La victoire écrasante de Tsai Ing-wen, la candidate du parti indépendantiste PDP à la présidence de la République de Chine, va incontestablement marquer un nouveau tournant dans les relations sino-taïwanaises durant son mandat. Le nouveau gouvernement taïwanais devra cependant veiller à ne pas trop dégrader ses relations avec Pékin, tout en améliorant ses liens historiques avec les États-Unis, notamment pour pouvoir rajeunir la flotte de la ROCAF dans les prochaines années.
Un budget de la défense qui sera nécessairement revu à la hausse
Le budget de défense voté par le précédent gouvernement au pouvoir à Taïwan affiche une légère hausse pour cette année à près de 10 milliards de dollars, mais restera le plus bas depuis 10 ans comparativement au PIB (1,8%).
Nul doute que les besoins du puissant Ministère de la Défense nationale (MND) vont s’accroître dans les toutes prochaines années, notamment avec l’arrivée de programmes déjà annoncés comme celui du futur avion d’entraînement de la ROCAF qui devrait être lancé d’ici 2017. Trois plateformes sont proposées par l‘industriel AIDC pour le remplacement des vénérables F-5F et AT-3 Tzu Chung : une nouvelle génération d’AT-3 (AT-3 Max), une variante spécialisée du chasseur supersonique F-CK-1 Ching-Kuo (XAT-5) et une version du M-346 d’Alenia Aermacchi produite localement.
L’augmentation du budget de la défense de Taïwan devrait aussi profiter au NCIST (National Chung-Shan Institute of Science & Technology) qui a notamment dévoilé un programme de drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) en août dernier à Taïpei à l’occasion du salon aéronautique TADTE.
Mais d’autres dépenses vont venir s’ajouter pour les besoins pressants de la ROCAF qui n’a pas intégré de nouveaux chasseurs depuis plus d’une décennie et qui voit sa flotte vieillir. Le programme de modernisation de ses vieux F-16A est désormais lancé jusqu’en 2022 (F-16V), tout comme celui de ses F-CK-1 jusqu’en 2018. En revanche une importante composante de la ROCAF risque de partir à la fin de la décennie, faute de programme de modernisation à mi-vie : la flotte de Mirage 2000-5EI livrée par Dassault à Taïwan à partir de 1997.
La ROCAF espère toujours pouvoir compenser ce départ avec l’acquisition d’une soixantaine de nouveaux F-16, tout en rêvant de pouvoir un jour acquérir des F-35B (variante STOVL du JSF), mais ces deux projets n’ont pour l’instant pas été soutenus par l’administration Obama. Une chose est néanmoins sûre, quelle que soit l’issue des prochaines élections présidentielles américaines en novembre, Lockheed Martin reste de fait le mieux placé tout en étant imperméable aux menaces de rétorsion éventuelles de Pékin.
Peu de changements attendus dans l’aéronautique civile
Les accords bilatéraux régissant les liaisons aériennes entre Taïwan et la Chine continentale ne devraient pas être affectés par le changement de gouvernement. La forte augmentation des vols réguliers entre les deux rives du détroit de Formose depuis leur mise en place en 2008 a accompagné l’essor de leurs relations économiques et rien n’indique que le nouveau parti au pouvoir les remette en cause à ce stade.
En revanche, l’alternance politique risque de rendre plus difficile les projets des sociétés MRO d’accéder à la maintenance d’une partie de la gigantesque flotte des compagnies chinoises. Les sociétés de maintenance taïwanaises se sont cependant préparées à cette éventualité, malgré l’obtention de divers agréments délivrés par la CAAC ces dernières années. Quelques transporteurs chinois font cependant déjà appel aux services de la division MRO d’EVA Air (EGAT).
Autre sujet d’inquiétude, les projets de certains industriels taïwanais de participer au développement de l’aviation générale en Chine, un marché pratiquement inexistant à Taïwan. Les efforts menés notamment par les membres de l’association CAGAD (Chinese Association for General Aviation Development) pourraient ainsi être réduits à néant durant plusieurs années.