Rolls-Royce ne montera pas à bord de l’AS2 d’Aerion, la société américaine ayant décidé de collaborer avec GE pour définir la configuration moteur de l’avion supersonique. Mais fort de son expérience sur le Concorde avec l’Olympus, Rolls-Royce reste à l’écoute du marché de l’aviation d’affaires supersonique. Plus qu’à l’écoute même puisque le motoriste a déjà réalisé des études de marché poussées et a déjà réfléchi à la façon dont il souhaite se positionner. « Nous voulons faire partie de ce marché s’il se matérialise », avait confirmé Scott Shannon, EVP Customer Business & Services, lors d’une conférence organisée par Rolls-Royce dans ses installations de Dahlewitz à la fin du mois de mars. Mais la prudence reste de mise : « avant que quoi ce soit ne se passe, il faut que cela ait du sens commercialement, ce ne peut pas être un projet scientifique ».
Rolls-Royce ne voit en effet qu’une cible très restreinte pour l’aviation d’affaires supersonique : les milliardaires, qui sont des « first movers », et les hommes d’affaires qui ont besoin de temps. Par ailleurs, « plus vous volez loin, plus les clients sont prêts à payer pour la vitesse. C’est une donnée prisée pour des distances supérieures à 4 100 nm » (7 600 km). Mais pour être intéressante, cette proposition devra augmenter substantiellement la vitesse et non pas se contenter de franchir le mur du son. « En augmentant la vitesse de façon substantielle, on peut augmenter le prix de façon exponentielle » ; cela permettrait de couvrir les frais de R&D mais réduirait le volume des ventes.
C’est pour cette raison que Scott Shannon ne voit pas l’aviation d’affaires supersonique comme une menace pour le reste du secteur : la demande sera très faible.
Il y a surtout deux grands défis à relever. Le premier, technique, est de parvenir à créer un produit fiable sans recourir aux technologies militaires. Cela implique des investissements et un risque élevés, que Rolls-Royce se sent toutefois prêt à relever. En revanche, le motoriste estime qu’il lui faudra une approche radicale, avec une partie chaude de taille importante pour obtenir de la vitesse, qui s’inscrit dans une vision à long terme, d’au moins dix ans, et va au-delà des technologies actuellement testées dans le programme Advance. « N’attendez rien dans les deux années à venir voire plus », prévient Scott Shannon.
Le second défi est le plus important et hors du contrôle du motoriste : il s’agit de la réglementation. Actuellement, le vol supersonique est interdit au-dessus des terres (par la FAA et l’OACI), ce qui signifie que seul un modèle hybride est possible : plus rapide qu’un avion d’affaires classique mais qui ne peut passer en vitesse supersonique qu’au-dessus de la mer. « Il n’y a pas besoin de changer les règles politiques, ce qui prendra beaucoup de temps, et cela reste clairement avantageux lorsqu’on regarde les routes qui seraient prises en charge par le supersonique » : une solution qui a la nette préférence de Rolls-Royce.