« C’est une crise sanitaire et économique ». Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, a annoncé une série de mesures pour tenter d’atténuer les effets du coronavirus sur la santé des employés et de l’entreprise, lundi 23 mars. Elles doivent permettre une reprise progressive du travail sur ses sites de production français et espagnols, ainsi qu’une préservation des liquidités du groupe à court terme. Airbus se positionne donc sur deux fronts dont les objectifs semblent antagonistes à première vue. Charge à la direction du groupe d’arriver à les concilier.
Les premières mesures portent naturellement sur le plan sanitaire. Après un arrêt de quatre jours, le travail reprend donc sur les sites français et espagnols. Guillaume Faury a ainsi déclaré que cette période a permis de nettoyer les lieux et de lancer la mise en conformité des postes de travail avec les exigences d’hygiène et d’auto-distanciation. Des masques devraient être aussi mis à disposition des employés, probablement pour certaines tâches nécessitant une proximité. Airbus a acheminé à cet effet deux millions de masques depuis la Chine ce lundi, même si la majorité d’entre eux vont être offerts aux gouvernements européens.
Retour progressif
Se voulant garant de la sécurité de ses employés, le patron d’Airbus a affirmé que seuls les postes en totale conformité seraient rouverts. Le redémarrage sera donc progressif. Il est limité aux seules fonctions de production ou essentielles au fonctionnement des sites et de l’entreprise. Les temps de travail seront aussi limités à des plages de six heures pour permettre un meilleur respect des mesures sanitaires lors des changements d’équipes. Les autres employés dont la présence n’est pas indispensable continueront à faire du télétravail.
Cette solution a été adoptée en accord avec les partenaires sociaux. C’est le cas de Force Ouvrière, syndicat majoritaire au niveau du groupe et dans les divisions Avions commerciaux et hélicoptères. S’il affirme depuis la semaine dernière que le confinement absolu est la meilleure option sanitaire, il admet que celui-ci peut s’avérer périlleux pour le groupe. Le syndicat a donc fait savoir par voie de communiqué qu’une « reprise lente dans des conditions de sécurité absolue de nos activités vitales semble être une solution responsable. Cet accord va permettre un redémarrage lent de nos activités industrielles, un redémarrage « sanitairement » optimal. »
Mesures mondiales
Ces mesures vont être étendues à l’ensemble des sites Airbus à travers le monde. Le constructeur entend en revanche les appliquer sans arrêt total de la production comme ce fut le cas en France et en Espagne. Elles devraient néanmoins impacter fortement la productivité dans les semaines à venir. « Au début, l’efficacité de la production sera basse, et parfois même très basse, a ainsi concédé Guillaume Faury. Ce n’est pas grave, nous retrouverons l’efficacité plus tard. »
Le président exécutif se veut ainsi confiant. Il cite l’exemple de la ligne d’assemblage de Tianjin, qui a permis à Airbus d’acquérir une expérience précieuse en la matière. Après deux semaines d’arrêt total en février – une semaine prévue pour le nouvel an chinois puis une autre à la demande expresse de Pékin en raison de l’épidémie – le travail y a repris progressivement. Guillaume Faury affirme qu’elle tourne désormais à plein régime avec 99% des employés présents et aucun infecté.
Conserver des liquidités
L’autre objectif de la direction d’Airbus est de conserver les moyens de rebondir après la crise. Elle doit pour cela conserver des capacités de financement, ce qui n’est pas une mince affaire alors que la production est ralentie, que le transport aérien est quasiment à l’arrêt et que les cours de bourse s’effondrent. Trois mesures ont ainsi été prises avec l’aval du Conseil d’administration.
Airbus a obtenu une nouvelle ligne de crédit de 15 milliards d’euros, en convertissant une facilité de 5 milliards acquise précédemment. Elle vient s’ajouter aux autres facilités déjà existantes, de l’ordre de 3 milliards d’euros. Il faut y ajouter 12 milliards d’euros d’actifs financiers disponibles. Le groupe dispose ainsi d’une capacité de financement accrue à hauteur de 30 milliards d’euros, contre 20 milliards auparavant.
Réduction des dépenses
Dans le même temps, le groupe a annulé sa proposition de dividendes pour 2019, à hauteur de 1,80 euro par action. Cela doit permettre de préserver 1,4 milliard d’euros de liquidités. De même, il suspend le financement des retraites complémentaires. Dans un communiqué, Airbus estime ainsi que « grâce à ces décisions, l’entreprise dispose de liquidités suffisantes pour faire face aux besoins de trésorerie supplémentaires liés au COVID-19 ».
Guillaume Faury a néanmoins annoncé que de nouvelles réductions de coûts allaient intervenir, afin de ne pas brûler la trésorerie du groupe. Les dépenses d’investissement devraient notamment être revues à la baisse.
Résister jusqu’à la reprise
Le patron d’Airbus a enfin annoncé avoir établi un dialogue dynamique avec ses clients comme ses fournisseurs afin de les soutenir dans cette crise et de faciliter la continuité des opérations. S’il n’a pas demandé d’aide directe des Etats pour son propre groupe, il encourage les gouvernements à appuyer l’industrie du transport aérien, dont il est convaincu qu’elle sera déterminante pour la reprise économique mondiale post-crise.
Naturellement, Guillaume Faury a annoncé l’annulation des prévisions 2020, présentées lors des résultats annuels en février dernier. Il se refuse pour l’instant à établir des prévisions sur l’impact du coronavirus sur son activité ou celle de l’industrie aéronautique en général. Il estime tout de même que l’activité long-courrier devrait être significativement impactée et compte davantage sur la solidité du carnet de commande des monocouloirs pour assurer la résilience d’Airbus dans cette crise sans précédent.