Si les compagnies aériennes parient beaucoup sur les biocarburants, le renouvellement des flottes ou les initiatives d’optimisation des opérations pour réduire leur empreinte carbone, nombre d’entre elles jugent que ce n’est pas suffisant. « Les objectifs comme ceux de l’IATA de réduire les émissions de CO2 de 50% d’ici 2050 ne seront possibles qu’avec un changement de paradigme », estime Volotea, confirmant l’affirmation de Pieter Elbers qui disait en juin que « les mesures que nous prenons ne suffisent pas ».
Plusieurs ont donc poussé leur implication plus loin et soutiennent la recherche pour de nouveaux modèles d’avions, avec une foi toute particulière en l’avion électrique. Petit tour d’horizon.
easyJet et Wright Electric
L’une des premières compagnies à avoir vraiment communiqué à ce sujet est easyJet, qui a très tôt présenté un projet d’avion à open rotor. Aujourd’hui, la low-cost est engagée dans un projet différent, avec Wright Electric. La société américaine travaille sur la propulsion électrique, a déjà développé un moteur pour un avion de deux places qui vole actuellement, et est pleinement engagée sur un moteur pour un avion de neuf places qui pourrait voler cette année.
Le partenariat avec easyJet a lancé la définition d’un système de propulsion électrique adapté à un avion de la taille d’un monocouloir. Un brevet a déjà été déposé. EasyJet n’est pas impliquée financièrement dans le projet mais le soutient en apportant son expertise opérationnelle. Les deux partenaires espèrent pouvoir mettre en service un appareil très tôt, dès 2030, et visent la liaison Londres – Amsterdam pour débuter. Courte, elle permet de ne pas être entravée par la faiblesse du rayon d’action. Très empruntée, elle doit apporter un vrai gain en matière d’émissions.
© easyJet
Volotea et DΔnte Aeronautical
Volotea s’est plus récemment associée à DΔnte Aeronautical (ainsi qu’Altran et les universités d’Adélaïde et de Sydney), qui travaille sur un avion hybride de 19 à 35 places, dont l’électricité des moteurs proviendrait de batteries et d’un moteur à combustion interne (présent pour augmenter le rayon d’action). Là aussi, la compagnie fournit ses analyses de marché et des données techniques. L’appareil est développé dans l’optique de desservir des routes non rentables avec les appareils actuels ou inexistantes, pour désenclaver des sites touristiques difficiles d’accès par exemple.
DΔnte Aeronautical travaille sur un avion tout électrique mais qui ne pourra pas être commercialement viable avant 2030 et restera réservé à une élite aisée. En revanche, il estime que la solution hybride peut être prête bien avant et apporter des réductions de consommation carburant de l’ordre de 50% dès 2025. Une définition préliminaire est prête et doit être approfondie avec les partenaires universitaires, avant de concevoir un prototype à tester.
Widerøe et Rolls-Royce
Désireuse de faire sa part pour atteindre l’objectif que la Norvège s’est fixé d’avoir une aviation domestique neutre en carbone à partir de 2040, Widerøe s’est associée à Rolls-Royce, au gouvernement norvégien et à Innovation Norway sur un programme de recherche d’une durée de deux ans pour concevoir un avion électrique. Rolls-Royce fournira son expertise dans le domaine des systèmes et de l’électrique, récemment renforcée par le rachat de Siemens eAircraft.
Widerøe, elle, souhaite remplacer sa flotte de Q400 pour devenir neutre en carbone dès 2030.
SAS et Airbus
SAS s’associe elle aussi à l’objectif de son pays, la Suède, de devenir neutre en carbone, ceci à partir de 2045. Elle a donc décidé de se lancer dans la recherche pour l’aviation hybride et électrique aux côtés d’Airbus et de s’impliquer durant un an et demi dans ce projet (jusqu’à la fin de 2020). Les études s’intéressent davantage à l’écosystème qui doit se créer et s’adapter à ce type d’avion, donc l’impact du changement pour les opérations des compagnies aériennes et des aéroports, par exemple sur les infrastructures au sol, les limitations en matière de rayon d’action, l’acheminement de l’électricité, la durée de rotation…
© SAS
Une initiative des pays nordiques pour l’aviation électrique
SAS ne travaille pas uniquement avec Airbus. Elle prend également part à l’initiative de Nordic Innovation, impulsée par les ministres des pays du nord de l’Europe, pour le développement de l’avion électrique. Celle-ci réunit onze membres, dont Air Greenland, Braathens, Finnair, Icelandair et SAS. L’idée est davantage de structurer la filière en établissant des standards, plutôt que chaque pays prenne des mesures individuellement. Le travail se tourne vers quatre sujets : la standardisation des infrastructures dans les pays concernés, le développement des business model de point à point régional avec la baisse des coûts que doit engendrer l’électrification des avions, le rappel des spécificités des conditions météorologiques nordiques pour qu’elles soient prises en compte dans le développement (par exemple la gestion des batteries par grand froid) et l’élargissement de la coopération au reste du monde.
Pas d’électrique mais du long-courrier pour KLM et TU Delft
La course à l’aviation électrique n’est toutefois pas près d’aboutir rapidement à une solution viable pour l’aviation commerciale, même régionale. D’autres pistes sont donc explorées sur de nouveaux concepts d’appareils, comme l’aile volante ou le fuselage ovale. L’idée de fusionner les deux est venue aux chercheurs de l’université de technologie de Delft et a séduit KLM, qui a marqué les esprits lors de la dernière assemblée générale de l’IATA en présentant son soutien à ce projet. Il porte sur un appareil long-courrier de l’envergure et de la capacité d’un A350, en forme de V avec une cabine intégrée aux ailes, mais capable d’utiliser les infrastructures existantes. Rien que son design, qui se base sur la technologie actuelle de moteurs, devrait lui permettre de réduire de 20% sa consommation. Mais le projet n’en est qu’au stade préliminaire et Pieter Elbers, le PDG de KLM, avait indiqué qu’il s’agissait d’un développement à 25 ans.
KLM fournit le financement pour la production d’un démonstrateur de trois mètres, ainsi que son expertise d’exploitant. TU Delft avait promis qu’il volerait pour le centième anniversaire de la compagnie, verdict la semaine prochaine…
© TU Delft