Yannick Assouad est arrivée à la tête de Latécoère au bon moment. Alors que Transformation 2020 venait d’être lancé (juin 2016), elle a tout de même pu y imprimer sa marque et opérer des ajustements, tout en conservant les lignes directrices de ce plan de transformation industrielle, censé optimiser les performances du groupe. Ces modifications, qu’elle décrit comme « à la marge » du plan, ont été exposées le 27 mars lors de la présentation des résultats annuels 2016. Elles répondent à deux besoins essentiels pour remporter des marchés : être reconnu techniquement et être compétitif.
« Je remets le focus sur l’innovation dans Latécoère » Yannick Assouad
« On ne fait pas de l’aéronautique sans investir un peu dans l’innovation sinon on a un horizon qui est forcément moins clair », résume la directrice générale de Latécoère. Et c’est probablement là la plus importante des retouches apportées par Yannick Assouad : renforcer les investissements de Latécoère dans l’innovation, ce que le groupe n’avait pas été en mesure de faire auparavant.
« Nous consentirons des efforts importants en R&T dans le domaine des Aérostructures » sur plusieurs programmes. Yannick Assouad a ainsi évoqué le projet NexGED (Next Generation Equipped Door) pour automatiser le système d’ouverture et de fermeture des portes en recourant à des technologies électriques plutôt que mécaniques. Latécoère va également travailler davantage sur la simplification de la structure composite des portes en vue d’arriver à une one-shot door en composites (actuellement, une « peau » est ajoutée à la structure) ainsi que sur la fabrication additive, notamment dans le domaine des métaux durs (titane), et la thermoplastique composite en remplacement du lay-up sur certaines parties de porte ou de structure.
Ceci s’ajoutera aux projets déjà existants, notamment celui de construire une usine 4.0 à Toulouse. « En 2020, nous aurons des sites récents, automatisés pour ceux qui seront restés en France, et dans lesquels nous aurons instauré les techniques du lean, ce qui n’est pas encore le cas chez Latécoère, ceci partout dans le monde ».
Une autre idée de Yannick Assouad est de travailler davantage à la diversification du portefeuille dans le domaine des systèmes d’interconnexion. Elle y voit en effet un potentiel important de croissance parce que Latécoère ne se positionne actuellement que sur une partie du marché : les câblages avion et de racks avioniques, ce qui représente 60% d’un marché de près de 5 milliards de dollars. Les 40% restants sont représentés par la cabine, les moteurs et les trains d’atterrissage, pour lesquels les activités sont largement réalisées en interne par les équipementiers et les avionneurs. « Nous ne nous adressions absolument pas à ce marché donc nous l’attaquons ». Latécoère a d’ailleurs déjà décroché des premiers contrats dans les trois domaines, et des câblages sont actuellement en production au Mexique pour le premier client cabine. « Nous avons été capables en très peu de temps à un marché cabine, un marché moteurs et un marché trains, sur les programmes 777, A350 et jets d’affaires ». Latécoère espère que cette diversification permettra de faire croître beaucoup plus vite que prévu le chiffre d’affaires de l’activité Systèmes d’interconnexion.
Gagner en compétitivité en se renforçant en zone best cost et en renégociant les contrats fournisseurs
L’implantation en zone best cost n’est pas une nouveauté pour Latécoère. Mais là encore, un ajustement a été effectué par Yannick Assouad, au sujet du futur site bulgare de Plovdiv. Celui-ci sera uniquement consacré aux petits assemblages à faible valeur ajoutée dans le domaine des Aérostructures – il devait initialement également prendre en charge des activités pour les Systèmes d’interconnexion. Cette implantation a vocation à donner de la souplesse au site de Prague – où la main d’oeuvre se raréfie et renchérit.
Autrement, la stratégie reste la même : renforcer cette implantation en zone best cost, y compris au Mexique malgré les annonces de Trump, qui représentera en 2020 67% des effectifs, contre 56% aujourd’hui – sous l’effet de la croissance des installations à l’étranger, de l’automatisation en France et du PSE mis en place cette année. Le site de Tarbes est désormais arrêté et le site de Périole sera revendu (Latécoère y conservera son siège dans un nouveau bâtiment qui doit y être construit). Par ailleurs, les fonctions support, aujourd’hui centralisées à Périole, seront relocalisées dans les différents sites de production.
Enfin, les contrats fournisseurs vont être revus. Actuellement, ils sont environ 400 à fournir Latécoère, un nombre trop important selon Yannick Assouad. « Nous voulons réduire ce nombre, mettre en concurrence et contractualiser ».
Latécoère est confiant. Tous les coûts de restructuration devraient être absorbés par les baisses de coûts de production et l’augmentation de l’activité. Si le chiffre d’affaires devrait être en baisse en 2017 – la réduction des cadences sur les programmes E-Jets (première génération) d’Embraer, Falcon 7X et 8X de Dassault et A380 ne pourra pas être compensée par l’augmentation de celles sur E2 et A320 -, il devrait se stabiliser en 2018 et 2019, avec une progression modérée du résultat opérationnel – qui a augmenté de 154% en 2016 sous l’effet change et une très forte amélioration des activités Interconnexion grâce à la montée en cadence de l’A350.
Mais l’objectif de Latécoère est d’être prêt en 2020, pour ne plus laisser passer de contrats. « Nous allons sortir de cette transformation avec une organisation et des technologies qui nous permettront de nous positionner sur les futures plateformes ».