Tout n’a pas été rose pour ATR en 2015. L’avionneur franco-italien a certes enregistré une année record en termes de livraisons – 88 appareils ont été remis à leurs compagnies clientes – générant un chiffre lui aussi record de deux milliards de dollars mais la situation a été compliquée. Baisse du prix du pétrole, volatilité des taux de change, ralentissement de la croissance et tension sur la chaîne de fournisseurs ont entravé l’activité et les commandes ont marqué le pas, même si elles se maintiennent à un niveau élevé de 76 engagements fermes et 81 options.
Amputé de huit annulations, le carnet de commandes compte désormais 260 appareils d’une valeur de 6,6 milliards de dollars. ATR n’a donc pas réussi à atteindre son objectif qui consistait à « conserver son backlog », avec un nombre de commandes équivalent au nombre de livraisons.
Pétrole, change, fournisseurs : les défis à relever
La baisse du prix du pétrole a eu un impact sur l’activité, un pétrole cher étant plus incitatif pour les compagnies aériennes désireuses de réaliser des économies en améliorant l’efficacité de leur flotte. Toutefois, cet « impact n’a pas été aussi important que par le passé », relève Patrick de Castelbajac, le Président Exécutif de l’avionneur, d’autant que certaines régions appliquent des taxes très élevées sur le carburant, qui maintiennent son coût à un haut niveau (l’Amérique du Sud ou l’Inde notamment).
Les fluctuations des taux de change et principalement la force du dollar a également nui aux ventes. Par exemple, au Brésil, « des opportunités ne se sont pas matérialisées. » Le real s’étant effondré, les compagnies n’ont plus les moyens d’acquérir des appareils neufs. Et la situation n’est pas près de s’arranger : « ce qui ne s’est pas passé en 2015 ne se passera pas en 2016. Nous devrons attendre encore un an. »
ATR a également ressenti la tension qui pèse sur la chaîne de fournisseurs. Subissant des augmentations de cadences de toutes parts, quelques uns ont peiné à remplir leurs contrats, entraînant des retards sur la chaîne d’assemblage. Celui-ci est évalué à « plus de deux semaines » par le président de l’avionneur, ce qui a contribué à faire manquer l’objectif de 95 livraisons en 2015.
Pour 2016, il « a choisi de ne pas ignorer la crise ». Quand la capacité de la chaîne d’assemblage de Toulouse permet de fabriquer 120 appareils par an et après avoir enregistré une augmentation des cadences de livraisons de 70% sur cinq ans, ATR a décidé de ralentir son ramp-up. Il souhaite tout de même livrer plus de 90 appareils en 2016 et enregistrer des commandes pour une centaine.
A la conquête de nouveaux marchés
Pour cela, les équipes de ventes vont revoir leurs priorités en termes de marché. L’une d’elles est le Japon. ATR a réussi à poser ses premières roues sur l’archipel avec une commande de Japan Air Commuter et une livraison à Amakusa Airlines, mais le potentiel est plus important que cela au regard de la géographie du pays. L’ATR est particulièrement adapté aux liaisons inter-îliennes. L’avionneur a donc l’intention de « se montrer très offensif cette année. »
L’Inde se trouve également dans la ligne de mire, le biturbopropulseur étant une solution rapide pour désenclaver les régions où la croissance est moindre. Quant au ciel chinois, il abrite « zéro ATR » aujourd’hui et le marché des avions de 70 places ne représente que 5% des appareils en Chine, une proportion qui ne peut que croître. L’avionneur travaille également à transformer la vision des Etats-Unis sur l’appareil pour inciter les compagnies américaines à choisir l’ATR pour remplacer leurs jets régionaux sur les liaisons les plus courtes. Enfin, l’Iran représente un nouveau potentiel, que Patrick de Castelbajac estime difficile à évaluer mais qui pourrait dépasser les cinquante appareils, dont la moitié pourrait être commandée cette année.
De nouveaux produits ont par ailleurs été lancés pour mieux répondre aux demandes des opérateurs, comme la version combi, jugée particulièrement intéressante pour les compagnies îliennes et les compagnies africaines qui n’auraient pas une demande trop importante en transport passagers mais besoin d’une charge cargo supplémentaire. La version haute densité, à 78 places, a également été certifiée en 2015. Revenant sur l’ATR de 90 places, Patrick de Castelbajac a indiqué que, désormais, s’il devait pousser pour une version plus longue, il « plaiderait pour aller un peu au-delà de 90 places, parce que 78 c’est très proche. » Mais rien n’est prévu pour le moment.
La ligne d’assemblage final d’ATR à Toulouse. Photo © ATR