Salon dédié à la sécurité et défense, Eurosatory est l’occasion de discuter des grands concepts qui dimensionneront le combat aéroterrestre dans les prochaines années. Ce fut notamment le cas lors d’une conférence, où des représentants de l’armée de Terre, de la DGA et d’Airbus Helicopters ont exposé leur vue sur « l’hélicoptère de demain ». Plusieurs préceptes communs se sont ainsi dégagés, tout en restant dans un cadre réaliste soumis à la réalité des coûts.
A l’instar du Système de combat aérien du futur (SCAF), les futurs hélicoptères militaires seront des systèmes entièrement intégrés avec d’autres véhicules, pilotés ou non, terrestres et aériens. Ce postulat, posé par l’ingénieur en chef de l’armement (ICA) Alexandre Lahousse, de la Direction de la stratégie de la DGA, semble faire l’unanimité.
Christian Fachini, directeur du marketing opérationnel d’Airbus Helicopters, déclare ainsi que la conception a évolué d’un hélicoptère armé à un système de combat. Il explique d’ailleurs que des expérimentations sont déjà en cours pour faire coopérer un drone S-100 Camcopter avec un H145, un tandem qui confère notamment à l’équipage de l’hélicoptère une capacité de reconnaissance en amont de son arrivée sur site.
Il faudra néanmoins attendre encore le milieu de la prochaine décennie pour voir ce combat collaboratif entrer en scène. La feuille de route R&T de la DGA prévoit ainsi son intégration à partir de 2025 avec l’arrivée du Standard 3 de l’hélicoptère de combat Tigre, puis au-delà de 2030 avec les évolutions du NH90 – un programme de modernisation à mi-vie devant être lancé aux alentours de 2028.
Des données en fusion
Cette multiplication des plateformes impliquées dans la bulle aéroterrestre, et donc des capteurs, va de pair avec la fusion des données, amenée à jouer un rôle majeur. Celle-ci doit permettre d’améliorer la conscience situationnelle des équipages et les aider à mener à bien leur mission.
Pour l’ICA Lahousse, outre le développement matériel, cette fusion de données va passer par la mise au point de nouveaux algorithmes, avec possiblement l’intégration d’intelligence artificielle, pour exploiter le flux d’informations généré. Il est rejoint par Christian Fanchini, qui rappelle que le but n’est pas de surcharger les équipages d’informations mais de simplifier la complexité de l’environnement afin d’aider à la prise de décision efficace.
Les intervenants prônent donc un important travail sur l’interface homme-machine, avec le développement de nouveaux concepts et une plus grande intégration de l’automatisation de certaines tâches pour éviter une surcharge de travail pour les équipages.
Ce travail pourra aussi contribuer à élargir l’enveloppe de vol, principalement à basse altitude, lors des vols de nuit ou par mauvais temps. Ce qui constitue un des objectifs souhaités par le colonel Frédéric Beutter, du bureau plans au pôle capacité opérationnelle de l’armée de Terre. Il a d’ailleurs été intégré à la feuille de route de la DGA, qui travaille sur l’intégration de jumelles de vision nocturne pour le niveau 5 de nuit, de système de vision synthétique (SVS) projeté sur un viseur de casque, de boule Flir et ou encore d’une caméra IR à large champ pour la version « Forces spéciales » du NH90 qui doit arriver en 2025.
Vers une meilleure protection
Une des autres améliorations demandées par le colonel Beutter concerne l’amélioration de l’autoprotection des hélicoptères. La question a elle aussi été intégrée à la feuille de route de la DGA, qui entend développer de nouvelles technologies avec un groupement d’industriels et les intégrer progressivement sur les différents hélicoptères en service.
Les trois intervenants appellent d’ailleurs à l’évolutivité des plateformes afin de pouvoir les améliorer dans le temps et intégrer progressivement différents types d’innovations sans attendre les grands programmes de modernisation.
Une marche devrait néanmoins être franchie en la matière avec l’arrivée du HIL (hélicoptère interarmées léger) prévue à partir de 2028. Selon l’ICA Lahousse, l’autoprotection devrait là aussi passer d’un agrégat d’équipements à un système entièrement intégré, à même de gérer les données venues des divers capteurs de l’hélicoptère et de son écosystème afin de déterminer une réponse adéquate.
Souvent au centre des débats ces dernières années, la maintenance jouera aussi un rôle central dans la définition des futurs hélicoptères. L’ICA Lahousse plaide ainsi pour une architecture optimisée, avec un accès facilité à certains systèmes et équipements, pour simplifier les opérations d’entretien. Il encourage donc à accroître les relations entre clients et industriels dès la phase de conception pour mieux intégrer les contraintes opérationnelles dans le design de la machine.
Le concept HForce sur un H145M. © Airbus Helicopters/Christian Keller
La modularité au coeur du débat
Pour arriver à atteindre ces objectifs de capacité, les différents acteurs misent sur un précepte : la modularité. La tendance va ainsi vers des appareils multi-usage, capable d’être déclinés en version civile ou militaire. L’ICA Lahousse envisage ainsi des hélicoptères dotés d’une avionique civile pour le vol et d’équipements militaire pour la gestion de mission. Une proposition qui se rapproche du concept de système d’armes modulaire « plug and play » HForce d’Airbus Helicopters, expérimenté sur H145M et H225M.
Ce précepte permettrait de réduire les coûts par rapport au développement d’un appareil uniquement militaire, mais aussi de mutualiser les évolutions avec le monde civil, notamment sur l’avionique, et enfin de bénéficier des services après-vente civils pour améliorer l’offre de support aux militaires.
A l’image du HIL, cette double dimension civile-militaire pourra même être intégrée dès la conception de l’appareil. Par la suite, cette même plateforme pourra être déclinée en plusieurs versions. Le futur HIL sera ainsi appelé à remplacer les Gazelle, Fennec, Alouette III, Dauphin et Panther des trois armées, pour des missions aussi diverses que l’appui aérien, la recherche et sauvetage, le transport léger, etc. Cela permettra notamment des économies d’échelle à l’acquisition mais aussi pour l’entretien en comparaison des flottes disparates actuelles.
Les nouvelles générations se préparent
Bien parti pour être officiellement commandé dans le cadre du programme HIL – avec un besoin exprimé pour 169 machines et des livraisons à partir de 2028 – le H160M devrait reprendre une grande partie de ces différents desiderata à son compte. Ce sera peut-être aussi le cas pour les versions modernisées du Caracal – dont les premières livraisons pourraient arriver vers 2028 – et du NH90, et plus certainement encore pour le remplaçant du Cougar, qui se dessine à l’horizon 2030.