le monde. Elle a depuis exprimé des « préoccupations importantes » à propos de la conception de l’appareil et ne semble pas pressée de donner son accord à la reprise des vols commerciaux. L’enjeu est de taille pour Boeing, qui compte beaucoup sur le marché chinois.
Le carnet du 737 MAX ne compte officiellement que 185 commandes en Chine et 120 à Hong Kong, avec 223 exemplaires à livrer. Ce chiffre pourrait néanmoins être plus élevé, les contrats aéronautiques avec la Chine manquant parfois de clarté.