La prise de conscience mondiale sur le problème du réchauffement climatique et la diabolisation de l’aérien amènent les compagnies aériennes à communiquer davantage sur les actions qu’elles entreprennent pour réduire l’empreinte carbone de l’industrie et respecter les objectifs du CORSIA -croissance neutre à partir de 2020 et réduction des émissions de 50% en 2050 par rapport aux niveaux de 2008. Parmi les mesures mises en place se comptent le renouvellement de la flotte ou l’adoption de meilleures pratiques, mais l’essentiel des attentes se tourne à court terme vers l’utilisation des biocarburants.
Depuis le premier vol réalisé avec un mélange de kérosène et de biocarburant en 2008 (par Virgin Atlantic), le recours aux carburants durables d’aviation (SAF pour sustainable aviation fuel) a continuellement augmenté jusqu’à dépasser les 180 000 vols réalisés à ce jour. Mais il reste beaucoup de chemin à faire. Aujourd’hui, seuls cinq aéroports dans le monde sont régulièrement approvisionnés (Oslo, Bergen, Stockholm, Brisbane et Los Angeles) et moins de 1% de la demande des compagnies aériennes est satisfaite. Pourtant, bien que ce type de carburant soit plus cher que le kérosène et à l’heure où ce poste majeur de dépenses est très surveillé par les compagnies, celles-ci sont de plus en plus enclines à s’engager sur cette voie. Si l’IATA appelle à une plus grande implication des gouvernements pour faire avancer la recherche et soutenir la production, certains transporteurs prennent eux-mêmes le taureau par les cornes.
KLM investit massivement dans la première usine de production en Europe
KLM est très investie dans la réduction de son empreinte écologique, allant même jusqu’à supprimer ses vols entre Amsterdam et Bruxelles pour mettre ses passagers dans le Thalys. Elle fait aujourd’hui partie de ces compagnies qui utilisent le plus régulièrement possible des biocarburants sur ses vols. Regrettant la pénurie de biocarburants, Pieter Elbers, son CEO, avait toutefois expliqué que la solution actuelle n’était pas satisfaisante : « nous utilisons du carburant importé des Etats-Unis vers Amsterdam, ce qui semble anti-durable. »
Pour y remédier, elle s’est associée à SkyNRG et SHV Energy pour construire la première usine européenne de SAF à Delfzijl. Opérationnelle à partir de 2022, elle produira son biocarburant d’aviation à partir de déchets produits par les industries de la région, comme l’huile de friture. Dans le cadre du partenariat présenté au printemps, KLM s’est engagée à acheter 75 000 des 100 000 tonnes de SAF que l’usine sera capable de produire chaque année durant dix ans, réduisant l’empreinte de ses opérations de 200 000 tonnes de CO2 par rapport au kérosène (-80%).
© KLM
British Airways envisage aussi son usine au Royaume-Uni
British Airways a entrepris une démarche similaire avec Velocys et Shell. Les trois partenaires, réunis au sein d’Altalto Immingham, ont déposé une demande d’autorisation auprès du gouvernement britannique pour ériger une usine de biocarburant réalisé à partir de déchets ménagers solides. Elle permettrait de valoriser plus de 500 000 tonnes de déchets non recyclables destinés à la décharge ou à l’incinération et d’approvisionner à la fois le secteur aérien et automobile. Le SAF émettrait 70% de CO2 de moins que le kérosène et ne rejetterait aucun oxydes de soufre (NOx).
Située dans l’estuaire d’Humber, l’usine pourrait voir sa construction débuter en 2021 et sa production pourrait atteindre les volumes nécessaires pour sa commercialisation en 2024. British Airways s’est engagée à acheter une partie de la production.
© Altalto
C’est également une piste qu’envisage Delta Air Lines aujourd’hui. La compagnie a engagé deux millions de dollars dans l’étude de faisabilité de Northwest Advanced Bio-Fuels pour une usine de production dans l’état de Washington. Les conclusions devraient être rendues au milieu de l’année prochaine. L’idée est d’utiliser les déchets de bois en forêt comme matière première pour produire à partir de 2023 un biocarburant qui pourrait approvisionner les grands aéroports de la côte Ouest et couvrir 10% des besoins en carburant de Delta sur la côte.
Plusieurs autres compagnies sont très engagées, comme Qantas qui réalisera tous ses vols entre Los Angeles et l’Australie avec un carburant composé à 50% de SAF à partir de l’année prochaine. La compagnie se fournira auprès de SG Preston à Los Angeles. Aéroport très en avance en la matière, Los Angeles approvisionne tous les vols opérés par United Airlines à partir de la plateforme depuis 2016, permettant à ses avions de voler avec un mélange composé à 30% de biocarburant. La compagnie vient de renouveler son accord avec World Energy pour deux ans.
© United Airlines