« Le voyage de Mitsubishi Aircraft Corporation n’a pas toujours été facile », reconnaît son président Hizakazu Mizutani, évoquant les erreurs de design du MRJ et les retards qu’elles ont entraînés, « mais nous avons beaucoup appris et aujourd’hui nous sommes en bonne position pour l’avenir. » Les déboires dans le développement du MRJ ont en effet poussé MITAC à complètement repenser son organisation et ses process, au moment même où le marché connaissait de grands bouleversements, avec le retrait de Bombardier de l’aviation commerciale et la prise de contrôle de cette activité chez Embraer par Boeing. Sa foi en sa transformation, en son produit et cette évolution font que MITAC se voit désormais comme « un OEM fondamental du marché régional ».
Signe de ce renouveau, l’avionneur vient de revoir le marketing de sa ligne de produit et renommé SpaceJet son MRJ. Le MRJ90 est devenu le M90 et sa livraison reste prévue en 2020 à ANA. En revanche, le MRJ70 a complètement été revu en devenant le M100 (une version allongée mais avec moins d’espace pour le cargo). Conçu pour respecter la scope clause américaine mais pas limité à cette scope clause, comme MITAC aime le répéter, il a décroché son premier contrat au salon du Bourget, avec un protocole d’accord conclu par une compagnie nord-américaine pour quinze exemplaires de l’appareils – alors qu’aucune annonce n’était initialement prévue.
« Le paysage compétitif a évolué en notre faveur »
Cet accord illustre l’importance du marché nord-américain pour Mitsubishi Aircraft. Dans son étude de marché, l’avionneur estime que sur les 5 140 appareils régionaux qui seront livrés d’ici vingt ans, 39% seront pour cette région du monde. Elle montre par ailleurs que 44% des vols domestiques y sont opérés en avions régionaux et que 63% des aéroports sont desservis uniquement par ce type d’appareils. D’où l’attention portée au respect de la scope clause lors du développement du M100, la conduite de la majeure partie du programme d’essais en vol à Moses Lake et l’ouverture d’un siège à Renton.
Mieux, le M100 arrive au moment parfait. Bombardier quitte l’aviation commerciale et pourrait même revendre son programme CRJ à Mitsubishi – les négociations sont en cours mais l’avionneur japonais estime qu’une telle transaction « aurait beaucoup de sens et donnerait un réseau clients et soutien que nous travaillons aujourd’hui à construire », estime Hizakazu Mizutani. Quant à Embraer, sa division aviation commerciale va être prise en main par Boeing et l’E175-E2, trop lourd pour la scope clause, n’a trouvé qu’un client qui ne pourra pas honorer sa commande si les limitations n’évoluent pas.
Hizakazu Mizutani, CEO de Mitsubishi Aircraft © Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Par ailleurs, le marché nord-américain va bientôt devoir faire face à une vague de renouvellement de sa flotte régionale, 1 100 des 2 900 appareils en service aujourd’hui dépassant les douze ans d’âge, et les compagnies ayant besoin d’appareils moins gourmands en carburant face au maintien des prix du pétrole à un niveau relativement élevé.
« Dans l’histoire de l’aviation régionale, le leader du marché a changé tour à tour. Nous sommes bien placés pour être le prochain », juge Alex Bellamy, directeur du Développement de Mitsubishi Aircraft.
« Le marché a un besoin désespéré de changement »
« Aujourd’hui les avions régionaux sont dépourvus d’innovation et sont basés sur les anciens modèles », constate Alex Bellamy. Or ils ne sont plus adaptés à l’évolution de l’environnement : les recettes au siège baissent plus vite que les coûts des compagnies tandis que les standards d’émissions et de bruit deviennent plus stricts.
Sur le plan du confort également se pose le problème. En raison d’une « cross section » restreinte, la largeur moyenne des sièges s’est réduite à 17,2 pouces et l’impression de manque d’espace se trouve amplifiée par l’augmentation continue des coefficients de remplissage. Par ailleurs, l’introduction en 2017 du bagage en soute payant, qui a rempli les coffres à bagages en cabine. Ceux-ci sont souvent trop petits pour pouvoir ranger toutes les valises cabine des passagers, ce qui fait perdre du temps (pour ranger les sacs dans les coffres puis pour faire descendre le trop plein en soute) et rend le voyage plus stressant.
« Aujourd’hui, le compromis est le paradigme de l’aviation régionale. Le SpaceJet est la fin du compromis », clame Steve Haro, directeur Marketing. Il vante une largeur de cabine permettant d’installer quatre sièges de front de 18,5 pouces de large, une hauteur de plus de deux mètres et de grands coffres à bagages permettant d’entrer les valises, les roues devant. Il promet également une réduction à deux chiffres de la consommation carburant et des coûts opérationnels par rapport à ses concurrents.
La prochaine étape est désormais de trouver d’autres clients, notamment les compagnies avec l’avis desquelles le M100 a été conçu. C’est pourquoi un M200, présent sur les présentations de Mitsubishi Aircraft, n’est pas encore d’actualité. Conçu avec un rayon d’action de base de 2 000 nm, suffisant pour la plupart des opérations aux Etats-Unis, en Europe et en Asie, le SpaceJet sera également proposé avec une option pour un réservoir auxiliaire permettant d’augmenter ce rayon d’action.
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