Avec un propos très structuré, les deux parquetiers se sont attachés à répondre aux nombreuses questions soulevées depuis le début de ce procès le 10 octobre dernier, tenté de trouver la faute pénale, pour finalement conclure au bout de cinq heures 30 : « La culpabilité des entreprises nous paraît impossible à démontrer. Nous savons que cette position sera très probablement inaudible pour les parties civiles, mais nous ne sommes pas en mesure de requérir la condamnation d’Air France et d’Airbus. »
« Représenter la société dans un tel procès signifie préserver l’ordre social et rappeler que le respect de la vie des personnes humaines n’admet aucun compromis. Néanmoins, ce n’est soutenir les poursuites que si les infractions sont caractérisées », avait prévenu en préambule, la procureure Marie Duffourc. « Nous avons entendu l’insoutenable douleur de la perte de vos proches, votre désir de sanction, que des coupables soient désignés », ajouté Pierre Arnaudin en s’adressant aux parties civiles. « Notre devoir en tant que ministère public, c’est de nous référer […] à la loi, sans qu’elle puisse être infléchie par les attentes de l’une ou l’autre des parties, fussent-elles ressenties comme légitimes. »
Méthodiquement, le parquet a donc d’abord abordé le « point central des débats » à savoir, le non-remplacement des sondes Pitot de l’A330 d’Air France, de modèle Thalès AA, par un autre modèle semblant moins givrer, élément déclencheur de cette catastrophe aérienne. « Force est de constater qu’au regard des données de la science de l’époque, aucune faute pénale ne me semble pouvoir être retenue », a déclaré le procureur Pierre Arnaudin. Il a estimé qu’il n’était pas possible de savoir avec certitude si un autre modèle de sonde aurait givré ou non dans les conditions rencontrées par l’AF447.
Le ministère public a ensuite affirmé qu’aucun « défaut de conception de l’avion » ne pouvait être retenu contre Airbus. Sur les conséquences du givrage des sondes, le parquet a estimé que même en loi « Alternate » avec la perte d’une partie des protections de vol, l’avion restait pilotable. Les commandes de vol ont fonctionné normalement et ont répondu aux actions de l’équipage, écartant une responsabilité d’Airbus. Impossible également pour le procureur d’établir un lien de causalité entre les actions à cabrer du pilote et les ordres du directeur de vol ou du déclenchement de l’alarme de décrochage « Stall ».
Le parquet a enfin estimé que les éléments à charge rassemblés par la cour d’appel de Paris, n’étaient pas fondés et d’ajouter que les prévenus n’avaient pas sous-estimé la gravité des défaillances de sondes Pitot, qui s’étaient multipliées dans les mois précédant l’accident.
A la lecture de cet énoncé, les parties civiles ont laissé éclater leur colère avant de quitter bruyamment la salle d’audience, pleine à craquer pour cette fin de procès.
Le jugement est mis en délibéré au 17 avril.