L’une des spécificités de la composante héliportée de l’armée de l’air réside notamment dans la capacité d’intercepter de nuit, et tous feux éteints, un aéronef à l’aide une caméra thermique. Comme l’expose le lieutenant-colonel Eric Goffinon, commandant de la composante, « c’est sportif, ça demande énormément de technicité, un équipage rodé et de l’entraînement ». Cette mission est dévolue aux Fennec, répartis entre deux escadrons, l’EH 3/67 « Parisis », basé à Villacoublay, et l’EH 5/67 « Alpilles » d’Orange. Récit d’un vol de qualification.
Il est 19h30 à Villacoublay, un jeudi de septembre, alors que le jour commence à baisser. L’heure du briefing pour deux équipages de l’EH 3/67 « Parisis », qui s’apprêtent à décoller pour effectuer le dernier vol de qualification à la caméra thermique de la capitaine Camille, qui a réalisé trois autres vols depuis le début de la semaine. « Il s’agit d’un vol d’entraînement MASA (Mesures actives de sûreté aérienne) de nuit, afin de la qualifier à la caméra thermique Ultra 7000 », nous explique le lieutenant-colonel Olivier, commandant en second de l’escadron, qui volera en place droite du Fennec.
« Ce n’est pas évident, car il n’y a pas de formation spécifique, nous avons trois vols pour appréhender le fonctionnement de la caméra, dont un vol de jour. De nuit, c’est le même principe, mais il faut retrouver un « positionnement mental », arriver à guider le pilote pour amener l’hélicoptère dans une position qui lui permettra d’avoir un visuel et de terminer l’interception », détaille la capitaine Camille. Elle continue sur le processus d’apprentissage : « Le travail au sol consiste à décortiquer le fonctionnement de la caméra, le zoom, le réglage du focus. Le vol de jour permet de voir les distances, comment se rapprocher, ce qui est totalement différent de nuit, l’évaluation de la distance est plus difficile ». Des cours au sol permettent d’imaginer les trajectoires et de les travailler, de « dégrossir la géométrie en vol », mais le travail principal ne peut s’effectuer autrement qu’en vol avec la caméra.
Dans l’autre hélicoptère, qui servira de « bogey » (de plastron), deux tireurs d’élite, ainsi que la capitaine Maud et la commandant Gaëlle aux commandes de l’hélicoptère. Cette dernière met l’accent sur « la confiance entre l’opérateur caméra et le pilote aux commandes » qui prime dans ce genre de mission, le premier devant guider le second, rendu « aveugle » et de fait obligé de suivre à la lettre les instructions.
Si trois des quatre membre d’équipages sont des personnels féminins, l’escadron compte au total 20% de femmes. Douze hélicoptères, 28 PN, des tireurs d’élite, un escadron de soutien technique aéronautique à proximité, le « Parisis » comprend également dans ses effectifs six réservistes, dont trois pilotes. Anciens de l’armée de l’air, pilotes d’hélicoptères pour le SAMU, ils assurent également des permanences opérationnelles.
Quant au Fennec, il est qualifié d’appareil « robuste », « une bonne machine qui sait faire pleins de choses », que les aviateurs « sont bien contents d’avoir ». Avec un taux de disponibilité « qui fait rougir les autres flottes », l’hélicoptère dérivé de l’Écureuil a pour principale mission les mesures actives de sûreté aérienne, dans le cadre de la posture permanente de sûreté. Secondés par des tireurs d’élite embarqués, les équipages de Fennec peuvent intervenir sur alerte pour intercepter des aéronefs « suspects ». Si l’un des Fennec est d’alerte en permanence à Villacoublay, un autre est également stationné dans l’est de la France. Le sud du territoire national est couvert par le 5/67 « Alpilles ».
Niveau de nuit 4, puis 5, les jumelles de vision nocturnes (JVN) s’avèrent à présent indispensable pour espérer repérer l’hélicoptère qui vole tous feux éteints au-dessus d’une forêt de la banlieue parisienne. La capitaine Camille guide le commandant en second, jusqu’à l’interception du plastron. « Il m’est arrivé de confondre avec des voitures, mais vu la vitesse, je comprenais vite que ça ne pouvait pas être ça. Il faut réussir à discriminer ce qu’on voit sous JVN. » « L’exercice est difficile », confirme le lieutenant-colonel Olivier : « Elle a uniquement une représentation en pixels sur l’écran et doit donc avoir une représentation mentale de la manière dont va arriver le « bogey » pour me dire de virer à droite ou à gauche, en fonction de la vitesse, etc. L’exercice est rendu plus compliqué par l’environnement de nuit, les jumelles, le bruit. Il faut arriver à dialoguer de manière à ce que je comprenne bien ce qu’elle me dit. »
Si les interventions de nuit en opérations sont extrêmement rares, les entraînements ont le mérite de faire travailler les équipages sur des compétences qui peuvent être utiles pour d’autres missions. Les compétences devant être entretenues, aussi bien pour l’utilisation de la caméra thermique que celle des jumelles de vision nocturne, ce type de manoeuvre est indispensable aux équipages, quel que soit leur niveau de formation.
Sept interceptions plus tard, les deux Fennec se posent à Villacoublay. C’est l’heure du débriefing. S’il faut encore un peu d’entraînement à la capitaine Camille, le commandant en second se montre satisfait : « Même sur des acquisitions thermiques tardives, nous avons réussi, grâce au travail en équipage, à la synergie entre les deux pilotes, qui conditionne la réussite de la mission ». Cette étape franchie, la capitaine Camille pourra, par la suite, prendre des alertes en tant que co-pilote.