Brexit, élection de Donald Trump, conflit en Ukraine, etc. De nombreux évènements ont agité la politique internationale de ces derniers mois. Paradoxalement, ces facteurs déstabilisateurs ont donné un nouvel élan à l’ambition d’une défense européenne commune, qui se concrétise pour la première fois sous la forme d’une « Coopération structurée permanente » (CSP). Cette initiative, qui sera officiellement lancée en décembre, n’en est encore qu’à ses balbutiements, et le passé prouve la précarité d’une telle entreprise, soumise au bon vouloir des partenaires européens comme à la pression de l’allié américain.
Cette potentielle défense européenne n’atteindra jamais sa plénitude si elle ne trouve pas une résonnance industrielle. Interopérabilité, mutualisation des ressources et des compétences, économies d’échelle, indépendance, etc. Les avantages à développer et opérer un matériel européen commun sont conséquents, mais cela nécessite de s’entendre sur les objectifs, les capacités, le financement ou encore le calendrier de ce matériel. Une équation compliquée qui a abouti à l’échec de l’European Combat Aircraft et du Future European Fighter Aircraft au début des années 1980, ou aux difficultés à mettre au point l’A400M. Quoi qu’il en soit, ces deux premiers projets ont permis de donner naissance au Typhoon d’Eurofighter, tandis que l’A400M a structuré la filière militaire d’Airbus.
Les derniers contrats de défense passés par les pays européens, notamment en matière d’avions de combat, ne font pourtant pas la part belle à cette coopération industrielle. L’Italie, les Pays-Bas et le Danemark ont commandé ou choisi le F-35 de Lockheed Martin, tout comme le Royaume-Uni et la Norvège. L’avion américain est aussi le favori en Belgique – ce qui se ferait au détriment de la coopération proposée par la France avec le Rafale – et intéresse l’Allemagne.
Des alternatives aux sirènes américaines
Face à l’attirance transatlantique de ces Etats, l’initiative pourrait revenir désormais aux industriels européens. Airbus, Dassault et Leonardo ont ainsi pris sur eux de s’associer en mai 2014 pour proposer un drone MALE européen pour 2020 (qui a depuis glissé à l’horizon 2025). Un an plus tard, l’Allemagne, la France et l’Italie se rangeaient à leurs côtés avec le lancement d’une étude de définition du projet sur deux ans.
En 2016, le ministère de la Défense allemand demandait à Airbus d’étudier une coopération européenne sur le Next Generation Weapon System (NGWS) pour remplacer ses Tornado. De même, en juillet dernier, l’Allemagne et la France annonçaient leur volonté de développer un avion de combat européen. Tout ça n’a pas empêché Berlin de se renseigner sur le F-35 dans la foulée.
On comprend alors mieux pourquoi Airbus a subitement décidé de diffuser quelques images d’un avion de combat piloté de nouvelle génération – intégré dans un ensemble de systèmes aéroportés, pilotés ou dronisés, identifié comme le « Future air power » – lors de la conférence International Fighter, qui se tenait justement à Berlin le 8 novembre.
Difficile de dire ce qu’il se cache exactement derrière ce nouveau chasseur, dont les lignes s’apparentent aux vues d’artiste de 2016 pour le NGWS. Simple « one shot » ou réel avant-projet structuré qui attend le feu vert coordonné de plusieurs Etats pour être lancé ? Ce qui est sûr, c’est que c’est une manière pour Airbus de rappeler à l’Allemagne que le choix du F-35 compromettrait, au moins partiellement, les chances de voir décoller un chasseur européen de nouvelle génération.